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30/01/2014 | FRANCE | N°11MA00453

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 30 janvier 2014, 11MA00453


Vu, enregistrée le 4 février 2011 sous le n° 11MA00453, la requête présentée pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, dont le siège est situé Atrium 10.7, 10 place de la Joliette à Marseille (13002), prise en la personne de son président en exercice, par la SELARL Phelip et Associés ;

La communauté urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM) demande à la Cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 0807677 du 6 décembre 2010 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les prétentions de M. B...et de la société Allianz ;r>
2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en ne retenant qu'une infime part...

Vu, enregistrée le 4 février 2011 sous le n° 11MA00453, la requête présentée pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, dont le siège est situé Atrium 10.7, 10 place de la Joliette à Marseille (13002), prise en la personne de son président en exercice, par la SELARL Phelip et Associés ;

La communauté urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM) demande à la Cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 0807677 du 6 décembre 2010 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les prétentions de M. B...et de la société Allianz ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en ne retenant qu'une infime part de responsabilité à la charge de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et en diminuant les sommes allouées à M. B...et à son assureur ;

3°) en tout état de cause, de condamner solidairement M. B...et la société Allianz au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de MeF..., substituant MeA..., pour la société Allianz et de MeC..., substituant MeD..., pour M.B... ;

1. Considérant que le 29 mars 2005 la panne en béton B du port de Sausset-les-Pins s'est effondrée entrainant avec elle le bateau de M. B...qui y était amarré ; que le bateau a partiellement coulé et ses deux moteurs ont été endommagés ; que M. B...a recherché la responsabilité de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM), gestionnaire du port, devant le tribunal administratif de Marseille ; que la CUMPM relève appel du jugement du 6 décembre 2010 par lequel le tribunal l'a reconnue responsable pour trois quarts des préjudices subis par M. B...et l'a condamnée à verser 34 467,65 euros à M.B..., 12 661,67 euros à la société AGF, et 1 000 euros respectivement à M. B...et à la société AGF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par la voie de l'appel incident, M. B...demande que la CUMPM soit déclarée entièrement responsable de son préjudice et condamnée à lui verser la somme totale de 60 283,30 euros avec intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts échus pour l'année entière ; que, de même, par la voie de l'appel incident, la société Allianz, venant aux droits de la société AGF, assureur de M.B..., demande que la CUMPM soit condamnée à lui verser la somme totale de 16 882,22 euros au titre d'une avance sur privation de jouissance et des frais de consignation d'expertise et de démontage des moteurs par l'entreprise Galli dans le cadre de l'expertise ;

Sur la recevabilité des conclusions présentées par la compagnie d'assurance devant les premiers juges :

2. Considérant que, dans le cadre d'un litige ouvert par son assuré tendant à l'indemnisation des préjudices que celui-ci a subis, un assureur ne peut, en cette seule qualité, dès lors qu'il ne serait pas recevable à former tierce opposition contre la décision de justice susceptible d'être rendue, être regardé comme partie à l'instance ; que si, lorsque postérieurement à l'introduction de la requête, il est subrogé dans les droits et actions de son assuré, il peut se substituer à lui en cours de procédure à due concurrence des sommes versées, il doit en revanche, lorsque cette subrogation a eu lieu antérieurement à la saisine par son assuré de la juridiction compétente, présenter des conclusions tendant au remboursement de ses débours soit en même temps que son assuré soit par requête distincte et non par la simple production d'un mémoire ultérieur dans le cadre de l'instance ouverte où il n'est pas partie ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société AGF Iard, aux droits de laquelle vient la société Allianz, a présenté ses conclusions tendant au remboursement des sommes qu'elle avait versées à M.B..., dans un mémoire en date du 19 novembre 2008, postérieur à l'introduction de la requête présentée par M.B..., qui, s'il ne comporte pas la référence de l'instance ouverte au nom de celui-ci, se réfère expressément à l'argumentation de M. B... et, dépourvu d'une motivation propre, ne peut en toute hypothèse être regardé comme une requête distincte présentant les conditions de recevabilité prévues à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que la seule circonstance que M. B...ait, dans sa requête, appelé son assureur à la cause ne suffit pas à conférer à celui-ci la qualité de partie à l'instance ; que, par suite, les conclusions présentées par la société AGF Iard étaient irrecevables ; que la décision du tribunal doit, dans la mesure où elle a fait droit à des conclusions irrecevables, être annulée ; qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter celles-ci comme irrecevables ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu du fait d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre cet ouvrage et le dommage dont il se plaint ; que la personne publique en charge dudit ouvrage doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir l'absence de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

5. Considérant que M. B...était propriétaire d'un bateau dénommé le " MAYA " amarré à la panne en béton B du port de Sausset-les-Pins géré par la CUMPM ; qu'il avait dès lors la qualité d'usager de l'ouvrage public ; qu'il est constant que le 29 mars 2005 ladite panne s'est effondrée entrainant avec elle l'arrière du bateau et ses deux moteurs qui ont été endommagés par leur immersion dans l'eau de mer ; qu'ainsi le lien de causalité entre l'effondrement dudit ouvrage et les dommages subis par les moteurs est établi ;

6. Considérant, en premier lieu, que même en admettant, comme le soutient la CUMPM, que les travaux entrepris sur les pannes A, C et D à partir de 2005 et l'arrêté municipal n° 133 de décembre 2009 interdisant l'accès à la panne E ainsi que les attroupements et le stationnement prolongé sur les pannes F et G ne sauraient par eux-mêmes démontrer le mauvais état de l'ouvrage, il reste qu'en se bornant à soutenir que les services techniques du port présents en permanence sur place n'avaient pas détecté de faiblesse de la panne et en produisant un simple courrier du directeur du port du 4 mai 2009 faisant valoir " qu'aucun élément ne prévoyait la rupture et l'effondrement de la panne B en ce 29 mars 2009 ", la CUMPM, qui n'évoque aucun cas de force majeure ou la faute de la victime dans la survenance du sinistre mais fait seulement valoir que rien ne permettait de prévoir l'effondrement de la panne, n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un entretien normal dudit ouvrage ; que, par suite, sa responsabilité doit être retenue ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B...a été prévenu vers 17 h le jour du sinistre, qu'il s'est rendu sur place vers 17 h 45 pour vidanger les cales et rincer les éléments submergés avec de l'eau douce, que dès le lendemain il a déclaré le sinistre à son assurance, que dès les 4 avril 2005 et 18 avril 2005, il a fait établir par l'Atelier Méditerranée Service deux devis estimant le montant des réparations à un total de 14 315,92 euros, que, le 7 mai 2005, il s'est acquitté d'une facture de 227,24 euros à cette même société pour " mise en sauvegarde des 2 moteurs / Dépose des 12 injecteurs / contrôle des injecteurs / dépose des démarreurs / mise en oeuvre devis " ; qu'il s'en suit que M. B...doit être regardé comme ayant accompli les diligences nécessaires et ne peut se voir reprocher de ne pas avoir pris, comme le soutient la CUMPM, les mesures conservatoires propres à sauvegarder ses moteurs de dommages irréversibles ; qu'en conséquence, la CUMPM n'est pas fondée à soutenir qu'eu égard aux fautes commises par M.B..., sa part de responsabilité devrait être ramenée à 10 % ; qu'en revanche, M.B..., par la voie de l'appel incident, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a estimé qu'il était responsable à hauteur de 25 % de la réalisation de son préjudice ;

Sur les préjudices de M.B... :

8. Considérant que l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit ; que, dés lors, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection ; que ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, du meuble ou de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et principalement du rapport d'expertise du 28 février 2008 établi par M. G...que le coût de réfection complète des moteurs s'élève à 51 229,63 euros ; que, toutefois, le rapport d'expertise établi par le cabinet Roux expertises maritimes, en date du 12 octobre 2005, qui n'est nullement contesté, estime que la valeur vénale de la motorisation avant le sinistre s'élève à 10 000 euros ; que, par suite, la CUMPM est fondée à faire valoir que l'indemnisation du préjudice de M. B...tenant à la perte de ses moteurs doit être limitée à la somme de 10 000 euros ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...demande l'indemnisation des sommes qu'il a engagées à hauteur de 11 970,21 euros à raison des frais d'amarrage, pour une période allant du 1er avril 2005 au 1er janvier 2006, des frais de location de son anneau pour les années 2006 à 2008, du droit annuel de navigation pour les années de 2005 à 2006 et des frais d'assurances pour un période allant du 9 mai 2005 au 8 mai 2009 ; que, toutefois, dès lors que ces frais sont la conséquence de la détention de son bateau et n'ont pas été causés par l'accident litigieux, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que seule la somme de 227,24 euros, engagée au titre de la mise en sauvegarde des moteurs, était en lien direct avec le sinistre subi et pouvait faire l'objet d'une indemnisation;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'en justifiant, par la production d'avis d'impôt sur le revenu pour les années 2005 et 2006, être dans l'incapacité financière de remédier aux troubles engendrés par la dégradation des moteurs de son bateau, M. B...peut utilement se prévaloir d'un préjudice issu de la perte de jouissance de son bien pour une période allant du 29 mars 2005, date du sinistre, au 6 octobre 2011, date de la vente de son bateau ; qu'en allouant à M. B...à ce titre une somme de 7 000 euros, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce préjudice ; qu'il convient, sur ce point, de confirmer le jugement attaqué ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que, par des conclusions nouvelles qui sont recevables dès lors qu'elles restent dans les limites du quantum de sa réclamation initiale, M. B... demande à être indemnisé des frais de carénage d'un montant total de 4 813,87 euros qui lui ont été réclamés en conséquence de l'immobilisation de son bateau, pour la période du 1er janvier 2009 au 15 octobre 2011 ; qu'il y a lieu, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... justifie n'avoir pu remédier plus tôt aux troubles engendrés par la détérioration de ses moteurs et qu'il produit des factures en date des 10 et 11 octobre 2011 correspondant aux frais réclamés, de condamner la CUMPM à l'indemniser également de ce préjudice ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préjudice indemnisable de M. B...s'élève à la somme de 22 041,11 euros ; qu'il y a lieu de déduire de cette somme la provision de 10 000 euros que son assureur, la société Allianz, lui a versé au titre de l'indemnisation de son préjudice ; que, par suite, la CUMPM est seulement fondée à demander à ce que la somme que l'article 1er du jugement attaqué l'a condamnée à verser à M. B... soit ramenée à un montant de 12 041,11 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2008, date d'enregistrement de sa demande, avec capitalisation à compter du 6 novembre 2009 et, par la suite, à chaque échéance annuelle en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif est annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la société AGF Iard aux droits de laquelle vient la société Allianz.

Article 2 : La somme que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole est condamnée à verser à M. B...est ramenée à 12 041,11 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2008. Les intérêts seront capitalisés à compter du 6 novembre 2009 ainsi qu'à échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Allianz sont rejetées.

Article 4 : Le jugement du 16 juillet 2010 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées respectivement par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et par M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, à M. E...B...et à la société Allianz.

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N° 11MA00453 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA00453
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-01-30;11ma00453 ?
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