Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2010, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par MeA... ;
M. C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605387 du 23 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit à sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période de janvier 1998 à décembre 1999 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2013,
- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
1. Considérant que suite à l'examen de situation fiscale personnelle engagé sur les revenus des époux C...au titre des années 1998 et 1999, l'administration a constaté des versements sur le compte personnel du requérant provenant de la société JLM Technology ; qu'elle a engagé pour les mêmes exercices une vérification de comptabilité de cette société, en adressant les pièces de procédure à M.C..., regardé comme dirigeant de fait de la société, son seul interlocuteur et maître de l'affaire ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société JLM Technology a été créée en Grande-Bretagne par immatriculation au registre du commerce de Cardiff le 19 décembre 1997, avec un siège social sis 72 New Bond Street à Londres, pour commercialiser, en France notamment, des logiciels de nutrition mis au point par le DrC..., en vertu d'une licence d'exploitation concédée par ce dernier à la société JLM par contrat en date du 1er avril 1998 ; qu'au dossier figure l'inscription au registre du commerce anglais de la dissolution le 6 juin 2000 de la société, qui n'avait fait l'objet d'aucune identification en France, ni auprès d'un centre des impôts, ni auprès d'un centre de formalités des entreprises (CFE) ni des autorités judiciaires ou du registre du commerce et des sociétés, et n'avait souscrit ni en Grande-Bretagne ni en France aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ou de résultats ;
3. Considérant que le vérificateur a reconstitué les recettes de cette activité qualifiée d'occulte par totalisation des factures clients, et les a soumises à la TVA et à l'impôt sur les sociétés par notification du 29 mai 2002, effectuée, pour la TVA, selon la procédure de taxation d'office de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales pour dépôt des déclarations (mentionnant " Néant ") au-delà des trente jours de la mise en demeure du 10 mai 2001 ; que de ce fait, la charge de la preuve de l'exagération des rappels incombe au requérant ; que pour 1998, compte tenu de recettes de 1 003 621 francs HT et de la taxe déductible sur les dépenses retenues, le tout figurant en annexe à la notification, la taxe due s'élève à 27 971 euros ; que pour l'année 1999, compte tenu de recettes de 675 283 francs HT, la taxe due s'élève à 18 419 euros ;
4. Considérant qu'après mise en recouvrement en janvier 2003, réclamée à la société puis à M.C..., assigné en paiement solidaire par le comptable des impôts, le requérant a été désigné responsable solidaire du paiement des rappels TVA par un arrêt devenu définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 31 janvier 2006, fondé sur l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, selon lequel " Toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société... peut être déclarée solidairement responsable du paiement des impositions (dues par la société) par le président du TGI " ; que cette désignation le rend recevable à contester l'imposition, ainsi qu'il l'a fait par réclamation du 9 février 2006, dont le rejet a fait l'objet de la requête rejetée par le jugement attaqué ;
5. Considérant que M. C...soutient que le délai spécial de prescription de six ans, incluant l'année 1998, ne peut s'appliquer dès lors qu'il s'agit d'une question de territorialité de l'impôt et non du caractère occulte de l'activité, celle-ci ayant été dûment déclarée lors de sa création en 1997 en Grande-Bretagne ; que le contrat de concession de licence d'exploitation signé par M. C...et la société JLM n'a pas eu pour conséquence de transporter en France le centre de direction de la société, sauf à considérer que le requérant avait une personnalité professionnelle indépendante de celle de la société, ce qui rendrait imposable en France le requérant et non la société ;
Sur la territorialité de l'impôt, l'identité du redevable et le délai spécial de vérification :
6. Considérant qu'une société étrangère qui réalise des opérations de ventes en France, est soumise aux mêmes impositions que les entreprises françaises réalisant les mêmes opérations, et doit donc acquitter la TVA en France ; que la société JLM devait à ce titre, antérieurement au 1er janvier 2002 et en application des dispositions de l'article 289, I du code général des impôts, désigner un représentant fiscal assujetti établi en France, chargé des formalités incombant à la personne établie à l'étranger, et du paiement de la TVA à sa place ; que faute de l'avoir fait, et faute de s'être fait connaître d'un CFE ou du service des impôts en France, et d'avoir déposé la moindre déclaration de chiffre d'affaires et de résultats en France, cette société, par ailleurs inconnue des services fiscaux anglais et établie à une adresse qui selon les autorités britanniques est une adresse de domiciliation, a exercé une activité occulte en France dont les opérations sont imposables à l'impôt sur les sociétés et à la TVA ; que cette situation autorisait l'administration française à contrôler l'activité de la société en France en faisant application du délai spécial de reprise de six ans prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales ; que par suite, l'année 1998 a pu être vérifiée à bon droit ;
7. Considérant que la société soutient n'avoir eu aucune activité en France, celle-ci étant réalisée par M. C...qui dispose d'une personnalité professionnelle indépendante dans le cadre du contrat de concession de 1998 le liant à la société ; que selon les termes dudit contrat, la société a le droit de fabriquer..., vendre et exploiter le logiciel sur tous pays (article 2), de manière sérieuse et optimale (article 5-1), à prendre en charge tous les frais de développement et de protection du logiciel, et à rémunérer les droits ainsi concédés par le versement à M. C... de 20% du chiffre d'affaires global issu de la vente du logiciel (article 6) ; que M. C...s'engage de son côté à assurer la promotion du logiciel auprès du corps médical, la formation et la maintenance nutritionnelle, à transmettre à la société JLM les mises à jour et améliorations du logiciel (article 5-2), à représenter la société en France, enfin à ouvrir et gérer un compte bancaire au nom de la société (article 10), dont il justifiera de tous les mouvements ;
8. Considérant que ces dispositions ne donnent aucune autonomie d'action à M. C..., qui est le simple représentant de la société en France, chargé de la promotion du produit, de ses mises à jour techniques et de la gestion des fonds, dont il devait d'ailleurs rendre compte ; que les opérations de ventes sont expressément confiées à la société JLM et non à M. C... ; que c'est bien la société et non ce dernier qui réalise des opérations de ventes en France et est redevable de la TVA en France ;
Sur la motivation de la notification :
9. Considérant que le requérant soutient que l'invocation des articles 256 et 256 A est insuffisante, la notification ne précisant pas la nature des opérations réalisées ; que cependant, l'activité de la société consiste bien en des opérations de ventes de biens (le logiciel de nutrition) et non en des prestations de services (la concession de licence d'exploitation du logiciel n'est qu'une modalité de la commercialisation du produit) ; que le vérificateur a dûment spécifié ce point dans sa notification en disant " l'objet de la société est la vente de logiciels de nutrition. En vertu des articles 256 et 256 A, cette activité de livraison de biens opérée sur le territoire national est imposable à la TVA " ;
10. Considérant que les articles 256 et 256 A du code, selon lequel " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) " ont pu à bon droit servir de fondement à l'imposition ; qu'au demeurant, si les opérations en cause avaient été des prestations de services, leur lieu d'imposition serait également la France au vu des dispositions de l'article 259 B du code selon lesquelles " le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : /1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires ... " ; que si le vérificateur n'a pas indiqué le fait générateur de l'imposition, il ne peut s'agir, compte tenu de la nature de l'activité, que de la livraison des biens et non de l'encaissement du prix des prestations ; que la notification, qui contient par ailleurs tous les renseignements requis, ne souffre d'aucun manque de motivation de ce fait ;
Sur les conséquences de la dissolution de la société en Grande-Bretagne :
11. Considérant que M. C...soutient que l'avis de vérification lui a été irrégulièrement adressé dès lors que la société JLM Technology Ltd, de droit anglais, avait été dissoute et radiée en juin 2000, sans liquidateur désigné, et que l'administration n'a pas demandé au juge compétent la désignation d'un mandataire ad hoc ; que le débat oral et contradictoire a été engagé sous la contrainte avec une personne non habilitée à représenter la société ; que l'avis de mise en recouvrement a été établi le 17 janvier 2003 au nom d'une personne morale qui n'existait plus alors ;
12. Considérant que, dès lors que la société est imposable en France, elle se trouve soumise à notamment l'article L. 237-2 du code de commerce précisant que la personnalité morale subsiste jusqu'à la clôture de la liquidation, et à l'article 1844-5 du code civil précisant que l'associé unique d'une société se substitue à la société vis-à-vis des tiers et que l'avis de vérification lui est régulièrement adressé, la désignation d'un administrateur ad hoc n'étant nécessaire qu'après clôture de la liquidation ;
13. Considérant que la parution de la dissolution de la société au registre du commerce et des sociétés anglais en date du 6 juin 2000 ne signifie pas que les opérations de liquidation auraient elles aussi été achevées dès cette date ; que la société qui aurait dû se faire connaître en France et agir selon cette législation, ne peut se prévaloir de l'application de la législation commerciale anglaise, dont elle ne justifie d'ailleurs pas avoir rempli les obligations ;
14. Considérant que le service a constaté au vu des factures clients et fournisseurs que cette société, inconnue en Grande-Bretagne, était dirigée depuis Mougins, domicile de M. C..., qui y recevait le courrier et les relevés bancaires du compte ouvert en France au nom de la société JLM, qui était le seul titulaire de la signature de ce compte bancaire et disposait ainsi des moyens matériels, techniques et financiers nécessaires à l'activité de négoce qui s'y exerçait ; que M. C...était dès lors le seul interlocuteur possible de l'administration fiscale, qui a pu à bon droit lui adresser l'avis de vérification et les autres pièces, dont l'avis de mise en recouvrement, et entreprendre avec lui un débat oral et contradictoire consistant en au moins quatre entretiens, le 21 février 2002, le 4 avril, le 22 avril et le 29 avril 2002 ;
Sur l'emport des documents :
15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises ; qu'en outre, cette pratique ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable du droit à avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...a spontanément adressé au service des documents se rapportant au contrôle de l'activité professionnelle de la société JLM ; que le caractère spontané de cette remise empêche de la regarder comme constitutive d'un emport de documents par l'administration ; que le moyen tiré de l'existence d'un emport irrégulier de documents comptables doit donc être écarté ;
17. Considérant qu'en l'absence d'autre moyen portant sur le bien-fondé de l'imposition, la requête ne peut qu'être rejetée ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. C... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 10MA02357 2
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