Vu, ainsi que les mémoires qui y sont visés, l'arrêt en date du 4 juillet 2005, par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a, avant de statuer sur la requête enregistrée sous le n° 02MA00315, présentée pour Mme Yvonne , demeurant ..., par la SCP Vier-Barthélémy, et tendant à ce que la Cour réforme le jugement n° 962024 du Tribunal administratif de Nice du 4 décembre 2001 et condamne la société RTE EDF TRANSPORTS à lui verser la somme de 644.843,33 euros avec intérêts au taux légal en réparation des conséquences dommageables de l'incendie survenu le 7 octobre 1989 qui a ravagé sa propriété, ordonné une expertise afin de déterminer :
- d'une part, si les phénomènes d'amorçage provoqués par la ligne à haute tension et le pylône existants ont, lors de l'incendie de la propriété de la requérante en 1989, joué un rôle significatif d'aggravation de cet incendie sur sa propriété, en tenant compte notamment des conditions météorologiques de l'époque, de l'état d'entretien et d'élagage de la végétation et des arbres situés aux abords des ouvrages publics susmentionnés ainsi que des conditions d'intervention des services de secours et de lutte contre l'incendie, en précisant notamment si ces derniers ont demandé l'interruption de l'alimentation de la ligne à haute tension ;
- d'autre part, en cas d'aggravation significative de l'incendie du fait des phénomènes d'amorçage, d'évaluer les conséquences dommageables de cette aggravation sur la propriété de Mme ;
Vu la décision en date du 30 août 2006 du président de la Cour administrative d'appel de Marseille, désignant M. Max Brun en qualité d'expert ;
Vu la décision en date du 17 décembre 2007 du président de la Cour administrative d'appel de Marseille, désignant M. Roch-Bernard Fontana en qualité de sapiteur ;
Vu le rapport déposé au greffe de la Cour le 16 juillet 2009 par l'expert désigné ;
Vu l'ordonnance du 31 août 2009 par laquelle le président de la Cour a liquidé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 6.004,33 euros ;
Vu le courrier adressé par M. Roch-Bernard Fontana enregistré le 12 octobre 2009 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2009, présenté pour Mme qui conclut aux mêmes fins que la requête, à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge d'EDF, ou de RTE, et de condamner EDF, ou RTE, à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés en première instance et une somme de 4.000 euros sur le même fondement au titre des frais exposés en appel et en tant que de besoin ordonner un complément d'expertise pour évaluer les préjudices ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 novembre 2009, présenté pour la société RTE EDF TRANSPORTS SA qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme à lui verser une somme de 4.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu la lettre de M. Brun enregistrée le 17 novembre 2009 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2009 :
- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;
- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;
-et les observations de Me Vier représentant Mme ;
Considérant que par un jugement du 4 décembre 2001, dont Mme relève appel, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que la société RTE EDF TRANSPORTS, venant aux droits d'Electricité de France, soit déclarée responsable des conséquences dommageables provoquées par un incendie dans sa propriété ; que, par un arrêt du 4 juillet 2005, la Cour a désigné un expert aux fins notamment, d'une part, de déterminer si les phénomènes d'amorçage provoqués par la ligne à haute tension et le pylône existants sur les lieux ont joué un rôle significatif d'aggravation de l'incendie et, d'autre part, en cas d'aggravation significative de l'incendie, d'évaluer les conséquences dommageables de cette aggravation sur la propriété de la requérante ; que l'expert mandaté par la Cour a remis son rapport le 16 juillet 2009 ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que le 7 octobre 1989, vers 17h49, un incendie s'est déclaré aux abords de la route de Châteauvallon sur le territoire de la commune d'Ollioules et s'est propagé jusqu'à la propriété de la requérante où est implanté un pylône électrique qui sert de support à une ligne haute tension de 225 kv ; que l'incendie a provoqué deux amorçages successifs dont l'énergie a entraîné un embrasement généralisé éclair et a aggravé de manière significative le développement, l'intensité et l'extension de l'incendie sur la propriété de la requérante ; que, dans ces conditions, et alors même que la cause du départ de l'incendie n'a pu être déterminée avec certitude, la responsabilité d'Electricité de France est engagée envers la requérante, qui avait la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public que constituait le pylône, à raison des conséquences dommageables de l'incendie en cause, et sans qu'il soit besoin de déterminer si les conséquences dommageables dudit incendie résultent d'une insuffisance d'entretien par Electricité de France de la végétation située à proximité du pylône ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, que la victime ait commis une faute, ni que l'incendie en cause soit imputable à un cas de force majeure ; qu'il suit de là que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la présence des ouvrages d'EDF a eu pour effet d'accroître la violence et l'extension de l'incendie, faisant ainsi perdre une chance à Mme de voir l'incendie maîtrisé par les services de secours avant l'embrasement de la plus grande partie de sa propriété ; que cette perte de chance compte tenu des conditions, notamment météorologiques dans lesquelles se propageait l'incendie, doit être évaluée à 30 % du dommage dont elle a été victime ;
Considérant que, pour justifier le montant de ce dommage, Mme , qui ne soutient pas avoir réalisé les travaux qu'elle estimait nécessaires, produit une série de devis pour le nettoyage du terrain, la restauration de restanques et la replantation de diverses essences ; qu'eu égard aux capacités de régénération naturelle de ce type de couvert forestier et à l'absence de justification de la nécessité de l'ensemble des travaux ainsi chiffrés, il sera fait une juste appréciation du montant du préjudice lié à la perte de chance ci-dessus définie en l'évaluant à 60.000 euros ;
Considérant que l'indemnité allouée prenant en compte le coût de reconstitution de sa propriété, Mme n'apporte pas la preuve de l'existence de la perte de valeur vénale qu'elle invoque et qui trouverait son origine dans les désordres susmentionnés ; qu'en revanche, la requérante a subi un préjudice d'agrément certain qui peut être évalué à la somme de 10.000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société RTE EDF TRANSPORTS doit être condamnée à verser la somme totale de 70.000 euros à Mme , assortie des intérêts de droit à compter du 7 juin 1996 et de leur capitalisation à compter du 26 juin 1998, date à laquelle ils ont été demandés pour la première fois ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par la Cour, à la charge définitive de la société RTE EDF TRANSPORTS ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société RTE EDF TRANSPORTS la somme de1.500 euros au titre des frais exposés par Mme ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle ce que soit mise à la charge de Mme , qui n'est pas la partie tenue aux dépens, la somme demandée par la société RTE EDF TRANSPORTS à ce titre ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 4 décembre 2001 est annulé.
Article 2 : La société RTE EDF TRANSPORTS est condamnée à verser à Mme , une somme de 70 000 euros (soixante-dix mille euros) avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1996. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 26 juin 1998 puis chaque année à la même date.
Article 3 : La société RTE EDF TRANSPORTS est condamnée à verser 1.500 euros (mille cinq cents euros) à Mme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par la Cour seront supportés par la société RTE EDF TRANSPORTS.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société RTE EDF TRANSPORTS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme , à la société RTE EDF TRANSPORTS et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
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N° 02MA00315 2
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