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06/07/2004 | FRANCE | N°02MA01294

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2004, 02MA01294


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2002 sous le n° 02MA01294, présentée par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER ;

L'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 17 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. Stuart X, a annulé la décision du 9 octobre 1998 par laquelle le directeur de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a refusé de lui dél

ivrer une attestation de rapatriement ;

2°/ de rejeter la demande de M...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2002 sous le n° 02MA01294, présentée par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER ;

L'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 17 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de M. Stuart X, a annulé la décision du 9 octobre 1998 par laquelle le directeur de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a refusé de lui délivrer une attestation de rapatriement ;

2°/ de rejeter la demande de M. Stuart X tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 1998 par laquelle le directeur de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a refusé de lui délivrer une attestation de rapatriement ;

Elle soutient :

- qu'il résulte des travaux parlementaires sur la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés et de la jurisprudence qu'un demandeur installé dans un territoire antérieurement sous la souveraineté française qui n'a exercé une activité professionnelle qu'après l'accession de ce territoire à l'indépendance, ne peut revendiquer le bénéfice des dispositions de cette loi ;

- qu'en l'espèce, M. X n'a exercé une activité professionnelle en Tunisie qu'après la date de la proclamation de l'indépendance tunisienne le 20 mars 1956, du 15 octobre 1958 au 30 avril 1959 en qualité de maître d'internant ;

- que de plus, M. X n'a pas quitté la Tunisie pour des événements politiques liés à l'accession à l'indépendance de ce territoire ; qu'en effet, si M. X soutient que ne pouvant reprendre le cabinet d'architecte de son père en Tunisie, il aurait été contraint de quitter la Tunisie définitivement en 1959 pour poursuivre des études supérieures à Lyon correspondant à une réorientation, d'une part, il ressort de l'extrait du bottin de l'ordre des architectes que son père exerçait son activité d'architecte non seulement en Tunisie mais aussi en France où M. X aurait pu reprendre l'activité de son père en tout état de cause et d'autre part, le père de M. X exploitait encore en 1964 son cabinet en Tunisie ; qu'enfin après ses études, son service national, M. X est retourné en Tunisie le 15 février 1965 ;

- qu'en ce qui concerne les autres pays dans lesquels M. X a travaillé, Algérie, Guinée, Niger, Mauritanie et Irak, pour les quatre premiers, l'intéressé n'y a effectué des séjours que postérieurement à l'indépendance et pour le dernier, il s'agit d'un pays qui n'a jamais été sous administration française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 9 septembre 2002 présenté par M. Stuart X, demeurant ...), tendant au rejet de la requête ;

Il soutient :

- qu'il n'a jamais demandé à bénéficier de la qualité de rapatrié pour les autres pays où il a travaillé au cours de sa carrière (Guinée, Niger, Mauritanie Irak) ;

- qu'il a bien quitté la Tunisie pour des raisons tenant à l'indépendance de ce territoire ; qu'en effet il est arrivé en 1941 dans ce pays, à l'âge de deux ans, avec son père qui y a créé un cabinet d'architecte ; que du fait de l'indépendance de ce territoire, l'activité de ce cabinet a chuté d'un coup et est devenue nulle ; que dès lors n'ayant plus aucun espoir de prendre la succession, alors que celui-ci approchait de la retraite, il a décidé de réorienter ses objectifs de carrière et a entamé des études d'ingénieur à l'INSA de Lyon ; qu'à l'issue de ces études, il s'est installé en France puis à l'étranger pour des sociétés françaises ou étrangères ;

Vu le mémoire enregistré le 18 novembre 2002 présenté par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER tendant aux mêmes fins que la requête ;

Elle invoque les mêmes moyens que dans la requête et en outre soutient que dans sa demande tendant à une attestation de rapatriement, M. X a sollicité cette attestation en vue d'obtenir le bénéfice de l'aide de l'Etat prévue à l'article 2 de la loi du 4 décembre 1985 pour le rachat des cotisations d'assurance vieillesse relatives non seulement à son activité de surveillant d'internant en Tunisie du 15 octobre 1958 au 30 avril 1959, mais également afférentes aux autres activités professionnelles qu'il a exercées successivement en Algérie, en Guinée, au Niger, en Mauritanie et en Irak ;

Vu le mémoire enregistré le 3 décembre 2002 présenté par M. X tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Il invoque les mêmes moyens que précédemment et en outre :

- conteste les documents produit par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER relatifs au fait que son père aurait eu une activité d'architecte à Paris ;

- et soutient que le fait de retourner chez ses parents à l'issue de son service national en Algérie, alors qu'il n'avait pas de travail, de logement, de revenu et avait une épouse et un enfant modifie en quoi que ce soit la nécessité où il s'est trouvé de quitter la Tunisie parce que l'activité d'architecte de son père périclitait depuis l'indépendance ;

Vu le mémoire enregistré le 10 janvier 2003 présenté par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 17 février 2003 présenté par M. X tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 25 mars 2003 présenté par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 modifiée, relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ;

Vu la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie ;

Vu la loi n° 65-555 du 10 juillet 1965 accordant aux Français exerçant ou ayant exercé à l'étranger une activité professionnelle salariée ou non salariée, la faculté d'accession au régime de l'assurance volontaire vieillesse ;

Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 modifiée, relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;

Vu la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 modifiée, portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Vu le décret n° 86-350 du 12 mars 1986 pris pour l'application de la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 modifiée, portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2004 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que pour annuler la décision du 9 octobre 1998 par laquelle le directeur de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER, le jugement attaqué a d'une part, estimé que M. X avait bien dû quitter la Tunisie pour des motifs politiques liés à l'indépendance et d'autre part, que la seule circonstance que les périodes d'activité professionnelle effectuées en Tunisie, en tant que surveillant d'internat entre le 15 octobre 1958 et le 30 avril 1959, soient postérieures à la date d'accession à l'indépendance de ce territoire ne pouvait l'exclure du champ d'application des dispositions de la loi du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés : Les dispositions du présent titre s'appliquent : a) Aux Français ayant exercé une activité professionnelle qui ont dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France... ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires et rapprochées de celles des lois des 26 décembre 1964 et 10 juillet 1965, que le bénéfice des droits ouverts par le titre premier de la loi du 4 décembre 1985 est subordonné à la condition que l'activité professionnelle exercée par les intéressés sur le territoire qu'ils ont quitté ait été commencée alors que ce territoire était encore placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ; qu'il suit de là que le Tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que le directeur de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER avait fait une fausse application des dispositions susmentionnées en se fondant, pour refuser à M. X le bénéfice de ces droits, sur la circonstance que ce dernier n'avait exercé une activité professionnelle en Tunisie que postérieurement au 20 mars 1956, date de proclamation de l'indépendance de ce territoire ; qu'ainsi M. X ne remplit pas l'une des conditions cumulatives pour bénéficier de l'aide de l'Etat prévue par la loi du 4 décembre 1985 pour le rachat des cotisations d'assurance vieillesse relative à son activité professionnelle en Tunisie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X pourrait bénéficier de la qualité de rapatrié ayant droit à cette aide pour ses autres activités professionnelles dans d'autres pays étrangers ;

Considérant qu'à supposer même que M. X, ainsi qu'il l'allègue, puisse être regardé comme ayant quitté la Tunisie en 1959 pour des raisons tenant à des événements politiques en relation avec l'indépendance de la Tunisie, ce qui, au demeurant, n'est pas établi par les seules pièces du dossier, en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'a commencé à exercer une activité professionnelle en Tunisie qu'à compter du 15 octobre 1958, postérieurement à la date d'accession de ce pays à l'indépendance et ne pouvait, en conséquence, être admis au bénéfice des droits ouverts par les dispositions du titre premier de la loi du 4 décembre 1985 ; que la seule circonstance qu'il n'aurait pas demandé l'attestation dont s'agit pour les autres pays, Guinée, Niger, Mauritanie et Algérie dans lesquels, en tout état de cause, il a séjourné postérieurement à la cessation de la souveraineté française, et Irak, lequel, en tout état de cause, n'a jamais été sous souveraineté française, est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le directeur de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a refusé de l'admettre au bénéfice des droits ouverts par les dispositions précitées au titre de ses activités professionnelles en Tunisie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 9 octobre 1998 refusant la délivrance à M. X de l'attestation de rapatriement que celui-ci sollicitait pour bénéficier des dispositions du titre premier de la loi du 4 décembre 1985 ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 17 avril 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Premier Ministre (mission interministérielle aux rapatriés), à l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER, à M. X.

Délibéré à l'issue de l'audience du 22 juin 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mlle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 juillet 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au Premier Ministre en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Classement CNIJ : 46-07-01

C

6

N° 02MA01294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01294
Date de la décision : 06/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme Elydia FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-07-06;02ma01294 ?
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