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06/07/2004 | FRANCE | N°00MA00783

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2004, 00MA00783


Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 avril 2000, sous le n°00MA00783, la requête présentée pour M. Alain X, demeurant ..., par Me CECCALDI, avocat au barreau de Marseille ;

M. X demande à la cour :

1°/ d'annuler les articles 2 et 3 du jugement en date du 24 février 2000, par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 29 mai 1997 par laquelle le recteur de l'Académie de Nice lui a infligé la sanction d'abaissement d'échelon et de l'arrêté du Mini

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Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 avril 2000, sous le n°00MA00783, la requête présentée pour M. Alain X, demeurant ..., par Me CECCALDI, avocat au barreau de Marseille ;

M. X demande à la cour :

1°/ d'annuler les articles 2 et 3 du jugement en date du 24 février 2000, par lesquels le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 29 mai 1997 par laquelle le recteur de l'Académie de Nice lui a infligé la sanction d'abaissement d'échelon et de l'arrêté du Ministre de l'Education Nationale en date du 10 septembre 1997 mettant fin à son affectation dans les classes de technicien supérieur à compter de la rentrée scolaire 1997-98 ;

2°/ d'annuler lesdites décisions ;

3°/ d'enjoindre au Ministre de l'Education Nationale de reconstituer sa carrière et de le condamner à lui verser 30.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

M. X soutient :

Sur la régularité du jugement :

- que le tribunal administratif a omis de viser le mémoire en réplique enregistré le 28 janvier 2000, avant clôture de l'instruction, et n'y a pas répondu ;

Sur le bien-fondé :

- que s'agissant de la décision du 29 mai 1997, et ainsi qu'il l'a développé en première instance, cette décision est insuffisamment motivée, par des motifs qui ne sauraient être approuvés ;

- que cette décision a été prise par une autorité incompétente dès lors que l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination et qu'en l'espèce, M. X ayant été nommé en classe de BTS par arrêté ministériel, le recteur ne pouvait exercer le pouvoir disciplinaire par délégation, ainsi que le permet le décret n°72-580 pour les professeurs agrégés non titulaires d'une chaire d'enseignement en BTS ;

Sur le fond :

- que la motivation du tribunal administratif repose sur une erreur de droit ;

- qu'en effet, le cumul de fonctions reproché à M. X n'est pas répréhensible au regard de la nature des fonctions exercées, et que les émoluments perçus ne dépassaient pas la limite légale de 100 % ;

- que la circonstance que ses activités au sein de l'IFSAP se seraient réalisées dans des conditions contraires aux règles régissant la fiscalité et le droit du travail, d'ailleurs non établie, est inopérante pour justifier d'une sanction motivée principalement par l'illégalité du cumul d'activités ;

- que son abaissement d'échelon, tel qu'il a été pratiqué, constitue en réalité une rétrogradation ;

- que cette sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des faits qui lui sont reprochés ;

- que les deux mesures prises à son encontre par le recteur constituent une double sanction ;

- que, s'agissant de l'arrêté ministériel du 10 septembre 1997, il réitère que la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que cette mesure ne constituait pas une sanction déguisée ;

- que, au regard des motifs qui le fondent, cet arrêté doit être regardé comme ayant un caractère punitif, portant atteinte à ses droits et avantages acquis ;

- que l'arrêté ministériel n'a pu valablement régulariser sa situation un an après la sanction prononcée illégalement par le proviseur ni légalement rétroagir ;

- que cet arrêté constituant une sanction, devait être précédé de l'avis de la commission administrative paritaire académique des professeurs agrégés ;

- que M. X aurait dû avoir communication de l'intégralité de son dossier ;

- que notamment il n'est pas établi que l'avis émis par M. Y, inspecteur général de l'éducation nationale, figurait dans ce dossier ;

- que, en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X ait été informé de son droit à l'assistance d'un défenseur de son choix ni qu'un délai suffisant lui ait été laissé pour organiser sa défense ;

- que ce second arrêté a été pris en violation de la règle non bis in idem en l'absence de nouveaux griefs ;

- que, s'agissant des inspections, l'auteur des inspections qui motivent l'arrêté ministériel du 10 septembre 1997 n'était pas compétent pour les réaliser ;

- qu'au surplus, au regard de leur ancienneté, ces rapports ne pouvaient justifier la décision attaquée, les circonstances étant susceptibles de s'être modifiées ;

- qu'enfin ces inspections ayant été effectuées en classe de seconde et non de BTS, constituent le support d'une erreur de fait ;

- que l'excellence de ses notes contredit d'ailleurs les mesures prises à son encontre ;

- que l'arrêté ministériel est entaché de détournement de procédure dès lors que le ministre a entendu en réalité dissuader M. X de s'investir dans le système de formation en alternance qui fait concurrence au système public ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 29 novembre 2001, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- sur l'arrêté rectoral d'abaissement d'échelon, que le fait pour M. X d'exercer en classe de technicien supérieur ne le place pas dans une situation particulière au regard des règles statutaires applicables au corps des professeurs agrégés ;

- que la décision rectorale est suffisamment motivée ;

- que le rectorat s'est clairement opposé au cumul des fonctions de M. X au lycée Vauvenargues avec une activité professionnelle exercée au sein de l'IFSAP ;

- que sur l'arrêté ministériel, il a été signé par un sous-directeur ayant délégation régulière de signature ;

- que la mutation dont s'agit a bien été prise dans l'intérêt du service pour pallier les dysfonctionnements révélés par différents rapports ainsi que par des courriers d'élèves ;

- que le laps de temps écoulé entre la modification du service de l'intéressé et la prise de l'arrêté ministériel s'explique par les garanties dont l'administration a souhaité s'entourer avant de prendre une décision ;

- que la mesure ayant été prise en considération de la personne, son dossier a été communiqué à M. X ;

- que l'IA-IPR était compétent pour inspecter M. X, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret n°90-675 du 18 juillet 1990 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n°72-580 du 4 juillet 1972 ;

Vu le décret n°85-924 du 30 août 1985 ;

Vu le décret n°90-675 du 18 juillet 1990 ;

Vu le décret n°92-811 du 18 août 1992 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2004 :

- le rapport de Mme LORANT, présidente assesseur ;

- les observations de M. Alain X ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur les conclusions relatives à l'arrêté rectoral du 29 mai 1997 prononçant la sanction de l'abaissement d'échelon au 1er juin 1997 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient M. X, le mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2000 n'a pas été visé et que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de ce que son abaissement d'échelon, tel qu'il a été pratiqué, constitue en réalité une rétrogradation ; que par suite ledit jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M.X dirigées contre l'arrêté rectoral du 29 mai 1997 ;

Considérant d'évoquer sur ce point et de statuer immédiatement sur les conclusions de M.X dirigées contre l'arrêt rectoral du 29 mai 1997 ;

En ce qui concerne la légalité de la décision :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui ...les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui ... constituent une sanction... et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du recteur en date du 29 mai 1997, qui porte abaissement d'échelon, se borne à relever le non respect par M. X des dispositions du décret-loi du 29-10-1936 et du décret du 09-01-1934, son manquement volontaire aux dispositions de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 et son manquement au devoir de réserve dans sa manière de s'adresser à ses supérieurs et à ses élèves ; qu'en s'abstenant de préciser les éléments de faits qui sont à la base de cette décision d'abaissement d'échelon, le recteur de l'Académie d'Aix-Marseille n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que la seule circonstance que le détail des faits reprochés à M. X ait figuré dans le rapport présenté au conseil de discipline ne peut suffire à pallier l'insuffisance de motivation dudit arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêté rectoral du 29 mai 1997 ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que l'annulation de la décision de rétrogradation entraîne l'obligation pour l'administration de reconstituer la carrière de M. X alors même qu'elle aurait pu reprendre pour l'avenir la même décision en la motivant ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à cette reconstitution dans le délai de trois mois à compter du présent arrêt ;

Sur les conclusions relatives à l'arrêté ministériel du 10 septembre 1997 :

Considérant en premier lieu que le ministre établit que le signataire de l'arrêté litigieux avait reçu délégation régulière de signature ;

Considérant en deuxième lieu que cet arrêté a été pris pour des motifs tirés de l'incapacité de M. X à assurer les missions qui lui sont confiées en BTS MAI ; qu'ainsi cet arrêté présente le caractère d'une décision prise dans l'intérêt du service et non celui d'une sanction ; que par suite les moyens tirés par M. X de ce que ledit arrêté devait être précédé de l'avis de la commission administrative paritaire académique des professeurs agrégés réunie en formation disciplinaire, de ce qu'il n'est pas établi que M. X ait été informé de son droit à l'assistance d'un défenseur de son choix ni qu'un délai suffisant lui ait été laissé pour organiser sa défense ainsi que le moyen tiré de ce que cet arrêté a été pris en violation de la règle non bis in idem sont inopérants ;

Considérant en troisième lieu que M. X soutient qu'il n'est pas établi que l'avis émis par M. Y, inspecteur général de l'éducation nationale, figurait dans le dossier qui lui a été communiqué ; qu'à supposer ce fait exact, cet avis se borne à rappeler les résultats des inspections et à en tirer les conséquences ;

Considérant en quatrième lieu que l'arrêté ministériel litigieux n'a pas pour objet de régulariser rétroactivement la situation de M. X un an après la sanction prononcée illégalement par le proviseur ;

Considérant en cinquième lieu que, contrairement à ce que soutient M. X, l'auteur des inspections qui motivent l'arrêté ministériel du 10 septembre 1997 était compétent pour les réaliser ; que la circonstance que ces inspections aient été effectuées en classe de seconde et non de BTS, alors que son affectation en classe de seconde était illégale, est sans effet sur l'appréciation portée sur ses capacités dès lors que les reproches faits à M. X concernant son absence d'investissement et le mauvais niveau de ses élèves au BTS sont établis par d'autres pièces du dossier et mentionnés dès l'année scolaire 1995-1996, et que les inspections ultérieures n'ont fait que confirmer le désinvestissement de M. X ; que M. X ne peut utilement soutenir que ces rapports, établis au cours de l'année scolaire 1996-1997, seraient trop anciens pour justifier la décision attaquée ; qu'enfin la circonstance qu'il était jusqu'alors un enseignant excellemment noté, encore que sa notation pédagogique après inspection en 1995 n'ait pas été augmentée par rapport à celle de 1987, est en tout état de cause sans influence sur l'appréciation portée qui concerne non ses compétences techniques mais son incapacité globale à assurer ses missions en classe de BTS ;

Considérant en dernier lieu que si M. X soutient que l'arrêté ministériel est entaché de détournement de procédure dès lors que le ministre a entendu en réalité dissuader M. X de s'investir dans le système de formation en alternance qui fait concurrence au système public, il ressort des pièces du dossier que la mesure litigieuse n'est que la conséquence d'une situation dans laquelle M. X, fonctionnaire de l'éducation nationale, privilégiait ses activités dans un établissement privé au détriment des fonctions au titre desquelles il était rémunéré ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées de ce chef par M. X ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 24 février 2000 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre l'arrêté rectoral du 29 mai 1997, et ledit arrêté est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie de rétablir M. X dans l'échelon qu'il détenait au 1er juin 1997 et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

2

N° 00MA00783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00783
Date de la décision : 06/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-07-06;00ma00783 ?
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