Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 décembre 2000 sous le n° 00MA02854, présentée pour la SA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX (CGE)prise en son centre régional dont le siège social est sis ..., par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet ;
La requérante demande à la Cour
1°/ d'annuler le jugement n° 97-3910 en date du 17 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer à lui payer la somme de 1.368.169,60 F assortie des intérêts de droit correspondant aux factures des travaux qu'elle a effectués pour le compte de la commune en application du contrat d'affermage d'eau potable qui les unit ;
2°/ de condamner la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer au paiement de la somme de 1.368.169,60 F avec intérêts majorés, en ce qui concerne les travaux d'assainissement, du taux de la Banque de France plus un point, en vertu de l'article 34 du traité d'affermage eaux usées ;
3°/ de condamner la commune au paiement de la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2004 :
le rapport de M. Duchon-Doris, Rapporteur,
- les observations de Me X... pour la commune des Saintes Maries de la Mer ;
- et les conclusions de M. Bédier, Commissaire du gouvernement.
Sur la régularité du jugement :
Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de la SOCIETE COMPAGNIE GENERALE DES EAUX (CGE) tendant à ce que la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer soit condamnée à lui payer la somme de 1.368.169,60 F représentant le total de huit factures de travaux effectués dans le cadre des contrats d'affermage de l'eau et de l'assainissement qui la liaient à la commune aux motifs, d'une part, de l'absence de précision quant aux références contractuelles de la demande et de l'absence de production de l'intégralité du contrat relatif à l'eau, et, d'autre part, de l'impossibilité pour la société demanderesse d'invoquer l'enrichissement sans cause après avoir invoqué un fondement contractuel ;
Considérant, en premier lieu, que la société requérante ne démontre pas, par la seule production en appel d'une copie du bordereau des pièces transmises aux premiers juges, accompagnée d'une copie de ces pièces, avoir produit devant les premiers juges l'intégralité du traité d'affermage de l'eau potable dont elle se prévalait ; qu'elle ne saurait donc se plaindre de ce que le tribunal aurait égaré ou écarté à tort certaines des pièces produites devant lui ; qu'en second lieu, la circonstance que le tribunal a, à tort en effet, comme il sera dit ci-après, écarté comme irrecevable le moyen tiré d'un enrichissement sans cause de la commune oblige seulement le juge d'appel à examiner ce moyen dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, mais ne le conduit pas à annuler pour irrégularité la décision des premiers juges ; qu'ainsi la SOCIETE CGE n'est pas fondée à solliciter, comme elle l'a fait d'ailleurs seulement dans son mémoire en réplique devant la Cour, l'annulation pour irrégularité du jugement attaqué ;
Considérant que la société requérante a produit en appel les traités, complétés par leurs avenants, sur lesquels elle fonde sa demande de paiement ; qu'elle a également précisé les stipulations sur lesquelles elle se basait ; que le motif tiré par les premiers juges, pour rejeter cette demande en tant que présentée sur un fondement contractuel, de l'absence de ces pièces et de cette précision ne peut donc plus être retenu ; que, par ailleurs, les cocontractants de l'administration peuvent toujours, dans des conclusions présentées à titre subsidiaire, après invocation des droits qu'ils tirent de leur contrat, solliciter que leur soient remboursés, si leurs prestations ont été utiles à l'administration, les frais engagés, et, éventuellement, en cas de faute de l'administration, le manque à gagner résultant des agissements de la partie administrative sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont écarté, comme ne pouvant être présenté à la suite d'un moyen relatif à l'application du contrat, le moyen tiré par la CGE d'un enrichissement sans cause de la commune ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble de moyens présentés par la COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ;
Sur le fondement contractuel de la demande de la SOCIETE COMPAGNIE GENERALE DES EAUX :
Considérant qu'il ressort des stipulations des articles 5, 6 et 13 du traité d'affermage du service public d'eau potable conclu les
28 décembre 1971 et 8 mai 1972 entre la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer et la CGE et des articles 6,7 et 16 du traité d'affermage pour l'exploitation du service de l'assainissement conclu en 1977 entre les mêmes personnes morales que les travaux d'extension et d'amélioration des réseaux existants, sous les voies publiques ou dans les lotissements desservis par la voirie publique, ainsi que les travaux de renforcement des canalisations d'eaux potables, devaient faire l'objet d'un accord préalable de la part de la commune ; qu'en application de l'article 20 de ce dernier traité, les branchements particuliers devaient faire l'objet d'un devis ; qu'il ressort de l'instruction que les travaux à propos desquels ont été établies les huit factures litigieuses dénommées mémoires de travaux correspondent à des extensions ou renforcement de réseaux, et, en ce qui concerne les travaux effectués rue du capitaine Fouque, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, pour un montant total TTC de 47.226,52 F, à la pose d'une nouvelle canalisation d'eau potable assimilable à une amélioration ; que la société requérante ne produit aucun accord, bon de commande ou devis pour ces travaux ; que les attestations postérieures émanant du géomètre chargé de l'étude de ces travaux n'établissent pas l'existence de tels accords, commandes ou devis ; qu'il en va de même de l'apposition, sur certaines des factures, du cachet de l'ordonnateur constatant l'exactitude des énonciations portées sur les mémoires et la réalité du service fait ; que si les articles 1, 6 et 7 du cahier des clauses techniques particulières du lotissement communal Consécaniero prévoyaient que les branchements particuliers du lotissement et les travaux de maillage sur le réseau existant seraient réalisés par la CGE, ces stipulations ne faisaient pas obstacle à l'application des clauses rappelées plus haut des traités d'affermage ; que les circonstances que les stipulations de l'article 28 du traité relatif au service de l'eau potable et celles des articles n°s 6, 21, 22, 28, 33 et 34 du traité d'affermage du service d'assainissement prévoyaient que le fermier exécuterait certains travaux aux frais de la commune ne dispensait pas le fermier de demander l'accord ou de solliciter la commande de la commune pour des travaux comportant une telle exigence ; qu'il ne résulte d'aucune des clauses des traités susmentionnés ou de leurs avenants que les travaux de branchement communaux pouvaient être exécutés sans demande et sans devis préalables ; que la SOCIETE CGE n'est donc pas fondée, par les traités cités ci-dessus, à demander le paiement des travaux mentionnés sur les mémoires qu'elle a présentés ;
Sur le fondement constitué par la théorie de l'enrichissement sans cause :
Considérant que la faculté offerte aux cocontractants qui ont engagé le litige qui les oppose sur le terrain de la responsabilité contractuelle de poursuivre ledit litige en invoquant des moyens tirés de l'enrichissement sans cause doit se combiner avec l'obligation faite à l'appelant d'énoncer, dans le délai d'appel, la ou les causes juridiques sur lesquelles il entend fonder son pourvoi ; qu'il résulte de cette obligation que, postérieurement à l'expiration dudit délai, et hors le cas où il se prévaudrait d'un moyen d'ordre public, l'appelant n'est recevable à invoquer un moyen nouveau que pour autant que celui-ci repose sur la même cause juridique qu'un moyen ayant été présenté dans le délai d'appel ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX ne s'est initialement placée, dans son mémoire introductif d'instance devant la cour administrative d'appel, que sur le seul terrain de la responsabilité contractuelle ; que si, dans un mémoire en réplique enregistré au greffe le 15 septembre 2003, elle entend également se placer sur le terrain de l'enrichissement en cause, au demeurant en se contentant sur ce point de critiquer le motif de rejet de sa demande par les premiers juges sans démontrer remplir les conditions lui ouvrant droit à indemnisation sur ce fondement, cette demande fondée sur une cause juridique nouvelle et formulée après l'expiration du délai d'appel, n'est pas recevable et ne peut être que rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la SA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, à la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
N° 00MA02854 2