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22/06/2004 | FRANCE | N°99MA01856

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 22 juin 2004, 99MA01856


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 septembre 1999, sous le n° 99MA01856, présentée pour Mme Anne X, demeurant ...), par Me Philippe VIARD, avocat ;

Mme X demande à la Cour

1°/ d'annuler le jugement en date du 29 juin 1999, notifié le 16 juillet 1999, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5.439.914,50 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1992 en réparation de la rupture illégale de ses en

gagements ;

2°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5.178.170,15 F ai...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 septembre 1999, sous le n° 99MA01856, présentée pour Mme Anne X, demeurant ...), par Me Philippe VIARD, avocat ;

Mme X demande à la Cour

1°/ d'annuler le jugement en date du 29 juin 1999, notifié le 16 juillet 1999, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5.439.914,50 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1992 en réparation de la rupture illégale de ses engagements ;

2°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5.178.170,15 F ainsi que 40.000 F sur le fondement de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Classement CNIJ : 60-01-03-03

C

Mme X soutient :

- sur la responsabilité : qu'en décembre 1985, ayant d'une part signé une convention provisoire d'autorisation d'ouvrir un kiosque à journaux, et d'autre part obtenu des assurances formelles des autorités militaires gestionnaires de l'hôpital de signer un contrat définitif lui permettant d'ouvrir un kiosque-boutique dans l'enceinte de l'hôpital Laveran, elle a alors vendu la librairie-papeterie bazar qu'elle exploitait à proximité de l'hôpital afin d'obtenir les autorisations et agréments professionnels nécessaires à la création d'une boutique au sein de l'hôpital, et engagé des frais en vue d'une étude complète de la structure dudit kiosque ; que cependant, en raison d'une mutation des autorités gestionnaires, les accords ne se sont pas concrétisés et la convention temporaire a été appliquée, ce qui a conduit à ce que Mme X n°a disposé que d'un local exigü, n°a pu réaliser son activité de bazar, et qu'au surplus, bien qu'ayant reçu l'autorisation de vendre la presse nationale, n°a pu diffuser que la presse locale en raison d'une opposition de la commission d'organisation de la vente qui trouvait son origine dans la volonté des responsables de l'hôpital de résilier la convention qu'ils estimaient par ailleurs mal respectée ; que la décision de résiliation elle-même est illégale pour n°avoir pas respecté le prévis d'un mois prévu par l'article 9 de la convention, et pour reposer sur un motif erroné en fait, Mme X disposant de l'autorisation de vendre la presse nationale ;

- sur le préjudice : qu'elle a engagé des frais d'étude et d'architecte pour un montant de 19.272,50 F TTC et 1.500 F TTC, et surtout qu'elle a dû vendre un commerce qui lui assurait un revenu confortable alors qu'elle n°a pu réaliser avec le kiosque ouvert dans l'hôpital que des bénéfices restreints dès lors que les ventes annexes ne lui ont pas été autorisées ; qu'ainsi de 1986 à 1997, elle a subi un manque à gagner commercial de 2.400.000 F ; qu'elle n°a pu valider que 17 trimestres de retraite alors qu'elle aurait pu, dans l'état de son activité commerciale antérieure, en valider 48, ce qui représente une perte annuelle de retraite de 6.828,61 F, soit pour 15 ans de retraite une perte de revenus de 102.397,65 F ; qu'elle a subi à raison de ce comportement de l'administration des troubles dans les conditions d'existence qu'elle évalue à 250.000 F ; qu'enfin elle a fait l'objet d'une coupure volontaire d'électricité du 12 au 15 avril 1986 qui a entraîné la fermeture de son commerce et un préjudice de 5.000 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 5 février 2001 le mémoire en défense présenté par le ministre de la défense ; le ministre conclut au rejet de la requête de Mme X ; il fait valoir :

- qu'il émet des réserves sur les prétentions indemnitaires en appel de Mme X qui, étant supérieures à celles de première instance, constituent une demande nouvelle ;

- qu'une convention avait été signée entre le foyer de l'hôpital Laveran et Mme X le 12 juin 1985, qui prévoyait dans son article 9 que la présente convention était valable pour un an et que la résiliation peut être prononcée par accord commun ou sur préavis d'un mois donné par l'une ou l'autre des parties et dans son article 10 que le contrat serait résilié de plein droit dans les cas suivants : non respect par l'une ou l'autre partie de ses obligations contractuelle ; que ladite convention a été résiliée le 21 mai 1991, Mme X n°ayant pas respecté ses obligations contractuelles ;

- que Mme X vendait divers articles alors que seule la vente de journaux et revues était prévue par la convention ; qu'en outre Mme X, si elle avait reçu l'autorisation de vendre la presse nationale, n°était pas livrée en raison d'un litige l'opposant à la commission d'organisation de la vente, ce qui rendait le service rendu peu attractif ;

- que l'intéressée a été informée qu'elle disposait d'un délai de six mois pour régulariser sa situation, ce qu'elle n°a pas fait ;

- que la simple constatation de ce qu'elle ne remplissait pas ses obligations contractuelles justifiait la résiliation ;

- que le délai de préavis d'un mois a été respecté ;

- qu'en l'absence de toute illégalité de la résiliation, elle ne peut alléguer aucun préjudice ;

Vu, enregistré le 5 février 2001, le mémoire en défense présenté pour le foyer de l'hôpital d'instruction des armées Laveran, pris en la personne du médecin-chef de l'établissement, par M. le bâtonnier ALLEGRINI, avocat au barreau de Marseille ; le foyer conclut au rejet de la requête ; il fait valoir :

- que Mme X, nonobstant les termes de son contrat, commercialisait d'autres articles que les journaux et revues ; qu'en revanche, elle ne s'acquittait qu'imparfaitement de la vente de journaux et revues, ne respectant pas ainsi les termes de la convention la liant au foyer ; que notamment, il semble qu'aucune convention n°a été signée entre Mme X et la SAD, dépositaire local ;

- que l'avis de la commission marseillaise d'organisation des ventes, qui n°avait pas valeur de décision, était positif sur le point de vente mais négatif sur la candidature de Mme X ;

- qu'aucun contrat l'autorisant à diffuser la presse nationale n°a été produit par Mme X malgré les demandes réitérées du foyer et son intervention auprès des distributeurs afin qu'elle obtienne un tel contrat ;

- que contrairement à ce que soutient Mme X, le foyer n°a fait montre d'aucune volonté délibérée de l'empêcher de diffuser la presse nationale ;

- que le préjudice allégué résulte de son seul fait ; qu'elle n°a en rien été forcée de vendre son commerce avant d'envisager de s'installer dans l'enceinte de l'hôpital d'instruction des armées Laveran ;

- que Mme X ne saurait se prévaloir de l'interprétation par elle d'une situation évoquée localement et qui n°a connu ni confirmation contractuelle, ni références à l'administration centrale, pour demander à être indemnisée d'un quelconque préjudice ;

Vu, enregistré le 7 mai 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de la défense, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; il fait valoir en outre qu'aucune pression n'a été exercée sur l'intéressée pour s'installer dans l'enceinte de l'hôpital Laveran et que le kiosque qu'elle envisageait d'installer ne correspondait pas au dispositif contractuel ; qu'elle n'établit pas la réalité de son préjudice ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 31 décembre 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2004 :

- le rapport de Mme LORANT, présidente assesseur ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que Mme X recherche la responsabilité de l'Etat à raison, d'une part, de ce que, contrairement aux assurances qui lui auraient été données par les autorités gestionnaires de l'hôpital d'instruction des armées Laveran, elle n°a pas été autorisée à installer et exploiter à l'intérieur de cet hôpital un kiosque boutique offrant à la vente, outre les journaux et revues dont elle s'était engagée à assurer la diffusion aux termes d'une convention du 12 juin 1985, des cadeaux et divers autres articles, et ,d'autre part, de ce qu'elle a engagé en vain des frais d'étude architecturale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des attestations produites, que si des négociations avaient été engagées entre Mme X et les autorités gestionnaires de l'hôpital d'instruction des armées Laveran et de son foyer pour la création d'une boutique de presse, journaux, papeterie, cadeaux, dans l'enceinte de l'hôpital, ces négociations n°ont eu d'autre aboutissement formel que la convention du 12 juin 1985 qui limitait l'activité de Mme X à la diffusion de revues et journaux ; qu'à la date du 30 décembre 1985 à laquelle elle a vendu son fonds de commerce, qui lui assurait des revenus supérieurs grâce à la vente d'articles divers, elle n°avait pas d'autre assurance que cette convention ; que par suite Mme X n°est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de l'administration de nature à justifier qu'elle soit indemnisée des pertes de revenus liées à la vente de son fonds de commerce et à la limitation de son activité dans l'enceinte de l'hôpital Laveran ;

Considérant que par un arrêt de ce jour, la Cour a rejeté la demande de Mme X tendant à l'annulation de la décision en date du 21 mai 1991 par laquelle le directeur du foyer de l'hôpital Laveran a résilié la convention du 12 juin 1985 l'autorisant à exploiter un kiosque à journaux à l'intérieur dudit hôpital ; que par suite, Mme X n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice née de l'illégalité fautive de cette décision ;

Considérant en revanche qu'il résulte de l'instruction que c'est à la demande expresse du colonel BEBON, gestionnaire de l'hôpital, avec l'aval du lieutenant DELMORAL, et sous le contrôle des services techniques compétents de l'hôpital, que Mme X a fait effectuer à ses frais en décembre 1985, une étude architecturale d'un kiosque à journaux dans l'enceinte de l'hôpital Laveran ; que Mme X est fondée à soutenir qu'en l'engageant à faire réaliser une telle étude, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cette faute est entière dès lors que Mme X avait l'assurance à cette date de pouvoir exploiter un tel kiosque ; qu'il résulte de l'instruction que les frais d'étude et d'architecte engagés par Mme X à cette occasion s'élèvent à 19.272,50 F TTC et 1.500 F TTC, soit un total de 20.772,50 F TTC, soit 3.166,75 euros ; qu'il y a lieu de condamner le foyer de l'hôpital Laveran à lui verser ladite somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1992, date de sa première demande d'indemnisation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont été reprises à l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'aux termes de ces dispositions, 'dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n°y a pas lieu à cette condamnation.' ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme X la somme de 460 euros ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera à Mme X la somme de 3.166,75 euros (trois mille cent soixante six euros soixante quinze centimes), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1992.

Article 2 : L'Etat versera à Mme X la somme de 460 (quatre cent soixante) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme X est rejeté.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 29 juin 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article5 : : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, et au ministre de la défense.

Copie pour son information en sera adressée à l'hôpital Laveran.

Délibéré à l'issue de l'audience du 25 mai 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme GAULTIER, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 22 juin 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Nicole LORANT

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA01856


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01856
Date de la décision : 22/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme Nicole LORANT
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : VIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-22;99ma01856 ?
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