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15/06/2004 | FRANCE | N°00MA01500

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 15 juin 2004, 00MA01500


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2000 sous le N° 00MA01500, présentée pour le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP, en la qualité de son président demeurant Maison de La Chartre à Saint Matthieu de Treviers (34270), par la société d'avocats Fidal ;

Le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP demande à la Cour :

1°/ L'annulation du jugement n° 99.4631 - 99.4633 rendu par le Tribunal administratif de Montpellier le 11 mai 2000 annulant la convention d'indemnisation conclue le 27 octobre 1999 entre la re

quérante et la Société méditerranéenne d'assainissement ;

2°/ La conda...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 juillet 2000 sous le N° 00MA01500, présentée pour le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP, en la qualité de son président demeurant Maison de La Chartre à Saint Matthieu de Treviers (34270), par la société d'avocats Fidal ;

Le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP demande à la Cour :

1°/ L'annulation du jugement n° 99.4631 - 99.4633 rendu par le Tribunal administratif de Montpellier le 11 mai 2000 annulant la convention d'indemnisation conclue le 27 octobre 1999 entre la requérante et la Société méditerranéenne d'assainissement ;

2°/ La condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que le juge de première instance a statué infra petita en n'examinant pas le moyen d'ordre public selon lequel une personne ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; que la matérialité des faits sur lequel il s'est fondé pour estimer qu'un nouveau marché aurait du être conclu est erronée ; que, contrairement à ce que soutient le préfet et comme l'explique le préambule de la convention litigieuse, les parties n'ont pas voulu se placer hors du contrat, mais que des éléments extérieurs venus perturber le contrat doivent s'analyser comme des sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, mais extérieures à elles et imprévisibles, les recours contentieux à l'origine des retards étant par leur nature totalement imprévisibles ; que ladite convention constitue une application de fait de l'article 255 bis du code des marchés publics alors applicable ; que le recours à la transaction était la seule manière d'éviter un recours de plein contentieux, le marché étant exécuté et soldé, rendant impossible la passation d'un avenant ; que la convention d'indemnisation constitue une modalité de sortie d'un nouveau marché passé conformément aux règles du code des marchés publics ; que l'indemnisation doit se faire sur la base de l'enrichissement sans cause, les conditions d'application de celle-ci étant en l'espèce remplies ; que l'appréciation portée par le tribunal administratif ne précise pas la nature des textes éventuellement violés ; que si, comme le juge le tribunal, l'indemnité due est limitée par le prix de la convention, cette circonstance ne s'applique qu'aux intérêts moratoires ; que par suite, le jugement encourt l'annulation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2000, présenté par la préfecture de l'Hérault, demeurant ... (34062 cedex) dans lequel il demande la confirmation du jugement rendu en première instance ;

Il prétend que l'appelant ne peut utilement se prévaloir de la qualification de sujétions techniques imprévues pour justifier l'absence de recours à une procédure régulière de passation de marché public pour permettre la

poursuite de l'exécution du contrat ; que la convention déférée visait seulement à régulariser l'absence de marché passé et n'a donc pas de ce fait de cause licite ; qu'elle produit les mêmes effets qu'un marché de régularisation tout en permettant de s'affranchir des règles de passation ; que la somme définie par ladite transaction devant être versée par l'appelant, soit 901.997, 29 F TTC, correspond au montant total exact du montant des factures établies par la Société méditerranéenne de nettoiement à l'expiration du marché jusqu'au mois de février 1999, date d'arrêt du traitement des ordures par la société à la suite de l'ouverture du centre de traitement de Lunel-Viel ; que l'erreur de droit établie par les premiers juges est justifiée et que le recours à la transaction dans cette espèce était constitutive d'un détournement de procédure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des marchés publics ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2004 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Bédier, commissaire du gouvernement.

Considérant qu'à la suite d'un appel d'offres ouvert, le SIVOM DE LA REGION DU PIC SAINT LOUP a conclu un marché signé le 1er septembre 1997 avec la Société méditerranéenne de nettoiement SA par laquelle cette dernière s'engageait à traiter 9.000 tonnes de déchets urbains moyennant le prix de 3.039.120 F ; qu'aux termes de l'article 8 de l'acte d'engagement relatif à la durée de la convention d'exploitation et de l'article VII du cahier des clauses administratives particulières, le présent contrat ayant pour objet d'instaurer une solution transitoire pour le traitement des ordures ménagères de Lunel-Viel, la durée du présent contrat n'est pas déterminée. Le marché s'achèvera par la mise en service, constatée par acte administratif, du centre de traitement des ordures ménagères de Lunel-Viel ; que le total des 9.000 tonnes à traiter a été atteint en novembre 1998 ; que la Société méditerranéenne de nettoiement SA a continué de procéder au traitement des déchets apportés par le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP jusqu'en février 1999, date d'ouverture constatée du centre de traitement de Lunel-Viel dont l'entrée en service avait été prévue, à la date de la signature du contrat, en juin 1998 ; qu'estimant que le tonnage prévu au marché avait été dépassé, la société a présenté au SIVOM quatre factures établies le 30 novembre 1998, le 31 décembre 1998, le 31 janvier 1999 et le 28 février 1999, d'un montant total de 901.997, 29 F TTC pour 2.671, 160 tonnes traitées et facturées au prix initial du marché augmenté des intérêts moratoires prévus par le code des marchés publics ; que le SIVOM a accepté le principe du paiement de ces factures sur le fondement du marché ; que toutefois le comptable du Trésor compétent en a refusé le paiement, au motif que le marché avait été conclu à prix ferme, qu'il y avait dépassement dudit prix, que le montant des factures présentées était supérieur au seuil fixé à l'article 321 du code des marchés publics et qu'aucun avenant ne prévoyait ledit dépassement ; que les parties ont alors conclu une convention de transaction aux termes de laquelle la Société méditerranéenne de nettoiement SA recevait en paiement les sommes facturées contre la renonciation à tout contentieux et l'abandon des frais d'aléas estimés à 18.000 F ; que sur déféré du préfet, le Tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, annulé la transaction ; que pour demander l'annulation dudit jugement, le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP fait valoir en premier lieu que celui-ci est entaché d'irrégularités en la forme, en second lieu que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la transaction intervenue au double motif pris d'une part qu'elle s'était substituée au marché régulier qui aurait dû être passé en prolongement du marché initial, d'autre part que la somme à verser à la Société méditerranéenne de nettoiement SA correspondait au prix convenu au marché initial augmenté des intérêts moratoires ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant en premier lieu que le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP fait valoir que les premiers juges ont statué infra petita en n'examinant pas le moyen d'ordre public tiré de ce qu'une personne publique ou privée ne doit jamais être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; que les premiers juges étaient toutefois fondés, dès lors qu'ils relevaient l'existence d'une erreur de droit affectant la transaction, à ne pas répondre à un tel moyen ;

Considérant en deuxième lieu que s'il est reproché au jugement d'avoir mentionné dans l'exposé des faits la position du comptable quant à la passation d'un nouveau marché, alors qu'il ressort des pièces du dossier que celui-ci préconisait seulement la conclusion d'un avenant, cette circonstance, qui ne fonde pas la motivation du jugement, est sans influence sur la régularité de ce dernier ;

Considérant enfin que les diverses erreurs matérielles ou imprécisions évoquées par le SIVOM qu'auraient commises les premiers juges dans l'exposé des faits restent en toute hypothèse sans incidence sur la régularité du jugement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des moyens relatifs à la régularité du jugement de première instance ne peut être que rejeté ;

Sur la régularité de la convention de transaction conclue :

Considérant qu'en vertu de l'article 2052 du code civil, le contrat de transaction, par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, a entre ces parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'il est exécutoire de plein droit, sans qu'y fassent obstacle, notamment, les règles de la comptabilité publique ; que la possibilité d'un tel contrat doit être admise, dans l'intérêt général, notamment en matière de marchés publics et de délégations de service public, lorsque la conclusion d'une transaction vise à remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou la constatation d'une illégalité qui ne peuvent donner lieu à régularisation ;

Considérant, en premier lieu, qu'à la date de la transaction litigieuse, les parties ne pouvaient plus ni prolonger la validité du marché initial, ni conclure d'avenant aux fins de régularisation de leur situation ; qu'aux termes des clauses N° V-A et VII du cahier des prescriptions particulières, le marché n'avait pas de durée prédéterminée, sa fin étant fonction de l'entrée en service de l'usine de retraitement de Lunel-Viel, et la rémunération était fonction du tonnage traité, alors que l'acte d'engagement, tout en rappelant les prévisions de tonnage à l'année, fixait un prix ferme, seulement révisable en fonction d'un indice de prix, mais qui était toutefois stipulé pour un tonnage de déchets à traiter de 9.000 tonnes ; qu'il résulte de l'instruction que les parties n'ont eu en vue que de remédier, pour une durée très limitée, à la situation créée par le retard de l'entrée en service du centre de traitement de Lunel-Viel et le dépassement consécutif des quantités à traiter prévues au marché, ainsi que par l'ambiguïté des clauses de ce marché, alors qu'un conflit pouvait s'élever sur la nature du contrat et les obligations effectives qui en découlaient pour l'entreprise ; que, dans les circonstances particulières sus-rappelées de l'espèce, et malgré le fait qu'il ne peut être totalement exclu que le SIVOM aurait pu, à une date proche de celle prévue pour la mise en route du centre de traitement des ordures ménagères de Lunel-Viel, signer un nouveau marché ou un avenant au marché initial, la conclusion de la transaction litigieuse ne peut être regardée comme un détournement de procédure destiné à contourner les règles du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur ;

Considérant toutefois et en deuxième lieu que lorsqu'une collectivité publique décide de passer avec son cocontractant une convention transactionnelle en vue, notamment, de mettre un terme à tout litige ultérieur, ladite transaction ne doit pas constituer, de la part de la collectivité publique, une libéralité, ni méconnaître aucune autre règle d'ordre public ; que la collectivité peut ainsi accorder à son cocontractant une indemnité prenant en compte les dépenses exposées par celui-ci à son profit ; que dans le cas où l'illégalité entachant le marché ou l'absence de marché régulier n'est imputable qu'à une faute commise par la collectivité publique, celle-ci peut, en outre, accorder à son cocontractant une indemnité réparant le préjudice résultant de la perte du bénéfice attendu ainsi que, le cas échéant, les préjudices de toute nature subis du fait de cette faute ;

Considérant qu'il ressort en l'espèce du préambule de la transaction du 27 octobre 1999 ayant été déférée par le préfet de l'Hérault que, en l'absence de tout cadre contractuel, les parties ont recouru à cette procédure afin de prévenir tout risque contentieux ultérieur et permettre l'indemnisation du cocontractant ayant continué à réaliser des prestations à l'issue de l'expiration du contrat initial ; que si ladite transaction indique expressément que l'indemnisation qu'elle prévoit se fera sur le fondement de l'enrichissement sans cause, il ressort des termes mêmes de son dispositif que le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP s'engage à verser à la société une somme de 901.997, 29 F TTC correspondant au prix du marché, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 et à l'article 178 du code des marchés publics modifié ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'indemnité attribuée ait été déterminée sur la base du montant des dépenses utiles exposées par le cocontractant au profit de la commune, éventuellement augmenté, dans la limite du prix du marché, d'une somme correspondant à la réparation du préjudice subi par le cocontractant du fait de la faute constituée par l'illégalité entachant le marché, y compris, le cas échéant, la privation du bénéfice que le cocontractant escomptait de l'exécution dudit marché ; qu'en conséquence, en fixant le montant de l'indemnité accordée dans le cadre de la convention d'indemnisation du 27 octobre 1999 par référence au prix du contrat et aux dispositions du code des marchés publics, le président du SIVOM DU PIC SAINT LOUP a commis une erreur de droit ; que par suite, le SIVOM DU PIC SAINT LOUP n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé ladite convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les frais exposés non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer au SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP la somme qu'il demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au SIVOM DE LA REGION DU PIC DE SAINT LOUP et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

N° 00MA01500 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA01500
Date de la décision : 15/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : FIDAL SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-06-15;00ma01500 ?
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