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03/05/2004 | FRANCE | N°00MA01621

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5eme chambre - formation a 3, 03 mai 2004, 00MA01621


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 juillet 2000 sous le n° 00MA01621, présentée par Maître Wagner, avocat, pour la VILLE DE NICE, représentée par son maire en exercice ;

La VILLE DE NICE demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 942848 du 5 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. X, la délibération du 24 juin 1994 par laquelle son conseil municipal a décidé la conclusion d'une convention entre elle-même et la Coopérative des taxis niçois relative à la mise

en place d'un central téléphonique à l'usage des taxis et, à cette occasion, le...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 juillet 2000 sous le n° 00MA01621, présentée par Maître Wagner, avocat, pour la VILLE DE NICE, représentée par son maire en exercice ;

La VILLE DE NICE demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 942848 du 5 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. X, la délibération du 24 juin 1994 par laquelle son conseil municipal a décidé la conclusion d'une convention entre elle-même et la Coopérative des taxis niçois relative à la mise en place d'un central téléphonique à l'usage des taxis et, à cette occasion, le versement d'une subvention d'un montant prévisionnel de 5.000.000 F correspondant à la moitié des frais d'acquisition de ce matériel ;

Classement CNIJ : 135-02-01-02-01-03-03

C

2'/ de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Nice ;

3°/ de condamner M. X à lui payer une somme de 5.000 F (762,25 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :

- que l'activité des taxis présente un caractère d'intérêt général ;

- que la subvention allouée, au regard de l'activité considérée, présente un caractère d'intérêt général ;

- que les communes peuvent engager les dépenses nécessaires à leur bon fonctionnement et aux intérêts de leurs habitants lorsque l'initiative privée est défaillante ;

- qu'en l'espèce, la Société coopérative artisanale Allo Taxi Niçois n'avait pas les moyens de procéder à l'acquisition des équipements de radiotéléphonie nécessaires pour assurer une plus grande rationalité, efficacité et qualité des prestations ;

- que si l'article 5 II de la loi du 2 mars 1982 ne fait pas mention du milieu urbain à propos des aides que les communes peuvent accorder pour la satisfaction des besoins de leur population en cas de défaillance de l'initiative privée, elle n'exclut pas pour autant les initiatives publiques qui peuvent être prises, ainsi que l'admet la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- qu'en l'espèce, la finalité de la subvention allouée est la protection de l'intérêt général, en garantissant un service qui ne peut être assuré efficacement sans un équipement technique adéquat ;

- que l'activité des taxis est liée à l'exploitation d'une dépendance du domaine public ;

- que si la commune est en droit de réserver un monopole d'activité pour une meilleure utilisation de son domaine public, elle est, a fortiori, en droit de subventionner l'acquisition de matériel garantissant une meilleure utilisation de ce domaine ;

- que la subvention allouée constitue une puissante action de promotion de la commune, dans la mesure où l'efficacité du service assuré par les taxis contribue à un accueil touristique de qualité ;

- que cette subvention n'aura pas pour effet de fausser la concurrence, puisque le central radio-téléphonique bénéficiera également à l'ensemble des taxis niçois ;

- que la mise en place de ce central aura pour effet de diminuer les dépenses de la commune qui n'aura plus à supporter l'entretien des bornes téléphoniques placées en tête des stations de taxis sur le domaine public communal ;

- que l'activité des taxis ne constitue pas un service public de transports dont la délégation éventuelle serait soumise aux dispositions de la loi Sapin ;

- que la délibération contestée ayant pour finalité une simple aide technique, l'organisation des périmètres de transports urbains n'est pas affectée ;

- que la profession d'exploitant de taxis étant réglementée, elle échappe très largement aux règles classiques de la concurrence et une aide allouée à l'ensemble des professionnels ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et n'entraîne aucune rupture d'égalité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 7 novembre 2000, présenté pour M. Max X par Maître Boitel, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Nice à lui payer une somme de 25.000 F (3.811,23 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient :

- que l'activité des taxis est assurée par des personnes privées qui ne peuvent se prévaloir des caractéristiques d'un service public industriel et commercial ;

- qu'une commune ne peut ériger une activité commerciale en service public ;

- que si le droit communautaire admet le principe des aides de petite importance accordées par les collectivités, le droit français prohibe de telles aides lorsqu'elles ne sont pas expressément autorisées ;

- qu'en l'espèce, l'aide allouée par la commune de Nice n'entre dans les prévisions d'aucune des dispositions du code général des collectivités territoriales les autorisant ;

- que les moyens tirés de la carence de l'initiative privée et du caractère d'intérêt général de la subvention allouée sont inopérants ;

- qu'en particulier, le service des taxis n'est pas un service public industriel et commercial susceptible de donner lieu au versement d'une subvention ;

- que la circonstance que cette subvention aurait pour effet de permettre à la commune de gérer son domaine public dans de meilleures conditions financières est sans influence ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 14 novembre 2000, le mémoire présenté, pour la société SA Allo Taxis Niçois, par la société d'avocats Bosio - Evrard et associés, qui demande que soit ordonné, jusqu'à la date de l'arrêt de la Cour à intervenir, le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 7 avril 2000 ;

Elle soutient :

- que sa trésorerie, bien que saine, ne lui permet pas de faire face au paiement de la somme de 4.580.000 F que le Trésor public lui a demandé de reverser en exécution de ce jugement ;

- qu'une procédure d'alerte a été ouverte, de ce fait, par le commissaire aux comptes ;

- qu'ainsi, l'exécution de ce jugement aurait des conséquences difficilement réparables si la Cour devait infirmer le jugement de première instance ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la Cour le 27 décembre 2000, présenté pour M. X qui conclut au rejet de la demande de sursis présentée par la société SA Allo Taxis Niçois ;

Il soutient :

- que cette demande n'est pas recevable ;

- qu'elle n'est assortie d'aucun moyen sérieux de droit, les seuls moyens invoqués tenant au préjudice que lui causerait l'exécution du jugement ;

Vu le mémoire enregistré au greffe de la Cour le 12 février 2001, présenté pour la société SA Allo Taxis Niçois, qui déclare se désister de sa demande de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice du 7 avril 2000 ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour le 19 février 2001, le mémoire présenté pour la commune de Nice qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 ;

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

Vu le code des communes ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2004 ;

- le rapport de M. Alfonsi, premier conseiller ;

- les observations de Maître De Poulpiquet de la SCP Wagner - De Poulpiquet pour la VILLE DE NICE ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la VILLE DE NICE relève appel du jugement 5 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. X, la délibération du 24 juin 1994 par laquelle son conseil municipal a décidé la conclusion d'une convention entre elle-même et la société alors désignée sous le nom de Coopérative des taxis niçois, devenue, depuis, la société SA Allo Taxis Niçois, relative à la mise en place d'un central téléphonique à l'usage des taxis et, à cette occasion, le versement à cette société d'une subvention d'un montant prévisionnel de 5.000.000 F correspondant à la moitié des frais d'acquisition de ce matériel ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 2 mars 1982 : (...) la commune peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent article. 1 - Lorsque son intervention a pour objet de favoriser le développement économique, la commune peut accorder des aides directes et indirectes dans les conditions prévues par la loi approuvant le Plan ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982, approuvant le plan intérimaire 1982-1983, en vigueur à la date de la délibération litigieuse : Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les régions peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activité économique, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises, dans les conditions ci-après : Les aides directes revêtent la forme de primes régionales à la création d'entreprises, de primes régionales à l'emploi, de bonifications d'intérêt ou de prêts et avances à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations. Les aides directes sont attribuées par la région dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les communes ne peuvent accorder légalement d'aides directes ou indirectes à des entreprises privées qu'en respectant les conditions fixées par les lois des 7 janvier et 2 mars 1982 ;

Considérant que l'octroi d'une subvention de 5.000.000 F à la société SA Allo Taxis Niçois approuvé par la délibération litigieuse du conseil municipal de Nice constitue une aide directe de la commune à cette société privée qui, créée pour les besoins des sociétés de taxis exerçant leur activité à Nice, ne peut être réputée gérer, pour le compte de la VILLE DE NICE, un service public industriel et commercial susceptible de percevoir une aide de la commune dans les conditions précisées par l'article L.322-5 du code des communes alors en vigueur ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que cette aide directe serait le complément d'une aide régionale ; qu'ainsi, et sans que la VILLE DE NICE puisse utilement se prévaloir, pour justifier l'octroi d'une telle subvention, ni de ce que l'activité des taxis contribue au développement touristique de la ville, ni des économies qu'elle réaliserait en n'ayant plus à supporter la charge de l'entretien des bornes d'appel téléphoniques situées sur son domaine public, cette aide a été accordée en méconnaissance des dispositions précitées des lois des 7 janvier et 2 mars 1982 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE NICE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération de son conseil municipal en date du 24 juin 1994 ;

Sur les conclusions présentées par la SA Allo Taxis Niçois :

Considérant que la SA Allo Taxis Niçois a déclaré se désister purement et simplement de ses conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice du 7 avril 2000 ; que rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à rembourser à la VILLE DE NICE les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de condamner la VILLE DE NICE à payer à M. X une somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la VILLE DE NICE est rejetée.

Article 2 : La VILLE DE NICE paiera à M. X une somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est donné acte à la SA Allo Taxis Niçois du désistement de ses conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 27 avril 2000.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE NICE, à M. X et à la société SA Allo Taxis Niçois.

Délibéré à l'issue de l'audience du 29 mars 2004, où siégeaient :

Mme Bonmati président de chambre,

M. Moussaron, président assesseur,

M. Alfonsi, premier conseiller,

assistés de Mme Ranvier, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 3 mai 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Dominique Bonmati Jean-François Alfonsi

Le greffier,

Signé

Patricia Ranvier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA01621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA01621
Date de la décision : 03/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: M. ALFONSI
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : WAGNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-03;00ma01621 ?
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