Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 13 décembre 2000 sous le n° 00MA02795, présentée par M. Raoul X, demeurant ... ;
M. X demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement, en date du 19 octobre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 613.878 F en réparation des préjudices matériels et moraux résultant du refus, par le ministre de l'enseignement, de prendre en considération le titre pédagogique de maître de conférences agrégé qui lui a été délivré en 1967 en Algérie ;
2°/ de déclarer le ministère de l'éducation nationale, responsable du préjudice en ayant résulté pour M. X ;
Classement CNIJ : 60-01-04
60-04-01-03-01
C
3°/ de condamner le ministre de l'éducation nationale à lui verser la somme de 457.157 F au titre du préjudice matériel, et celle de 186.721 F au titre du préjudice moral, avec les intérêts légaux à compter de la notification de l'arrêt ;
Il soutient qu'admissible au concours d'agrégation des facultés de médecine d'Alger en 1961, il était enseignant à la faculté de médecine d'Alger en 1962 ; qu'il a obtenu le titre de maître de conférences agrégé, spécialiste des hôpitaux d'Alger en 1967, à l'issue d'un concours dont le jury était présidé par le professeur Y ; que la convention franco-algérienne relative à la coopération technique et culturelle stipulait, à l'article 31 du décret du 24 août 1966, que le gouvernement français s'engageait à prendre en considération les titres pédagogiques acquis par les agents français en coopération ; que M. X a obtenu le grade de professeur de clinique ophtalmologique, spécialiste des hôpitaux d'ALGER ; que ce n'est qu'à partir de 1977 que ces titres vont être contestés par les services du ministère des universités ; que le ministère a fait savoir à la commission régionale qu'elle devait écarter la candidature de M. X au motif que ses titres acquis en coopération ne pouvaient être pris en considération ; que les services du ministère ont persévéré dans leur attitude en 1978, en 1983, en 1985, en juin 1990 ; que l'argumentation du tribunal ne peut être retenue, car le titre de professeur agrégé n'existe plus depuis 1956, mais seulement celui de maître de conférences agrégé, spécialiste des hôpitaux ; que M. X est autorisé par l'ordre national des médecins à se prévaloir du titre plus élevé de professeur de clinique spécialiste des hôpitaux d'Alger ; que les concours invoqués pour les années 1977, 1978, 1983 et 1990 avaient pour but de pourvoir des postes de chef de service dans des hôpitaux non hospitalo-universitaires, pour lesquels le titre de maître de conférences agrégé n'était pas requis ; que le ministère des universités a méconnu la convention de 1966 ; que l'attitude du ministère est à l'origine de la décision du conseil de l'ordre des médecins de Vaucluse en 1979 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 8 février 2001, présenté pour M. X, par Me ROUMETTE ;
M. X persiste dans ses conclusions ; il demande en outre la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2001, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les épreuves passées par M. X avaient pour objet de recruter un enseignant de la fonction publique algérienne ne correspondaient à aucun examen conduisant à l'obtention d'un diplôme universitaire ; que la notion de titre pédagogique n'intègre pas les concours de recrutement dans la fonction publique ; que l'accord des autorités françaises à la participation au jury d'un universitaire venu de France n'est pas un accord des autorités universitaires des deux pays sur la délivrance d'un titre pédagogique ; que M. X considère sans justification qu'il a été privé d'une chance sérieuse d'être classé avant les autres candidats ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 mai 2001, présenté pour M. X, qui persiste dans ses conclusions ;
Il soutient qu'il est fondé à porter le titre de maître de conférences agrégé, spécialiste des hôpitaux d'Alger ; que le préjudice résultant de la publication erronée du conseil de l'ordre des médecins de Vaucluse en octobre 1979 est imputable au ministère de l'éducation nationale ; que la limite minimale de l'engagement du gouvernement français est constituée par la possibilité pour un agrégé, spécialiste des hôpitaux, de présenter ses titres acquis en coopération dans des concours sur titres ; que les services ministériels tentent de faire accroire à la Cour qu'il s'agit de postes dans des centres hospitaliers et universitaires ; que M. X possédait le titre d'admissible à l'agrégation de médecin, de chef de clinique adjoint à la faculté de Marseille, de diplôme national d'ophtalmologie, que ne possédait aucun autre candidat ; que les appréciations des professeurs BERARD et FARNARIER ne sont pas reconnues, et même sont contredites par les attestations récentes de ces mêmes professeurs ; que le docteur Pierre ROCHE, reçu au même concours d'agrégation que M. X a obtenu le poste de chef de service en chirurgie à l'hôpital de Toulon ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 28 mai, 31 août, 9 novembre 2001, le 25 mars 2002 et le 10 juin 2003, présentés par le ministre de l'éducation nationale, qui persiste dans ses conclusions ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 16 juillet, 28 octobre et 17 décembre 2001, présentés pour M. X, qui persiste dans ses conclusions ;
Il soutient, en outre, que les services du ministère utilisent des propos à connotation diffamatoire ; que M. X s'est toujours prévalu de son titre à l'université d'Alger ; qu'un titre obtenu dans le cadre de la coopération l'est dans le cadre de l'administration française ; que le titre obtenu par M. X est un recrutement spécial relevant des autorités universitaires algériennes et françaises ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 9 mars 2002, 13 juin 2002, 26 mai 2003 et 1er août 2003, présentés pour M. X, qui persiste dans ses conclusions ;
Il soutient, en outre, que la mention Alger figurait après l'énoncé du titre, sur toutes les pièces justificatives versées par M. X aux dossiers de candidature ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention entre la France et l'Algérie relative à la coopération technique et culturelle du 8 avril 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2004 :
- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la convention de coopération culturelle et technique conclue le 8 avril 1966 entre la France et l'Algérie, publiée par le décret susvisé du 24 août 1966 : Le gouvernement français s'engage à prendre en considération les titres pédagogiques acquis en Algérie par les agents français régis par le présent chapitre, sous réserve qu'ils aient été délivrés après accord entre les autorités universitaires des deux pays. ;
Considérant qu'il est constant que M. Raoul X avait été reçu au concours organisé à Alger en 1967 pour le recrutement de maîtres de conférences agrégés, spécialistes des hôpitaux, ouvert aux agents français enseignants en coopération et détenteurs d'une admissibilité aux concours d'agrégation en France ; qu'il a exercé à Alger les fonctions de maître de conférences agrégé, puis de professeur de clinique ophtalmologique, spécialiste des hôpitaux d'Alger, jusqu'au 30 septembre 1972 ; qu'il a déposé en décembre 1977 sa candidature pour être inscrit sur la liste d'aptitude aux fonctions de chef de service des hôpitaux non hospitalo-universitaires ; que sa candidature n'a pas été retenue par la commission régionale paritaire, et n'a été jugée recevable, après avoir été soumise à l'appréciation du ministère chargée des universités, qu'au titre des cinq années de fonctions accomplies par M. X en qualité d'assistant du service des armées, ce qui revenait à écarter d'autres titres de l'intéressé, et, notamment, les titres acquis en coopération ; que des candidatures ultérieures de M. X à d'autres postes ont fait l'objet d'oppositions analogues de l'administration de l'éducation nationale ;
Considérant que M. X soutient, sans être contredit, que le ministère chargé des universités s'est opposé à ce que la commission prenne en considération non seulement les titres de maître de conférences agrégé et de professeur de clinique ophtalmologique, spécialiste des hôpitaux d'Alger, mais aussi des titres obtenus auparavant en France, comme le diplôme national d'ophtalmologie, l'admissibilité à l'agrégation de médecine, et le titre de chef de clinique adjoint à la Faculté de médecine de Marseille ; que si, en première instance, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a soutenu qu'il n'a jamais refusé à M. X le droit de porter le titre de professeur ou de maître de conférences agrégé, spécialiste des hôpitaux de l'université d'Alger-Algérie, mais seulement le grade de professeur ou maître de conférences agrégé, spécialiste des hôpitaux, cette affirmation n'est pas corroborée par les pièces du dossier, et, notamment, le procès-verbal de la réunion du 28 février 1978 de la commission paritaire régionale, la lettre en date du 6 mars 1979 du ministre des universités, la lettre en date du 29 décembre 1983 du directeur régional de la santé ; que, d'ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment de la lettre du 8 septembre 1978 par laquelle M. X a déposé sa candidature pour un poste de maître de conférences agrégé à la faculté de médecine de Nice, et qu'il n'a pas obtenu, que l'intéressé précisait Faculté d'Alger ou Université d'Alger derrière le titre de maître de conférences agrégé dont il faisait état ;
Considérant que, si le ministre chargé de l'enseignement supérieur soutient, contrairement d'ailleurs à ce qu'il exposait dans sa réponse en date du 24 mai 1993 à la demande d'indemnisation du préjudice présenté par le conseil de M. X, que les titres obtenus en Algérie par le requérant ne sont pas des titres pédagogiques, cette circonstance, à la supposer établie, serait sans influence sur la solution dès lors que ni les stipulations précitées de la convention franco-algérienne, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'interdisait de prendre en considération, pour le recrutement d'un praticien hospitalier dans un établissement non hospitalo-universitaire, les divers titres, pédagogiques ou non, obtenus par les candidats à ces postes dans l'exercice de leur activité médicale ou scientifique ;
Considérant qu'à la suite de l'opposition ainsi manifestée par le ministre chargé des universités à la prise en considération des titres acquis par M. X dans le cadre de la coopération, et réitérée en 1979, le conseil de l'ordre des médecins de Vaucluse, saisi par plusieurs médecins, de plaintes pour usurpation de titre, publia dans son bulletin du 5 octobre 1979 que le titre d'agrégé de M. X n'était pas reconnu en France, et qu'il ne pouvait en faire état ; que le conseil national de l'ordre des médecins, saisi par M. X, a autorisé, par décision du 29 janvier 1983, M. X à faire état du titre de professeur de clinique ophtalmologique, de l'hôpital Mustapha d'Alger ;
Considérant que M. X demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice matériel et moral résultant de ce que l'attitude du ministre chargé des universités a incité l'ordre des médecins à interdire à l'intéressé de faire état des titres qu'il avait acquis en Algérie ; qu'il n'établit cependant ni que l'annonce faite le 5 octobre 1979 par le conseil départemental de l'ordre des médecins de Vaucluse était la conséquence inévitable de cette attitude du ministre chargé des universités, ni que cette annonce soit la cause exclusive de la diminution des bénéfices non commerciaux de M. X au cours des années 1980 à 1982 ; qu'ainsi le comportement de l'administration n'est pas la cause directe et certaine de l'ensemble des préjudices invoqués par le requérant, qui ne peut, dès lors, en demander l'indemnisation à l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré à l'issue de l'audience du 6 avril 2004, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
M. ZIMMERMANN, premier conseiller,
assistés de Mme LOMBARD, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 avril 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE Franck ZIMMERMANN
Le greffier,
Signé
Marie-Claire LOMBARD
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 00MA02795