Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 juillet 2000, sous le n° 00MA01485, présentée pour Jean-Luc X, demeurant ..., par Me ROCHE, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 7 avril 2000 en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée sous le n° 99-946 tendant à l'annulation de l'arrêté du maire du Pradet en date du 29 janvier 1999 mettant fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de secrétaire général de ladite commune à compter du 1er mars 1999 ;
Classement CNIJ : 36-07-01-03
36-10
C
2°/ d'annuler la décision en cause ;
3°/ de condamner la commune du Pradet à lui verser la somme de 8.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Le requérant soutient :
- que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de l'entretien avec l'autorité territoriale, prévu par l'article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, et que ledit moyen est fondé, dès lors que la commune ne démontre pas que cette formalité, qui constitue une garantie substantielle de l'agent, était impossible à satisfaire ;
- qu'il en est de même du moyen tiré de l'absence de consultation régulière du conseil municipal, dès lors que l'ordre du jour de la séance du 4 décembre 1998 ne mentionnait pas cette question, en violation de l'article L.2121-10 du code général des collectivités territoriales ;
- que, dès lors que la fin du détachement a été prise en considération de la personne et des prétendues fautes commises, la procédure disciplinaire devait être mise en oeuvre ;
- que le centre national de la fonction publique territoriale n'a pas été informé préalablement de la décision de la commune, en violation de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- que la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
La commune demande, en outre, la condamnation de M. X à lui verser une somme de 8.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 30 octobre 2000, le mémoire en défense présenté pour la commune du Pradet qui conclut au rejet de la requête, en faisant valoir :
- que M. X n'a pas expressément soulevé, en première instance, le moyen tiré de la privation de la garantie que constitue l'entretien préalable ; qu'il n'y a pas d'omission à statuer sur ce point ;
- qu'il en est de même de la prétendue omission à statuer sur les conditions d'information du conseil municipal, lequel n'a pas, en outre, à délibérer sur une telle mesure ;
- que le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire aurait dû être mise en oeuvre est présenté pour la première fois en appel et est par suite, irrecevable ;
- qu'il en est de même du moyen tiré du défaut d'information du centre national de la fonction publique territoriale ;
- que M. X a été convoqué cinq fois à un entretien et ne s'y est pas présenté alors que son congé de maladie autorisait les sorties ;
Vu, enregistré les 15 juin et 20 juin 2001, les mémoires en réplique présentés par M. X, qui réaffirme que la décision litigieuse constitue une sanction disciplinaire déguisée, que les trois faits relevés à son encontre s'inscrivent dans une période de congés à la fois pour lui-même et pour le maire, et que la décision en litige, d'ailleurs précédée d'autres mesures portant atteinte à sa situation professionnelle, est fondée sur des motifs étrangers à l'intérêt du service ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2004 :
- le rapport de Mme GAULTIER, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant que M. X, qui occupait les fonctions de secrétaire général de la commune du Pradet depuis 1989, a été déchargé, le 24 août 1998, jour de sa rentrée de congés annuels, de toute la gestion budgétaire de la commune par le maire ; qu'après avoir tenté d'obtenir des explications, l'intéressé a été placé en position de congés de maladie à compter du 4 septembre 1998, congés qui ont été reconduits jusqu'au 15 février 1999 ; que, par arrêté en date du 29 janvier 1999, le maire du Pradet a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de secrétaire général de la commune à compter du 1er mars 1999 ; que M. X demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 7 avril 2000 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation dudit arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. X avait invoqué deux moyens tirés de la violation de formalités substantielles prévues, en cas de fin de détachement d'un fonctionnaire sur un emploi dit fonctionnel dans une collectivité territoriale, par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, susvisée ; que le requérant soutenait, en premier lieu que l'entretien préalable avec l'autorité territoriale prévu par cet article n'avait pas effectivement eu lieu, et, en deuxième lieu, que l'information de l'assemblée territoriale prévue par le même article n'avait pas été régulièrement effectuée ; qu'en se bornant à indiquer qu'aucune disposition du statut du personnel des collectivités territoriales, ni aucune disposition de nature législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'interdit de licencier un agent du seul fait qu'il serait en congé de maladie, les premiers juges doivent être regardés comme n'ayant répondu à aucun de ces deux moyens - non inopérants - tirés de l'irrégularité de la procédure suivie ; qu'une telle omission est de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur la légalité externe de l'arrêté du 29 janvier 1999 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53 de la loi n° 85-53 du 26 janvier 1984 susvisée, alors en vigueur, dans sa rédaction résultant de l'article 22 de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994, Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98 ; ... Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois (fonctionnels) mentionnés ci -dessus ...qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante. ; qu'en outre, l'article L.2121-10 du code général des collectivités territoriales prévoit que : Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée aux conseillers municipaux. ;
Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi précitée du 27 décembre 1994, et notamment des débats parlementaires à la séance du Sénat du 4 juillet 1994, qu'en réponse à une proposition d'amendement d'un sénateur tendant à ce que soit précisé le caractère préalable de l'information donnée au conseil municipal, et qui a ensuite été abandonnée au vu de cette réponse, le représentant du Gouvernement a précisé que le caractère préalable de l'information donnée au conseil municipal se déduit naturellement de la lecture de l'article 22 (de la loi du 27 décembre 1994), puisque la fin de fonctions ne prend effet que le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante ; qu'ainsi, le législateur a entendu faire de l'information de l'assemblée délibérante une formalité substantielle préalable à la prise d'effet de la décision mettant fin aux fonctions, mais n'a imposé aucune modalité particulière pour l'accomplissement de cette formalité ;
Considérant qu'une telle décision de cessation de fonctions relève des pouvoirs propres du maire et qu'aucun texte ne prévoit que l'information devant être donnée au conseil municipal dans ce cas particulier en vertu des dispositions expresses susmentionnées, doit faire l'objet d'une discussion ou d'une délibération et doit figurer sur l'ordre du jour ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'après examen des questions inscrites à l'ordre du jour de la séance du conseil municipal de la commune de Le Pradet du 4 décembre 1998, le maire a informé l'assemblée délibérante de son intention de mettre fin aux fonctions du secrétaire général de la commune ; que, dans ces conditions, la circonstance que cette question n'ait pas figuré à l'ordre du jour de la séance du conseil municipal et que le maire n'ait pas indiqué le nom de l'intéressé, alors qu'aucun doute n'était possible sur ce point, n'est pas de nature à faire regarder comme irrégulière l'information que le maire doit fournir au conseil municipal en vertu de l'article 53 précité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté que M. X a été convoqué à cinq reprises par le maire du Pradet en vue de l'entretien préalable à sa cessation de fonctions prévu par l'article 53 précité, et qu'à cinq reprises il a prétexté qu'il se trouvait en congé de maladie afin de ne pas se rendre à ces convocations ; que, dans ces conditions, le maire du Pradet doit être regardé comme ayant accompli des diligences suffisantes pour organiser l'entretien prévu, et M. X, occupant un emploi fonctionnel de responsabilité dans la commune, n'établit pas qu'il se serait trouvé dans l'impossibilité de se rendre à l'entretien préalable ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'absence d'un tel entretien n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure précédant la fin des fonctions de l'intéressé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de l'absence d'information préalable du Centre national de la fonction publique territoriale manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté litigieux n'est entaché d'aucun des vices de procédure invoqués par M. X ;
Sur la légalité interne de l'arrêté du 29 janvier 1999 :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les relations entre M. X et sa hiérarchie se sont très rapidement détériorées après, d'une part, que M. X n'ait pas porté attention à un courrier du préfet du Var concernant la saisine de la Chambre régionale des comptes, et, d'autre part, qu'il n'ait pas transmis au maire des messages téléphoniques de la préfecture en juillet 1998 ; que cette dégradation est due pour une large part au comportement de M. X qui révélait un manque de conscience des impératifs du bon fonctionnement des services de la commune du Pradet dont il avait la responsabilité ; qu'après avoir relevé de telles négligences et de tels manquements ayant entraîné une perte de confiance du maire, les premiers juges ont estimé que, s'agissant d'un emploi fonctionnel, ces faits étaient de nature à justifier qu'il soit mis fin à son détachement dans ledit emploi fonctionnel, sans que cette mesure puisse revêtir un caractère disciplinaire ; que, M. X, qui ne conteste pas l'exactitude matérielle des faits retenus, se borne en appel comme en première instance, à minimiser leur importance ; que, dès lors, le maire de Le Pradet a pu légalement, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur de tels faits pour prendre la décision litigieuse ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté litigieux, le maire aurait commis un détournement de procédure ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune du Pradet, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X une somme quelconque au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 7 avril 2000 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. X enregistrée sous le n° 99946.
Article 2 : La demande de M. X enregistrée sous le n°99946 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la commune du Pradet et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience du 20 janvier 2004, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
Mme GAULTIER, premier conseiller,
assistés de Mlle FALCO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 avril 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE Joëlle GAULTIER
Le greffier,
Signé
Sylvie FALCO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N° 00MA01485 2