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09/03/2004 | FRANCE | N°99MA01509

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 09 mars 2004, 99MA01509


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 août 1999 sous le n° 99MA01509, présentée pour M. Philippe X, demeurant à ..., par Me Jean-Michel MARIAGGI, avocat ;

M. X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 24 juin 1999, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 septembre 1996 de la collectivité territoriale de Corse lui refusant la prime régionale à l'emploi et à la création d'entreprises ainsi que de la décision du 3 octobre 1996 du bureau

de l'Agence de Développement de la Corse (ADEC) rejetant son recours ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 août 1999 sous le n° 99MA01509, présentée pour M. Philippe X, demeurant à ..., par Me Jean-Michel MARIAGGI, avocat ;

M. X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 24 juin 1999, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 septembre 1996 de la collectivité territoriale de Corse lui refusant la prime régionale à l'emploi et à la création d'entreprises ainsi que de la décision du 3 octobre 1996 du bureau de l'Agence de Développement de la Corse (ADEC) rejetant son recours gracieux et à la condamnation de la collectivité territoriale à lui allouer 240.000 F majorés des intérêts de droit en réparation du préjudice subi, d'annuler ladite décision, de faire droit à sa demande d'indemnisation, et de condamner la collectivité territoriale de Corse et l'ADEC à lui verser chacune 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Classement CNIJ : 135-04-02-03-01

C

M. X soutient :

- que la décision du 2 septembre 1996 a été prise par une autorité incompétente, le conseil exécutif de la collectivité et non, comme le prévoit le règlement d'aides, le président de l'exécutif ;

- que de même, la décision du 3 octobre 1996 prise sur recours gracieux a été prise par le bureau de l'ADEC, agence chargée de l'instruction des dossiers et qui n'a juridiquement aucun pouvoir de décision ;

- que seuls des courriers l'ont informé de l'existence de ces décisions mais qu'aucune ne lui a été notifiée ;

- que, sur la recevabilité du recours, les deux décisions lui font grief et, en l'absence d'indication des voies et délais de recours, que sa requête n'était pas tardive ;

- que le courrier du 8 octobre 1996 lui faisant part de la décision du 3 octobre n'était pas motivé ;

- que, sur le fond, les règlements d'aide à la création d'emploi et à la création d'entreprises du 9 février 1995 n'excluent pas du régime des aides les activités non industrielles ; en ajoutant un critère de sélection qui n'existe pas, l'ADEC a commis un abus de pouvoir ;

- qu'au surplus cette pratique est discriminatoire ;

- qu'enfin le terme industriel n'est pas défini ;

- que, en tout état de cause, son entreprise est industrielle ;

- que le rejet unanime de la demande par le bureau de l'ADEC n'a jamais été justifié ;

- que sur les conclusions indemnitaires, M. X, dans son courrier du 9 octobre 1996, avait demandé de manière implicite le versement de la somme de 240.000 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 24 novembre 2000, le mémoire en défense présenté pour la collectivité territoriale de Corse, et l'Agence de Développement de la Corse qui concluent au rejet de la requête ; elles font valoir que , sur les conclusions en annulation, la requête de M. VINCENTI devant le Tribunal administratif de Bastia était irrecevable dès lors que les décisions de rejet attaquées n'étaient pas produites et qu'elles ne l'ont été qu'en octobre 1998, soit 21 mois plus tard ; que, sur le fond, le délai de traitement de la demande est sans influence sur la légalité des décisions ; que, s'agissant des critères d'éligibilité, la position de l'ADEC ne constitue en rien une mesure discriminatoire et résulte d'une volonté de ne primer que la fabrication industrielle de glaces ; que M. X n'établit pas l'erreur d'appréciation dont elle serait entachée ; que, sur les conclusions en indemnisation, le courrier du 9 octobre 1996 ne peut être regardé comme constituant une demande préalable ;

Vu, enregistré le 28 mai 2001, le mémoire complémentaire présenté pour M. X, qui tend aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; M. X soutient en outre que l'ADEC, nonobstant son appellation d'établissement public industriel et commercial, n'a qu'une fonction en réalité purement administrative ; que le conseil régional détermine librement les règles d'attribution des primes mais ne saurait déléguer un pouvoir discrétionnaire de dérogation à ses règles à l'exécutif ; que de ce fait, le règlement d'attribution des aides qui prévoit que sur proposition unanime des membres du bureau de l'ADEC, le conseil exécutif peut refuser l'éligibilité d'une demande, même si l'entreprise répond aux critères d'éligibilité du présent règlement, est illégal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 82-806 du 22 septembre 1982 ;

Vu le décret n° 82-807 du 22 septembre 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2004 :

- le rapport de Mme LORANT, présidente assesseur ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que M. X, qui exerce comme activité la fabrication et la vente de glaces, a sollicité de la collectivité territoriale de Corse le bénéfice de la prime régionale à l'emploi et de la prime à la création d'entreprises ; que par une décision du 2 septembre 1996, le conseil exécutif de la collectivité lui a fait connaître son refus ; que M. X ayant formulé un recours gracieux, le bureau de l'Agence de Développement de la Corse (ADEC) a rejeté ce recours lors d'une réunion du 3 octobre et l'en a informé par un courrier du 8 octobre 1996 ;

Sur la recevabilité de la demande de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article R.94 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dans sa rédaction alors applicable : La requête doit être accompagnée de la décision attaquée, ou, dans le cas visé à l'article R.102 de la pièce justifiant de la date du dépôt de la réclamation. A défaut, le demandeur est averti par le greffier en chef que si la production n'est pas faite dans le délai de quinze jours à partir de la réception de cet avertissement, la requête pourra être déclarée irrecevable ; qu'il résulte de ces dispositions que le requérant peut régulariser sa demande en produisant les pièces réclamées jusqu'au jour de l'audience ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a produit le courrier du 8 octobre 1996 au moment de l'introduction de sa requête et la décision du 2 septembre 1996 lors de la production d'un mémoire complémentaire, le 22 février 1999, avant la tenue de l'audience ; que, par suite sa demande devant le tribunal administratif était recevable ;

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-806 du 22 septembre 1982 relatif à la prime régionale à la création d'entreprises, et des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-807 du 22 septembre 1982 relatif à la prime régionale à l'emploi : Peuvent bénéficier de la prime les entreprises, quelle qu'en soit la forme juridique, ayant pour objet une des activités déterminées par le conseil régional ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : Le conseil régional détermine les règles d'attribution, de liquidation, de versement, d'annulation et de reversement de la prime ; qu'enfin aux termes de l'article 8 dudit décret : la prime est attribuée par le président du conseil régional en exécution d'une délibération du conseil régional ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, la collectivité territoriale de Corse a, par délibérations du 9 février 1995, adopté un règlement déterminant les conditions d'octroi de la prime régionale à la création d'emplois et un règlement déterminant les conditions d'octroi de la prime régionale à la création d'entreprise ; que M. X excipe de l'illégalité desdites délibérations pour demander l'annulation des décisions susmentionnées ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.4221-5 du code général des collectivités territoriales, applicable à la collectivité territoriale de Corse, Le conseil régional peut déléguer une partie de ses attributions à sa commission permanente, à l'exception de celles relatives au vote du budget, à l'approbation du compte administratif et aux mesures de même nature que celles visées à l'article L.1612-15. ;

Considérant que chacune de ces délibérations a prévu que la prime est attribuée, sur proposition du bureau de l'Agence de Développement de la Corse (ADEC), établissement public industriel et commercial, par le président du conseil exécutif en précisant que, sur proposition unanime des membres du bureau de l'ADEC, le conseil exécutif peut refuser l'éligibilité d'une demande, même si l'entreprise répond aux critères d'éligibilité du présent règlement ;

Considérant, d'une part, qu'en prenant une telle délibération, l'assemblée territoriale de Corse doit être regardée comme ayant délégué ses attributions en matière d'attribution de primes au conseil exécutif ; que cependant l'article L.4221-5 précité du code général des collectivités territoriales ne prévoit une telle possibilité qu'à l'égard de la commission permanente ; que par suite, une telle délibération était illégale ;

Considérant, d'autre part, et au surplus, qu'il résulte des pièces du dossier que le bureau de l'ADEC avait, nonobstant le terme de proposition utilisé par le règlement, un pouvoir de décision ; que d'ailleurs, c'est le directeur de l'ADEC qui a rejeté le recours gracieux de M. X ; qu'à plus forte raison l'assemblée délibérante ne pouvait avoir confié l'exercice de ses attributions à un tel organisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions refusant à M. X l'attribution de primes ont été prises par une autorité incompétente et que par suite ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête tendant à l'annulation desdites décisions ;

Sur les conclusions de M. X tendant à la condamnation de la collectivité territoriale de Corse à lui verser 240.000 F de dommages et intérêts :

Considérant que, par son courrier du 9 octobre 1996, M. X se bornait à solliciter du directeur de l'ADEC de bien vouloir revoir son dossier, en détaillant l'emploi qu'il entendait faire des primes sollicitées ; que par suite, ce courrier ne peut être regardé comme une demande préalable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice avait demandé administrative :

Considérant qu'il y a lieu de condamner la collectivité territoriale de Corse et l'ADEC à verser respectivement à M. X une somme de 500 euros au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions en date du 2 septembre 1996 de la collectivité territoriale de Corse refusant à M. X la prime régionale à l'emploi et la prime à la création d'entreprises ainsi que de la décision du 3 octobre 1996 du bureau de l'Agence de Développement de la Corse (ADEC) rejetant son recours gracieux.

Article 2 : Les décisions susmentionnées des 2 septembre 1996 et 3 octobre 1996 sont annulées.

Article 3 : La collectivité territoriale de Corse et l'ADEC verseront respectivement à M.X une somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la collectivité territoriale de Corse, à l'Agence de Développement de la Corse et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 3 février 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

M. ZIMMERMANN, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Nicole LORANT

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA01509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01509
Date de la décision : 09/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme LORANT
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : MARIAGGI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-09;99ma01509 ?
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