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09/03/2004 | FRANCE | N°01MA00224

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 09 mars 2004, 01MA00224


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 janvier 2001 sous le n° 01MA00224, présentée pour Mme Christiane X, demeurant ...), par Me COUDRAY, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 23 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 52.725,33 F en réparation des préjudices subis du fait du retard mis à procéder à sa titularisation ;

2°/ de condamner solidairement l'Etat et le Centre national

du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF) à lui ve...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 janvier 2001 sous le n° 01MA00224, présentée pour Mme Christiane X, demeurant ...), par Me COUDRAY, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement du 23 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 52.725,33 F en réparation des préjudices subis du fait du retard mis à procéder à sa titularisation ;

2°/ de condamner solidairement l'Etat et le Centre national du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (CEMAGREF) à lui verser les sommes de 21.125 F au titre des pertes indiciaires et 11.900,12 F au titre du surcoût de cotisations sociales, avec intérêts de droit à compter de la date de réception de la demande préalable et capitalisation des intérêts ;

Classement CNIJ : 36-13-03

C

3°/ de condamner solidairement l'Etat et le CEMAGREF à lui verser la somme 3.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

La requérante fait valoir que :

- le jugement attaqué ne mentionne pas l'ensemble des pièces de la procédure en violation de l'article R.741-2 du code de justice administrative ;

- dès lors qu'elle a opté pour le rachat des services accomplis en tant qu'auxiliaire avant sa titularisation, le préjudice correspondant au surcoût découlant de sa titularisation tardive a un caractère certain et doit être indemnisé à hauteur de 6.904,97 F ;

- c'est à tort que le premier juge a retenu la prescription de ses demandes de pertes de rémunérations et de surcoût de cotisations sociales, le point de départ de la prescription étant, en l'espèce, la date de titularisation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2001, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que :

- les pertes de rémunération, afférentes aux années 1988 à 1992, sont couvertes par la prescription, et au surplus, en grande partie compensées par le gain enregistré depuis 1993 ;

- le préjudice subi du fait du rappel de cotisations au titre de la validation des services pour la retraite n'a été justifié que, pour 6.904,97 F et est compensé par le gain de rémunération depuis le 1er janvier 1993 ;

Vu, enregistré le 26 janvier 2004, le mémoire présenté pour Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2004 :

- le rapport de Mme GAULTIER, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que, par jugement en date du 23 novembre 2000, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Montpellier a estimé que faute d'avoir pris, dans un délai raisonnable, le texte statutaire prévu par la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, qui aurait permis la titularisation de Mme Christiane X, agent contractuel du Centre du machinisme agricole, du génie rural et des eaux et forêts (C.E.M.A.G.R.E.F.), l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que le même jugement a toutefois rejeté en totalité la demande indemnitaire que Mme X, titularisée à compter du 1er janvier 1992 seulement, avait chiffrée globalement à 300.000 F, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable formulée le 30 décembre 1996 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que Mme X soutient que le jugement attaqué ne mentionnerait pas l'ensemble des pièces de la procédure en violation des dispositions de l'article R.741-2 du code de justice administrative ; qu'il résulte de l'instruction que la minute du jugement comportait l'analyse des conclusions et moyens présentés par les parties ; qu'en l'absence de toute autre précision de nature à permettre au juge d'en apprécier la portée, le moyen tiré de la violation de l'article R.741-2 du code de justice administrative ne peut qu'être rejeté ;

Sur la réparation des préjudices :

Considérant que Mme X a fait état de préjudices constitués par la perte de rémunérations nettes de cotisations sociales qu'elle aurait subie à compter du 1er janvier 1988, par un surcoût de cotisations de retraites pour validation de ses services antérieurs effectués en tant que non titulaire ainsi que par une perte future de pensions de retraite ;

En ce qui concerne la perte nette de rémunérations principales :

Considérant que Mme X a demandé le versement d'une indemnité représentant sa perte nette de rémunérations durant la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1991, du fait du retard mis à sa titularisation ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites au profit de l'Etat... toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; que le fait générateur de la créance dont se prévaut Mme X est constitué non par les services qu'elle a accomplis comme agent contractuel, mais par l'arrêté de titularisation intervenu au cours de l'année 1993 ; qu'ainsi, le délai de prescription de quatre ans a commencé à courir le 1er janvier 1994 ; qu'à supposer même que, comme le soutient l'administration, la demande indemnitaire formulée par Mme X ne lui soit parvenue que le 2 janvier 1997, à cette date, ses créances n'étaient pas atteintes par la prescription ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la prescription était acquise pour la période antérieure au 1er janvier 1992 n'est pas fondé, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; que les pièces au dossier ne permettent pas de déterminer avec certitude le montant des pertes de rémunérations, nettes de cotisations sociales, subies par Mme X ; qu'il y a lieu de renvoyer l'intéressée devant le ministre de l'éducation nationale pour y être procédé à la liquidation en principal et intérêts de cette indemnité ;

En ce qui concerne le supplément de cotisations pour pensions de retraite :

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.5 du code des pensions civiles et militaires de retraite : ... Peuvent être également pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d'auxiliaire, de temporaire, d'aide ou de contractuel ... accomplis dans les administrations de l'Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial ... ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme X justifie avoir opté le 19 septembre 2000 pour la validation de ses services accomplis en tant que contractuelle ; qu'ainsi que le soutient le ministre de l'Education nationale, dans son mémoire enregistré le 20 avril 2001, le surcoût découlant du retard de titularisation a toutefois été chiffré en première instance à la somme de 6.904,97 F ; qu'en l'absence d'élément nouveau de nature à justifier la somme de 11.900,12 F réclamée en appel, il y lieu de retenir cette première somme, la circonstance que l'intéressée n'aurait pas procédé au versement de ses retenues au Trésor public, ou même qu'aucun rappel de cotisation n'avait encore été émis à son encontre n'étant pas de nature à enlever au préjudice invoqué son caractère certain ; que l'administration n'est pas fondée à soutenir que cette créance, dont elle admet le bien-fondé, serait compensée par un avantage de rémunération à compter de la promotion de l'intéressée dans un nouveau grade à compter du 1er janvier 1993, lequel aurait été accru par la titularisation tardive de l'intéressée, dès lors qu'à le supposer fondé, un tel avantage ne constitue pas une dette de la requérante et n'est, d'ailleurs, pas chiffré ; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu à compensation ; qu'ainsi, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme X la somme de 7.711,60 F soit 1.175,63 euros et de rejeter le surplus des conclusions afférentes à ce chef de préjudice ;

Considérant, enfin, que le rejet de la demande afférente au préjudice constitué par une perte de pensions de retraites n'est aucunement critiqué en appel ;

Sur les intérêts :

Considérant, d'une part, que Mme X a droit aux intérêts, au taux légal, des sommes qui lui sont dues à compter de la date de réception de sa réclamation tendant à l'octroi d'une indemnité, soit le 2 janvier 1997 ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée, et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que Mme X a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 31 janvier 2001 ; qu'à cette date, la capitalisation des intérêts était due pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la requérante n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander, dans la mesure ci-dessus indiquée, la réformation du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 23 novembre 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative en condamnant l'Etat à verser à Mme X une indemnité de 450 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme X la somme de 1.175,63 euros (mille cent soixante quinze euros soixante trois centimes).

Mme X est renvoyée, en outre, devant le ministre de l'éducation nationale pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de sa perte nette de rémunérations. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 1997. Les intérêts échus à la date du 31 janvier 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme X une indemnité de 450 euros (quatre cent cinquante euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le jugement du magistrat délégué du Tribunal administratif de Montpellier en date du 23 novembre 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Copie en sera donnée pour information au C.E.M.A.G.R.E.F.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 février 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme GAULTIER, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Joëlle GAULTIER

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 01MA00224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA00224
Date de la décision : 09/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme GAULTIER
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-09;01ma00224 ?
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