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09/03/2004 | FRANCE | N°00MA00228

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 09 mars 2004, 00MA00228


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 février 2000 par télécopie, et confirmée le 11 février 2000 sous le n° 00MA00228, présentée pour M. François X, demeurant ..., par la S.C.P. BORE et XAVIER, avocats aux conseils ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement, en date du 30 septembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 6 juin 1997 par lesquels le préfet de Corse-du-Sud lui a refusé l'autorisation d'ouvrir une pharmacie par voie

dérogatoire d'une part, de créer une officine de pharmacie par voie normale d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 février 2000 par télécopie, et confirmée le 11 février 2000 sous le n° 00MA00228, présentée pour M. François X, demeurant ..., par la S.C.P. BORE et XAVIER, avocats aux conseils ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement, en date du 30 septembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 6 juin 1997 par lesquels le préfet de Corse-du-Sud lui a refusé l'autorisation d'ouvrir une pharmacie par voie dérogatoire d'une part, de créer une officine de pharmacie par voie normale d'autre part ;

2°/ d'annuler les deux arrêtés du 6 juin 1997 ;

3°/ d'enjoindre au préfet de Corse-du-Sud de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard ;

Classement CNIJ : 61-04-005

4°/ de condamner la partie adverse aux dépens et à lui verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que le canton de Bastelica n'est desservi par aucune officine de pharmacie ; que le préfet de Corse-du-Sud avait accordé le 31 juillet 1995 l'autorisation à M. X de créer une pharmacie à Cauro ; que le ministre ayant annulé cette décision, M. X a déposé deux nouvelles demandes, qui ont été rejetées par le préfet de Corse-du-Sud ; qu'en cas de demande de création de pharmacie par voie normale, le pouvoir d'appréciation de l'administration dépend de trois critères, qui sont le chiffre de la population de la commune d'implantation, le caractère de centre d'approvisionnement pour les localités avoisinantes du lieu retenu, enfin l'assurance que les officines desserviront au moins 2.000 habitants ; que les premiers juges ne pouvaient donc écarter du rattachement à l'officine de l'ensemble de la population de la commune de Cauro ; que les officines de Bastelicaccia, Porticcio et Sainte Marie Sicche n'ont pas besoin de la population du canton de Bastelica pour assurer leur viabilité ; que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation sur le caractère de centre d'approvisionnement de Cauro ; que le préfet et le tribunal ont commis une erreur de droit en écartant la population de Bastelica, en raison de l'existence d'une pro pharmacie, et que le tribunal n'a même pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet avait tenu compte de l'existence de la pro pharmacie ; qu'une pro pharmacie ne rend pas les mêmes services qu'une pharmacie ; que les populations de Bastelica, Tolla et Ocana devaient être prises en considération ; que le refus d'autoriser la création d'une pharmacie par voie dérogatoire est également illégal ; que le tribunal a omis de se prononcer à l'égard de la population des communes avoisinantes ; que les premiers juges ont omis de prendre en compte la population des collectivités, l'augmentation migratoire, la population saisonnière ; que l'implantation à Cauro correspond aux besoins de la population des cinq communes ; que la difficulté d'accès par voie pédestre n'a pas de portée en l'espèce ; que l'emplacement est bien choisi pour l'accès et le stationnement ; que la décision porte atteinte au droit d'exercer sa profession ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2000, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le mémoire du requérant n'apporte pas d'éléments nouveaux, et se réfère au mémoire produit en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2000, présenté pour M. François Y, qui conclut au rejet de la requête, et, en outre, à la condamnation de M. X à verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et à supporter les dépens ;

Il soutient que la commune de Cauro comporte moins de 2.000 habitants ; qu'elle ne constitue pas un centre d'approvisionnement pour les communes de Tolla et Ocana, non plus que pour Bastelica ; que Cauro est à moins de 15 minutes d'Ajaccio, et que plus de la moitié de sa population réside près du littoral ; que la population saisonnière susceptible d'être prise en compte au titre de la procédure dérogatoire s'élève à 57 personnes ; que M. X n'est animé par d'autre souci que de réaliser une opération spéculative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 août 2000, présenté pour M. X, qui persiste dans ses conclusions et demande, en outre, à la Cour d'ordonner le retrait des passages injurieux dans les écritures de M. Y ;

Il soutient que les écritures de M. Y sont dictées par la préservation des intérêts mercantiles ; que son intérêt à agir ne paraît pas évident, son officine ayant été créée sans l'apport de la population de Cauro ; que la loi du 27 juillet 1999 n'était pas en vigueur à la date de l'arrêté contesté ; que la départementale D27 est beaucoup plus large, moins sinueuse que la départementale D3 ; qu'on ne peut tenir compte de la pro pharmacie ; que les résultats du recensement de 1999 confirment l'accroissement de la population municipale de toutes les communes concernées ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 janvier 2001, présenté pour M. Y, qui persiste dans ses conclusions ;

Il soutient, en outre, que son officine n'est pas en cause en l'espèce, mais celle de M. X ; que les riverains empruntent habituellement la D3 ; que la population d'Ocana est attirée par la plaine ; que M. Y n'a jamais été chargé d'une enquête ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 12 février 2001, présenté pour M. X, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2004 :

- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur le refus de création d'une pharmacie par voie normale :

Considérant que le jugement n'a pas répondu au moyen invoqué par M. François X dans l'instance, enregistrée au tribunal sous le n° 97-0555, relative au refus de création de pharmacie par voie normale, et tiré de ce que l'existence d'une pro pharmacie à Bastelica n'était pas de nature à faire obstacle à l'ouverture d'une pharmacie à Cauro ;qu'ainsi ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il statue sur le refus de création d'une pharmacie par voie normale ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Bastia tendant à l'annulation du refus d'autoriser une création de pharmacie par voie normale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.571 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : une création d'officine peut toutefois être accordée dans une commune dépourvue d'officine et d'une population inférieure à 2.000 habitants lorsqu'il sera justifié que cette commune constitue, pour la population des localités avoisinantes, un centre d'approvisionnement, sous réserve que l'officine à créer et les officines voisines déjà existantes puissent être assurées chacune d'un minimum de 2.000 habitants à desservir ; ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.594 du code la santé publique, dans leur rédaction alors en vigueur, que, dans son appréciation des besoins de la population pour l'application des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L.571 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'autorité administrative compétente ne peut légalement tenir compte de la circonstance qu'un médecin établi dans la commune où la création de l'officine de pharmacie est envisagée ou dans une commune avoisinante serait titulaire d'une autorisation d'exercer la pro pharmacie ;

Considérant que, pour refuser à M. X l'autorisation d'ouvrir une pharmacie au lieu-dit Barracone, sur le territoire de la commune de Cauro, le préfet de Corse-du-Sud s'est fondé sur la circonstance que cette pharmacie ne pourrait intéresser que 1.200 personnes environ, en écartant du décompte des habitants susceptibles de s'approvisionner en médicaments dans l'officine projetée, outre plus de la moitié des habitants de la commune de Cauro, au motif qu'ils résident dans la plaine et non dans le bourg de Cauro, tous ceux de la commune de Bastelica, au motif qu'ils disposent des services d'un médecin propharmacien installé dans cette commune, et les trois quarts des habitants des communes de Tolla et Ocana ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du pharmacien inspecteur régional, que l'autorisation d'exercer la pro pharmacie délivrée au médecin installé à Bastelica est invoquée pour permettre d'évaluer au quart seulement de la population, le nombre des habitants des communes de Tolla et Ocana susceptibles de s'approvisionner en médicaments dans la pharmacie projetée ;

Considérant que le motif tiré de la nécessité du maintien d'une pro pharmacie est entaché d'erreur de droit ; que le nombre des habitants ainsi écartés à tort du décompte de la population desservie par le projet d'officine est supérieur à 700 personnes ; qu'il n'est pas établi que les habitants du quartier de Pisciatello ne sont pas susceptibles de s'approvisionner en médicaments dans la pharmacie projetée dans la commune dont ils font partie ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que l'évaluation de la population intéressée effectuée par l'arrêté préfectoral attaqué est entachée d'une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les pharmacies existantes à Bastelicaccia, Porticcio et Sainte Marie Sicche sont assurées chacune d'un minimum de 2.000 habitants à desservir sans compter les 1.057 habitants de la commune de Cauro et ceux des communes limitrophes de celle-ci, Eccica-Suarella, Ocana, Tolla et Bastelica ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du nombre et de l'âge des habitants des différentes communes de la vallée du Prunelli, ainsi que de l'existence dans la commune de Cauro d'un groupe scolaire, d'un bureau de poste, d'un cabinet médical et de divers commerces, que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que l'existence d'officines de pharmacie à Bastelicaccia, Porticcio (commune de Grosseto-Prugna), et Sainte Marie Sicche, toutes situées à plus de 10 kilomètres du village de Cauro, et à plus de 30 kilomètres de Bastelica ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. François X est fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 6 juin 1997 par lequel le préfet de Corse-du-Sud lui a refusé l'autorisation d'ouverture, par voie normale, d'une pharmacie à Cauro ;

Sur le refus de création d'une pharmacie par voie dérogatoire :

Considérant qu'aux termes de l'article L.571 du code de la santé publique applicable à l'espèce : Si les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis motivé du directeur général des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels. Les besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière mentionnée à l'alinéa précédent sont appréciés au regard, notamment, de l'importance de la population concernée, des conditions d'accès aux officines les plus proches et de la population que celles-ci seraient appelées à desservir. ; que, pour l'application de ces dispositions, la référence à la population résidente doit s'entendre comme visant non seulement la population de la commune dans laquelle la création d'une officine est envisagée mais aussi la population des communes avoisinantes dépourvues d'officine ; que M. X est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, pour l'estimation de la population saisonnière, le Tribunal administratif de Bastia n'a retenu que les résidences secondaires situées sur le territoire de la seule commune de Cauro ;

Considérant qu'il est constant que la population résidente des communes de Cauro, Eccica-Suarella, Bastelica, Ocana et Tolla, et en particulier celle des localités situées dans la partie montagneuse de la vallée du Prunelli, comporte une forte proportion de personnes âgées ; que la population saisonnière ou de passage, notamment dans la partie proche du littoral de ces communes, est importante l'été ; qu'ainsi, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bastia a refusé d'annuler la décision du préfet de Corse-du-Sud refusant l'autorisation sollicitée, entachée d'une mauvaise appréciation des besoins réels de la population résidente et de la population saisonnière ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ;

Considérant qu'il y a lieu de prescrire au préfet de Corse-du-Sud de prendre, sur les demandes de M. X, dans un délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt, une nouvelle décision, mais qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette prescription de l'astreinte prévue à l'article L.911-3 du même code ;

Sur les conclusions tendant à la suppression des écrits injurieux :

Considérant que M. X demande la suppression, sur le fondement de l'article L.741-2 du code de justice administrative de passages du mémoire de M. Y ; que lesdits passages ne peuvent être regardés comme des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que par suite, les conclusions susmentionnées de M. X ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. Y, la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé en date du 30 septembre 1999 du Tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : Les arrêtés susvisés en date du 6 juin 1997 du préfet de Corse-du-Sud sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Corse-du-Sud de prendre, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une nouvelle décision sur les demandes de M. X.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. François X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à M. Y et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 février 2004, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

M. ZIMMERMANN, premier conseiller,

assistés de Mme LOMBARD, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 mars 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Franck ZIMMERMANN

Le greffier,

Signé

Marie-Claire LOMBARD

La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA00228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00228
Date de la décision : 09/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: M. ZIMMERMANN
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : SCP BORE ET XAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-03-09;00ma00228 ?
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