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26/02/2004 | FRANCE | N°99MA01162

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 26 février 2004, 99MA01162


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 juin 1999, sous le N° 99MA01162, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par Me Jean-Philippe DUBOIS, avocat ;

M. Philippe X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 9 mars 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes, auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1985, 1986, et 1987 ;

Classement CNIJ : 19 04 01 02 03

05

C

2°/ de le décharger des impositions litigieuses ;

3°/ de condamner l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 juin 1999, sous le N° 99MA01162, présentée pour M. Philippe X, demeurant ..., par Me Jean-Philippe DUBOIS, avocat ;

M. Philippe X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 9 mars 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes, auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1985, 1986, et 1987 ;

Classement CNIJ : 19 04 01 02 03 05

C

2°/ de le décharger des impositions litigieuses ;

3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 F, en application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient :

- que la procédure d'imposition est irrégulière, car elle n'a pas été contradictoire ;

- qu'il détient de très nombreuses toiles de maîtres, ainsi qu'en attestent le jugement de divorce de février 1992, ainsi que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 octobre 1993 ; qu'il établit donc que les sommes s'élevant respectivement à 1.098.707 F, et 3.197.488 F, inscrites au crédit de ses comptes, correspondent simplement à la gestion en bon père de famille de son patrimoine mobilier ;

- qu'ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le dépôt en espèces d'un montant de 660.000 F, au cours de l'année 1986, est lié à la vente d'un tableau de Vuillard ; que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la preuve du paiement de ce bien n'était pas apportée, au seul motif qu'il manquait une attestation de la galerie d'art, alors que la vente s'est produite au cours du mois de mars 1986, et qu'il se réserve d'apporter la preuve par tout moyen de sa bonne foi fiscale, et de ce que les différents dépôts de fonds effectués à cette période, résultent de cette vente ;

- que s'agissant de l'année 1987, les disponibilités qui ont été déposées, notamment la somme de 502.000 F, correspondent au produit de la vente du tableau de Vuillard, ainsi qu'à celui de la vente d'un dessin de Delacroix pour 102.000 F, en 1987 ;

- qu'il se réserve d'expliciter et de détailler ses moyens, et de produire les pièces justificatives de ces affirmations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête de M. X ;

Il soutient :

- que si le contribuable maintient que la procédure d'imposition est irrégulière, car non contradictoire, il ne présente aucun moyen à l'appui de cette affirmation ; que dès lors la requête est irrecevable en ce qu'elle concerne les impositions résultant de la procédure contradictoire, à savoir l'intégralité de l'imposition supplémentaire de l'année 1985, et la fraction d'imposition correspondant aux revenus fonciers de l'année 1987 ;

- que le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition, compte-tenu de la procédure de taxation d'office ;

- que le litige porte sur des remises en espèces recensées sur les comptes bancaires du contribuable, pour un montant de 665.000 F pour 1986, et 502.000 F pour 1987 ;

- que, s'agissant de l'année 1986, la vente d'un tableau de Vuillard en mars ne saurait justifier les remises en espèces aux mois de janvier et février précédent ; que de plus, aucune corrélation n'est établie entre la perception de ces espèces et les diverses remises effectuées entre les mois de mars et octobre pour des montants variables allant de 4.000 F à 65.000 F, et pour un total de 398.000 F ;

- qu'il est invraisemblable que la galerie Daniel Malingue ait versé en espèces le prix du tableau considéré, compte tenu des dispositions de la loi du 22 octobre 1940 ; que de plus, aucune trace d'un éventuel chèque ou virement de 650.000 F n'a été trouvée sur les comptes bancaires portés à la connaissance de l'administration ; qu'enfin, le contribuable n'a fourni aucun justificatif, provenant de la galerie, établissant la réalité de la vente pour le montant allégué, avec mention d'un paiement en espèces ; que dans ces conditions, l'origine des remises en espèces au titre de l'année 1986 n'est pas établie ;

- que s'agissant de l'année 1987, la vente d'un dessin de Delacroix, qui serait intervenue le 23 novembre 1987, ne peut justifier l'origine de remises en espèces antérieures, pour 342.000 F ; que s'agissant des 150.000 F d'apports en espèces effectués en novembre et décembre 1987, les prétentions du contribuable ne peuvent qu'être rejetées dès lors d'une part qu'il n'y a pas de corrélation entre la perception du produit de la vente, pour 102.000 F, et les deux remises en espèces des 30 novembre et 3 décembre 1987 pour des montants respectifs de 125.000 et 35.000 F, et d'autre part qu'il est peu probable que le produit de cette vente, réalisée aux enchères par l'intermédiaire d'une étude de commissaires-priseurs parisiens ait été versé en espèces ; qu'il n'est pas davantage établi qu'une partie de ces versements proviendrait de la vente de la toile de Vuillard, de l'année 1986 ;

- que la demande de frais irrépétibles devra donc, par voie de conséquence, être rejetée ;

Vu, enregistré le 11 décembre 2004, le nouveau mémoire présenté pour M. Philippe X, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et par les moyens :

- que le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu aux observations qu'il avait présentées dans son mémoire en réplique du 5 mars 1997 ;

- que le tableau de Vuillard a été vendu en espèces, parce qu'il ne l'a pas été par l'intermédiaire de la galerie chargée de le vendre mais directement ;

- que le Tribunal administratif n'a pas pris en compte l'existence d'économies antérieures ; qu'ainsi la vente du tableau a pu servir à des acquisitions de 1987 ;

- que la procédure de taxation d'office est irrégulière car elle est contraire à la jurisprudence qui censure la taxation d'un patrimoine ; que la circonstance qu'il ait déposé une forte somme en espèce ne permet pas à l'administration en l'absence de recherches plus approfondies d'estimer qu'il a pu disposer de revenus plus importants que ceux déclarés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance fixant au 15 décembre 2003 la clôture de l'instruction de l'affaire ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2004 :

- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que M. Philippe X relève régulièrement appel du jugement en date du 9 mars 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1985 à 1987, à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle pour ces années ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en relevant que l'écart entre les revenus déclarés par le contribuable et les sommes figurant sur ses comptes bancaires justifiait l'envoi de demandes de justifications, le tribunal administratif a suffisamment répondu aux moyens invoqués par M. X dans son mémoire en réplique adressé au tribunal le 5 mars 1997 ; que dans ces conditions, le moyen tiré par le contribuable de l'irrégularité du jugement attaqué sur ce point manque en fait ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que si M. Philippe X soutient que le caractère contradictoire de la procédure de redressement aurait été méconnu, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'appel d'en apprécier la pertinence ; que dans ces conditions, il ne peut qu'être rejeté ;

Considérant en second lieu qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L.16 et de l'article L.69 du livre des procédures fiscales que l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications et si le contribuable s'est abstenu de répondre à ces demandes de justifications, le taxer d'office à l'impôt sur le revenu, à raison des sommes dont il n'a pu justifier l'origine ; qu'ainsi si l'administration ne peut taxer un patrimoine au titre de revenu, elle peut, notamment, en vertu de l'article L.69 du livre des procédures fiscales taxer d'office à l'impôt sur le revenu un contribuable qui n'a pas apporté de justifications sur le financement des dépenses avérées ou sur les crédits apparus ou les remises d'espèces opérées sur des comptes courants ouverts à son nom ; qu'il résulte de l'instruction que la procédure de demande de justifications dont a fait l'objet l'intéressé sur le fondement de l'article L.16 du livre des procédures fiscales a été mise en oeuvre après qu'ait été constaté un écart de plus du double entre les sommes apparues sur les comptes bancaires ouverts à son nom, et les revenus déclarés par lui, et alors que l'examen de ses comptes faisait apparaître de nombreux et importants versements en espèces ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à l'interroger sur l'origine de ces sommes bien que son patrimoine privé comportât des toiles de maître de grande valeur héritées de sa famille ; que par suite le moyen tiré de l'absence de bien fondé du recours à la procédure organisée aux articles L.16 et L.69 doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'est seule contestée l'imposition de crédits bancaires considérés comme injustifiés par l'administration fiscale, pour des montants de 665.000 F au titre de l'année 1986, et, en dernier lieu de 502.000 F au titre de l'année 1987 ;

S'agissant de l'année 1986 :

Considérant que M. Philippe X soutient que les remises en espèces, taxées pour un montant de 665.000 F, au titre de l'année 1986, proviendraient de la vente d'un tableau d'Édouard Vuillard, le 20 mars 1986 ; que, toutefois, il ne produit à l'appui de ces affirmations qu'une attestation de l'acquéreur, soutenant avoir réglé l'acquisition en espèces ; qu'il ne produit aucun document émanant de la galerie à laquelle avait été confié le tableau, ou d'autres éléments permettant de justifier un éventuel transfert de fonds ; que de plus, et en tout état de cause, les espèces remises antérieurement, entre les mois de janvier et de mars 1986, pour un montant de 267.000 F, ne peuvent être justifiées par la vente postérieure de ce tableau ; que dans ces conditions, le contribuable n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'origine des sommes litigieuses sur ses comptes bancaires ;

S'agissant de l'année 1987 :

Considérant que pour justifier de l'origine de la somme de 502.000 F, figurant sur ses comptes bancaires au titre de l'année 1987, le contribuable soutient que les remises en espèces correspondantes proviendraient d'une part de la vente du tableau précité, et d'autre part de la vente d'un dessin de Delacroix ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la vente du tableau d'Edouard Vuillard n'est pas établie ; que la vente du dessin de Delacroix, effectuée le 23 novembre 1987, ne peut en aucun cas justifier deux remises d'espèces antérieures, pour un montant de 342.000 F ; que par ailleurs, il n'y a pas de corrélation exacte entre la vente du dessin, pour un montant de 102.000 F, et les remises en espèces des 30 novembre et 3 décembre 1987, pour des montants respectifs de 125.000 F et 35.000 F ; qu'enfin cette vente a été réalisée aux enchères, par une étude de commissaires-priseurs parisiens, lesquels sont tenus, en application de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, de régler par chèques ou par virements les paiements de sommes supérieures à 1.000 F ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments et en l'absence de tout autre élément permettant de justifier l'origine des sommes litigieuses, que le contribuable n'apporte pas davantage la preuve que pour l'année précédente de l'origine des fonds dont s'agit ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Philippe X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ; que ces dispositions s'opposent à ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à M. Philippe X la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Philippe X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 10 février 2004, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

Mme PAIX, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 26 février 2004.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

François BERNAULT Evelyne PAIX

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

7

N° 99MA01162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01162
Date de la décision : 26/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-02-26;99ma01162 ?
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