Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 juillet 2001 sous le n° 01MA01491, présentée pour la société les Travaux du Midi, dont le siège social est 111, avenue de la Jarre, à Marseille (13276), par la S.C.P. d'avocats AZE et BOZZI ;
La société les Travaux du Midi demande à la Cour :
Classement CNIJ : 39-06-01-07
C
1°/ d'annuler le jugement du 27 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à la commune de Bouc Bel Air la somme de 15.189, 29 euros et a mis à sa charge les frais d'un constat d'urgence pour un montant de 1.531, 14 euros ;
2°/ de rejeter la demande de la commune devant le tribunal et de condamner la commune de Bouc Bel Air à lui rembourser les sommes payées assorties des intérêts au taux légal à compter du paiement ;
3°/ de condamner la commune à lui payer la somme de 1.524, 49 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif a assimilé l'erreur technique origine des désordres constatés sur la toiture du bâtiment qu'elle a édifié pour le compte de la commune à une fraude ou à un dol ; que le Tribunal administratif n'a pas recherché en quoi la commune rapporterait la preuve que les malfaçons constatées constitueraient une fraude ou un dol ; qu'en l'espèce la commune de Bouc Bel Air ne rapporte pas la preuve qu'elle ait eu la volonté de réaliser le dommage et donc de lui nuire ; que les désordres relevés par l'expert sont la conséquence de défauts de fabrication des fermettes de la charpente et d'erreurs de pose ; que le bureau de contrôle n'a formulé aucune remarque sur les notes de calcul et les plans de détails qui lui ont été soumis ; qu'aucune trappe de visite n'avait été prévue par le maître d'oeuvre ; que la charpente est restée visible pendant plusieurs semaines ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 20 février 2002, présenté pour la commune de Bouc Bel Air représentée par son maire en exercice par la S.C.P. d'avocats BAFFERT - FRUCTUS ;
La commune demande à la Cour :
- d'une part, de rejeter la requête susvisée ; à cette fin elle soutient que les désordres affectant la toiture de l'école relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun dès lors que les fautes commises sont équivalentes à des fautes dolosives ou frauduleuses ; que la faute dolosive est suffisamment caractérisée dès lors qu'il est établi que les multiples désordres affectant la toiture de l'école de la Bergerie proviennent de fautes volontaires ; que la circonstance de ne pas avoir construit ni prévu de trappe permettant l'accès aux combles tend à démontrer que la société les Travaux du Midi et les maîtres d'oeuvre ont été animés par une volonté de dissimulation des désordres commis ; que l'action menée à l'insu du maître d'ouvrage ne relève pas de la simple faute contractuelle mais d'une manoeuvre frauduleuse ;
- d'autre part, par la voie du recours incident, de condamner les maîtres d'oeuvre à l'indemniser à hauteur de 30 % des dommages subis et au paiement, dans la même proportion, des frais et honoraires d'expertise ; à cette fin, elle soutient qu'ils ont commis des fautes lourdes dans leurs missions de conception et de direction des travaux ;
- enfin, de condamner la société les Travaux du Midi et les maîtres d'oeuvre à lui payer une somme de 2.286 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire enregistré au greffe le 15 mars 2002, présenté par M. Edmond X, demeurant ... ;
M. Edmond X demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient que les architectes, étant des concepteurs et non des ingénieurs, ne sont pas habilités à dresser des fiches de calcul ; que tous les plans de détails et les notes de calculs ont été soumis au bureau de contrôle qui n'a jamais formulé d'observations ;
Vu le mémoire enregistré au greffe le 20 mars 2002, présenté par M. Hubert Y, demeurant ... ;
M. Hubert Y demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient que les architectes, étant des concepteurs et non des ingénieurs, ne sont pas habilités à dresser des fiches de calcul ; que tous les plans de détails et les notes de calculs ont été soumis au bureau de contrôle qui n'a jamais formulé d'observations ;
Vu le mémoire enregistré au greffe le 22 mars 2002, présenté par M. Robert Z, demeurant ... ;
M. Robert Z demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient que les architectes, étant des concepteurs et non des ingénieurs, ne sont pas habilités à dresser des fiches de calcul ; que tous les plans de détails et les notes de calculs ont été soumis au bureau de contrôle qui n'a jamais formulé d'observations ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 25 juillet 2003, présenté pour la société les Travaux du Midi ; celle-ci conclut aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ; elle demande en outre la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2003 :
- le rapport de M. FIRMIN, premier conseiller ;
- les observations de Me GERSON-SAVARESSE pour la société des Travaux du Midi et de Me BESSET pour la commune de Bouc Bel Air ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Considérant qu'après appel d'offres ouvert, le conseil municipal de la commune de Bouc Bel Air décidait, par délibération du 26 février 1982, de confier la réalisation du groupe scolaire « La Bergerie » à l'entreprise générale société les Travaux du Midi, le cabinet d'architectes Y - X - Z étant chargé de la maîtrise d'oeuvre de ladite opération ; que la réception de l'ouvrage était prononcée le 3 septembre 1982 ; qu'au mois de juillet 1993, soit plus de dix ans après sa réception définitive, la toiture du bâtiment a été affectée d'importants désordres nécessitant son étaiement en vue de prévenir son effondrement ; que la commune de Bouc Bel Air ayant obtenu la condamnation par le Tribunal administratif de Marseille de la société les Travaux du Midi à réparer 70 % des conséquences dommageables des désordres ci avant décrits, cette dernière fait appel dudit jugement ;
Sur le recours principal :
Considérant que l'expiration du délai de l'action en garantie décennale dont le maître de l'ouvrage dispose sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu'ils peuvent encourir, en cas de fraude ou de dol, dans l'exécution de leur contrat et qui n'est soumise qu'à la prescription trentenaire édictée par l'article 2262 du code civil ; que le recours à un sous-traitant ne pouvant avoir pour effet de limiter la responsabilité de l'entrepreneur vis-à-vis du maître de l'ouvrage, la circonstance que les agissements constitutifs de fraude ou de dol seraient imputables à son sous-traitant est sans influence sur la situation de l'entrepreneur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise dressé le 27 octobre 1993 dans le cadre du constat d'urgence ordonné par le conseiller délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille, que si les désordres qui sont apparus en juillet 1993 dans la toiture du bâtiment de l'école « La Bergerie », et qui rendaient l'immeuble en cause dangereux, cette toiture menaçant de s'écrouler, sont imputables, dans une certaine mesure, à une conception erronée de la charpente, ils sont dus, essentiellement, à une mise en oeuvre à l'évidence défectueuse du projet consistant en de faux aplombs apparents des fermettes, une insuffisance manifeste des dispositifs de contreventement et un écartement exagéré des liteaux manifestement contraire aux stipulations du marché comme aux règles de l'art, ainsi qu'à de nombreuses négligences, visibles pour tout professionnel, commises dans l'exécution des travaux ; que la société les Travaux du Midi ou son sous-traitant ne pouvait ignorer les conséquences prévisibles de ces manquements volontaires et répétés aux prescriptions du marché et aux règles de l'art ; que, dans ces circonstances, ces agissements ont constitué, de la part de l'entreprise, une faute qui, par sa nature et sa gravité, est assimilable à une fraude ou à un dol ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société les Travaux du Midi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamnée à réparer les conséquences dommageables des désordres constatés dans la toiture du groupe scolaire « La Bergerie » ;
Sur le recours incident :
Considérant que s'il entrait dans la mission du cabinet d'architectes Y - X - Z, chargé de la maîtrise d'oeuvre, d'assurer la surveillance des travaux, les manquements à cette mission de contrôle et de surveillance, s'ils sont établis, ne s'apparentent toutefois pas, dans les circonstances de l'espèce, à des fautes volontairement commises, et ne sont par suite, pas susceptibles d'être invoqués au titre de la responsabilité trentenaire ; qu'il suit de là que les conclusions incidentes de la commune de Bouc Bel Air tendant à ce que soit mise à la charge de la maîtrise d'oeuvre 30 % du montant du préjudice subi doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code précité la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions susmentionnées de la société les Travaux du Midi doivent dès lors être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Bouc Bel Air et de condamner la société les Travaux du Midi à lui payer à ce titre une somme de 1.000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la société les Travaux du Midi et l'appel incident de la commune de Bouc Bel Air sont rejetés.
Article 2 : La société les Travaux du Midi versera à la commune de Bouc Bel Air la somme de 1.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société les Travaux du Midi, à la commune de Bouc Bel Air, à M. Edmond X, à M. Hubert Y, à M. Robert Z et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Délibéré à l'issue de l'audience du 18 décembre 2003, où siégeaient :
M. BERNAULT, président de chambre,
M. DUCHON-DORIS, président assesseur,
M. FIRMIN, premier conseiller,
assistés de Mme GIORDANO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 janvier 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
François BERNAULT Jean-Pierre FIRMIN
Le greffier,
Signé
Danièle GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 01MA01491