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24/11/2003 | FRANCE | N°99MA01457

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 24 novembre 2003, 99MA01457


Vu la requête et les mémoires ampliatifs, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 juillet 1999, le 4 novembre 1999, le 21 septembre 2000 et le

15 juin 2001, sous le n° 99MA01457, présentés pour M. et Mme X, demeurant ...), par Me KLENIEC, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 96-4570 en date du 18 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a refusé de faire droit à leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 1.500.000 F en réparation du dommage

causé à leur propriété par l'incendie survenu le 28 août 1989 ;

Classement CNI...

Vu la requête et les mémoires ampliatifs, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 juillet 1999, le 4 novembre 1999, le 21 septembre 2000 et le

15 juin 2001, sous le n° 99MA01457, présentés pour M. et Mme X, demeurant ...), par Me KLENIEC, avocat ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 96-4570 en date du 18 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a refusé de faire droit à leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 1.500.000 F en réparation du dommage causé à leur propriété par l'incendie survenu le 28 août 1989 ;

Classement CNIJ : 67-02-03-01

C

2°/ de condamner l'Etat à lui payer la somme susdite ;

Ils soutiennent que l'Etat est responsable du fait des personnes procédant à des travaux publics pour son compte ; que ce sont bien les travaux forestiers accomplis pour son compte par la société Forêt Plus qui ont causé l'incendie ; que l'Etat est aussi responsable pour avoir dérogatoirement autorisé les travaux forestiers en cause ; que cette dérogation a été accordée dans des conditions irrégulières ; qu'une plainte a d'ailleurs été déposée devant le juge pénal sur la nature de ces irrégularités ; que le préjudice s'élève à une somme de 1.500.000 F représentant les dommages à la propriété des requérants et les dommages corporels subis par l'un deux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires enregistrés le 9 et le 13 août 2001 présentés par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le lien de causalité entre les travaux publics en cause et le sinistre n'est pas établi nonobstant les commentaires de l'expert à propos du jugement attaqué ; que la dérogation accordée à l'arrêté préfectoral du 26 juin 1989 pour autoriser les travaux en litige ne constituait pas une faute ; que la juridiction administrative est bien compétente les travaux en cause étant des travaux publics ; qu'enfin le régime de responsabilité propre aux travaux publics étant prévalant l'invocation d'une faute par le requérant est inutile ;

Vu les mémoires enregistrés le 17 septembre 2001 et le 12 septembre 2002 pour

M. et Mme X ; ils concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 13 septembre 2002, présenté par le ministre de l'agriculture : il conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense ;

Vu les mémoires enregistrés les 17 et 23 septembre 2002 et le 11 avril 2003 présentés pour M. et Mme X ; ils concluent aux mêmes fins que la requête ;

Vu le mémoire enregistré le 3 juin 2003 présenté pour la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône dont le siège est 56 chemin S. Aiguier à Marseille cedex 9 (13297) représentée par son directeur, par Y, avocat ; la caisse conclut à l'allocation de 8.402,07 euros en remboursement de prestations versées à M. X et à l'allocation de 762,25 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative entré en vigueur le

1er janvier 2001 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2003 :

- le rapport de M. DUBOIS, premier conseiller ;

- les observations de M. X ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Sur la responsabilité :

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 28 août 1989 un incendie qui s'était déclaré sur le territoire de la commune de Saint Marc Jaumegarde a causé des dommages à un certain nombre de propriétés, au nombre desquelles celle de M. et Mme X ; que, pour en demander réparation, les requérants soutiennent que ce sinistre avait pour cause des travaux d'élagage et de débroussaillage de la forêt effectués par la société Forêt Plus ; que ces travaux, accomplis, dans le cadre d'une mission de service public prévue, notamment par le règlement communautaire n° 269/79 relatif à l'action commune forestière dans certaines zones méditerranéennes, étaient poursuivis suite à une convention passée entre l'association syndicale libre de la Vallée de Vauvenargues, propriétaire du terrain où ils devaient avoir lieu, la société de Canal de Provence et d'Aménagement de la Région Provençale, et l'Etat ; que la maîtrise d'ouvrage avait été déléguée à la société du Canal de Provence et d'Aménagement de la Région provençale et la maîtrise d'oeuvre à l'Etat qui intervenait par le biais des services de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt ; que, dans ces conditions, ces travaux confiés à la société Forêt Plus suite à un marché passé entre elle et le maître de l'ouvrage délégué, avaient contrairement à ce qu'affirme le ministre défendeur, le caractère de travaux publics ; qu'ainsi la juridiction administrative est bien compétente pour statuer sur le litige ; que, par ailleurs, les victimes, qui, n'étant pas directement intéressées par les travaux en cause, ont la qualité de tiers, ont seulement la charge de démontrer l'existence d'un préjudice et l'imputabilité aux travaux dont s'agit des dommages dont il est demandé réparation ;

Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant que le foyer de l'incendie a pris naissance à 11h45, le 28 août 1989, à proximité immédiate de l'endroit où travaillaient les ouvriers de la société Forêt Plus ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, produit dans l'instance pénale, et qui constitue un élément d'information pour le juge administratif au même titre que les autres éléments du dossier, et notamment les déclarations des employés de la société Forêt Plus, que le terrain où évoluaient les ouvriers était couvert essentiellement de pins d'Alep, le sous-étage très dense comprenant chênes kermès, cades, genévriers et genêts épineux, et le sol étant couvert d'aiguilles desséchées et de lichens, tous éléments très inflammables ; que, d'autre part, l'état de sécheresse du terrain était extrême, la réserve en eau étant quantifiée à 6 mm/150, ce qui constituait le seuil le plus bas atteint depuis dix ans ; que le mistral soufflant ce jour-là était important ; qu'enfin, les ouvriers de la société Forêt Plus évoluaient avec 6 tronçonneuses, matériel dont il est reconnu par l'expert, qu'il dégage une chaleur importante, et est susceptible de provoquer, dans certaines circonstances, des étincelles par suite des chocs produits avec des pierres, ou de particules incandescentes pouvant s'échapper des engins ; que, dès lors, la localisation du foyer d'incendie, situé immédiatement derrière les ouvriers, la concomitance entre le départ du sinistre et le travail effectué par la société Forêt Plus et le déroulement des faits, permettent de regarder comme établi le lien de causalité entre l'activité de la société et le sinistre ; que la circonstance que les poursuites pénales engagées à la suite de l'incendie aient débouché sur un non-lieu, la cause de l'incendie demeurant inconnue, n'est pas opposable au juge des travaux publics statuant sur la responsabilité administrative ; qu'il en résulte que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a décidé par le jugement attaqué, que le lien de causalité entre le départ de l'incendie et les travaux menés par la société Forêt Plus n'était pas établi et a pour ce motif rejeté sa requête ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par les parties, ainsi que les conclusions d'appel en garantie présentées tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que les conséquences dommageables des travaux publics dont il s'agit engageaient bien la responsabilité de l'Etat, dès lors qu'il intervenait en qualité, de maître d'oeuvre, et que l'incendie est imputable à un fait commun à celui-ci et à l'entrepreneur ; que, s'agissant d'une responsabilité sans faute, la circonstance que l'arrêté préfectoral autorisant, par dérogation, les travaux en cause ne serait pas illégal ou que la faute d'un autre co-auteur aurait déterminé le sinistre ne saurait être utilement opposée par l'un ou l'autre des co-auteurs aux victimes ; que l'Etat ne saurait davantage opposer à celles-ci les dispositions de l'arrêté préfectoral autorisant les travaux qui étaient relatives aux obligations et aux responsabilités du bénéficiaire de la dérogation ; que dès lors, il y a lieu de condamner l'Etat à réparer les dommages causés au requérant par ledit incendie ;

Sur les préjudices :

Sur le préjudice corporel :

Considérant que si M. X fait état d'une blessure à l'épaule survenue à la suite d'un choc, il n'apporte aucune précision sur les circonstances exactes de cet accident ; que, par suite, il n'établit en aucune manière l'existence d'un lien de causalité entre ce préjudice et l'incendie en cause survenu d'ailleurs trois ans avant ; que dès lors ses conclusions en ce sens ainsi que celles de la caisse de sécurité sociale doivent être écartées ;

Sur l'étendue du préjudice matériel :

Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant du préjudice subi par la propriété de M. et Mme X du fait de l'incendie en cause ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur leur demande d'indemnité, d'ordonner une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la propriété de M. et Mme X ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est déclaré responsable du préjudice subi par M. et Mme X du fait des dommages causés à leur propriété de Puyloubier par l'incendie qui s'est déclaré le 28 août 1989 sur le territoire de la commune de Saint Marc Jaumegarde.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme X tendant à l'indemnisation d'un préjudice corporel sont rejetées.

Article 3 : Le jugement n° 95-4146 en date du 16 février 199 du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. et Mme X concernant leur préjudice matériel, procédé, par un expert désigné par le président de la Cour, à une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la propriété de M. et Mme X à la suite de l'incendie qui a eu lieu le 28 août 1989. L'expert se rendra sur les lieux et se fera remettre tout document de nature à justifier de l'existence et du montant du préjudice subi. Il donnera son avis sur ces points.

Article 5 : L'expert prêtera serment par écrit. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour dans le délai de six mois suivant la prestation de serment.

Article 6 : Les frais d'expertise et les conclusions relatives aux frais irrépétibles sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à l'Etat (ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales), à la commune de Saint Marc Jaumegarde et à l'expert.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 juin 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

M. DUBOIS, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 24 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé signé

François BERNAULT Jean DUBOIS

Le greffier,

signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA01457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01457
Date de la décision : 24/11/2003
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit - expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. DUBOIS
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : KLENIEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-24;99ma01457 ?
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