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18/11/2003 | FRANCE | N°00MA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 18 novembre 2003, 00MA00385


Vu la requête, enregistrée en télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 février 2000, confirmée par l'original le 25 février 2000, sous le n°00MA00276, présentée pour la SA JEAN SPADA, dont le siège social est 22, avenue Denis Séméria à Nice (06359), par Me DEUR, avocat ;

Classement CNIJ : 335-06-02-02

C

La SA JEAN SPADA demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 19 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'opposition à l'ordre de recette en date du 7 mars 1995, conf

irmé sur recours gracieux par la décision du 9 mai 1995, d'un montant de 30.860 F (4.704,...

Vu la requête, enregistrée en télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 février 2000, confirmée par l'original le 25 février 2000, sous le n°00MA00276, présentée pour la SA JEAN SPADA, dont le siège social est 22, avenue Denis Séméria à Nice (06359), par Me DEUR, avocat ;

Classement CNIJ : 335-06-02-02

C

La SA JEAN SPADA demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 19 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'opposition à l'ordre de recette en date du 7 mars 1995, confirmé sur recours gracieux par la décision du 9 mai 1995, d'un montant de 30.860 F (4.704,58 euros), émis à son encontre par l'Office des migrations internationales et l'a condamné à verser à l'Office des migrations internationales une somme de 20.000 F (3.048,98 euros) au titre d'une amende pour recours abusif ;

2°/ d'annuler l'ordre de recette en date du 7 mars 1995, confirmé sur recours gracieux par la décision du 31 mai 1995, émis à son encontre par l'Office des migrations internationales ;

3°/ de condamner l'Office des migrations internationales au remboursement du droit de timbre ;

Elle soutient que l'Office des migrations internationales a commis une erreur de fait en estimant que les deux étrangers en situation irrégulière, ayant donné lieu à la contribution spéciale contestée, sur le chantier de l'hôtel du Louvre à Nice étaient ses employés, alors qu'ils étaient ceux d'un sous-traitant l'entreprise X ;

que dès lors l'Office des migrations internationales a commis une erreur de droit en établissant l'ordre de recette à son encontre alors qu'en vertu des dispositions de l'article L.341-7 du code du travail, la contribution spéciale n'est instaurée qu'à l'encontre du seul employeur ;

que les actes attaqués méconnaissent l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors que les articles L.341-7 et R.341-35 dudit code entraînent automatiquement le paiement de la contribution spéciale sans tenir compte à la gravité du comportement de l'employeur ;

que la seule circonstance que les faits qui lui sont reprochés, aient été sanctionnés par le juge répressif, ne peut justifier l'amende pour recours abusif qui lui a été infligée par le jugement attaqué ; que sa demande devant le tribunal administratif ne peut être regardée comme présentant ce caractère ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 15 juin 2000 présenté pour l'Office des migrations internationales dont le siège est 44, rue Bargue à Paris (75732), représenté par son directeur, par Me SHEGIN, avocat ;

L'Office des migrations internationales demande à la Cour :

1°/ de rejeter la requête ;

2°/ de condamner la SA Jean SPADA à lui verser la somme de 15.000 F (2.286,74 euros) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que la SA Jean SPADA était bien l'employeur des salariés étrangers en situation irrégulière ayant donné lieu à la contribution spéciale contestée ; qu'eu égard aux éléments du dossier, M. X ne peut être regardé comme un véritable sous-traitant de la SA Jean SPADA ; que celle-ci a fourni aux deux étrangers, démunis de toute autorisation pour exercer une activité salariée en France, l'intégralité du matériel et a assuré leur encadrement sur le chantier ;

que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas méconnu dès lors que les dispositions applicables respectent le principe de proportionnalité en prescrivant la variation du montant de la contribution spéciale en fonction du nombre de travailleurs employés illégalement et en fonction des circonstances propres à chaque infraction ;

que l'amende pour recours abusif était justifiée eu égard au but dilatoire du recours alors que le juge pénal de première instance et d'appel avait condamné la SA Jean SPADA en constatant les faits et que le pourvoi en cassation a été rejeté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2003 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur le bien fondé de l'ordre de recette :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.341-6 du code du travail : Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ... ; qu'aux termes de l'article L.341-7 du même code : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L.341-6, premier alinéa, sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'Office des migrations internationales. ... ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la SA Jean SPADA ne serait pas l'employeur des étrangers démunis de titre pour exercer une activité salariée en France :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un contrôle effectué le 20 décembre 1989 par les services de l'inspection du travail a permis d'établir l'emploi sur le chantier de l'hôtel du Louvre à Nice dont le titulaire du marché était la SA Jean SPADA, de deux ressortissants marocains, démunis de tout titre les autorisant à exercer une activité salariée en France qui étaient occupés à des travaux de ragréage ; que ces employés étaient encadrés par la maîtrise de la SA Jean SPADA qui leur fournissait les matériaux nécessaires à leurs travaux ; que dans ces conditions la SA Jean SPADA, et alors qu'elle n'établit pas par les seuls documents produits signés tardivement avec M. X, la veille du contrôle ou postérieurement à celui-ci, qu'aurait existé un véritable contrat de sous-traitance entre elle et M. X, doit être regardée comme l'employeur de deux travailleurs étrangers dont s'agit ; qu'il s'ensuit que l'Office des migrations internationales a pu, sans erreur de fait ou de droit, établir l'ordre de recette litigieux à l'encontre de la SA Jean SPADA en application des dispositions précitées de l'article L.341-7 du code du travail ;

En ce qui concerne le moyen fondé sur l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et tiré de l'absence de proportionnalité de la sanction prononcée au regard de la gravité des infractions commises :

Considérant qu'aux termes de l'article R.341-35 le montant de la contribution spéciale due pour chaque étranger employé en infraction est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L.141-8. Lorsque l'emploi de l'étranger n'a pas donné lieu à la constatation d'une infraction autre que l'infraction au premier alinéa de l'article L.341-6, le directeur de l'Office des migrations internationales peut (...) réduire ce montant à cinq cents fois le taux horaire du minimum garanti (...) Le montant de la contribution spéciale peut être porté à deux mille fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une infraction au premier alinéa de l'article L.341-6 aura donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction ;

Considérant que ces dispositions prévoient, pour fixer le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L.341-7 du code du travail, des taux différents qui peuvent varier de 500 fois à 2000 fois le taux horaire du minimum garanti selon les circonstances de l'infraction et le comportement de l'employeur en cause ; que dans ces conditions et alors que le respect des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'implique pas que l'autorité administrative ou le juge puisse moduler l'application du barème résultant des dispositions précitées, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées méconnaîtraient le principe de proportionnalité des sanctions à la gravité du comportement qu'implique l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Jean SPADA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de recette dont s'agit ainsi que de la décision le confirmant sur recours gracieux ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant qu'aux termes de l'article R.741-12 du code de justice administrative, qui a repris les dispositions de l'article R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende qui ne peut excéder 3.000 euros. ; qu'en l'espèce, la seule circonstance que le juge pénal ait constaté les faits relatifs à l'infraction ayant fondé la contribution spéciale mise à la charge de la SA Jean SPADA par l'ordre de recette litigieux et alors notamment que cette dernière présentait devant le tribunal administratif des moyens tirés de la prescription et de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et ne se limitait pas à la seule contestation de ces faits, ne conférait pas à la demande de la SA Jean SPADA une caractère abusif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Jean SPADA est fondée à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SA Jean SPADA tendant au remboursement du droit de timbre, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, non plus, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions susmentionnées de l'Office des migrations internationales ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a infligé une amende pour recours abusif à la SA Jean SPADA.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Jean SPADA est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Office des migrations internationales tendant à la condamnation de la SA Jean SPADA sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Jean SPADA, à l'Office des migrations internationales et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Délibéré à l'issue de l'audience du 4 novembre 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mlle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 18 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 00MA00385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00385
Date de la décision : 18/11/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : SCP ESCOFFIER-WENZINGER-DEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-18;00ma00385 ?
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