Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 22 août 2003 sous le n°03MA01717, présentée pour la Société d'aménagement du Cheiron, représentée par son président directeur général en exercice, domicilié ès qualités au siège sis ... au Tignet (06530), par Me Christian X..., avocat ;
La société d'aménagement du Cheiron demande à la Cour :
1°/ d'annuler l'ordonnance en date du 20 juillet 2003 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice l'a condamnée à payer à la commune de Gréolières, d'une part une provision d'un montant de 100.000 euros, d'autre part une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
2°/ de rejeter la demande de provision présentée par la commune de Gréolières ;
Classement CNIJ : 54-03-011-04
D
3° /De condamner ladite commune à lui payer une somme de 5.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elle soutient :
- que l'ordonnance attaquée est irrégulière comme prise en méconnaissance des dispositions de l'article R.541-1 du code de justice administrative imposant la communication de la requête au défendeur et comme ayant porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;
- qu'en outre, la requête en référé de première instance, introduite en violation des stipulations de la convention du 30 septembre 1991 instituant une tentative de conciliation préalable à tout recours contentieux, est irrecevable ;
- que, d'autre part, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice n'a pu faire droit à la demande de provision sans trancher une question de droit ;
- que la créance alléguée par la commune de Gréolières est sérieusement contestable dès lors qu'aucune des fautes invoquées n'est établie et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre lesdites fautes et un éventuel préjudice ;
- qu'en effet, aucun manquement à des obligations contractuelles d'installation, de construction, d'entretien et d'exploitation ne peut être reproché à son encontre ;
- qu'elle n'avait d'ailleurs pas à financer des travaux de mise en conformité d'installations qui devaient être confiées à un syndicat mixte ;
- que le service public dont elle avait la charge n'a jamais été interrompu malgré les difficultés rencontrées, qui, en toute hypothèse, ne sont pas fautives ;
- que le préjudice allégué par la commune n'est pas établi ;
- que le non paiement de la facture d'eau correspondant à la consommation du 3 avril 2001 au 3 avril 2002 n'est que la conséquence de la décision de résiliation ;
- que c'est à la commune d'assumer les dépenses engagées postérieurement à la déchéance de la concession ;
- que l'absence de remise en état du télésiège du Cheiron n'est que la conséquence de l'inertie de la commune à satisfaire ses obligations d'imprévision ;
- qu'il n'a pas été porté atteinte à l'image de la station ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 septembre 2003, le mémoire complémentaire présenté par la société d'aménagement du Cheiron qui conclut aux mêmes fins que sa requête introductive d'appel ;
Elle soutient :
- que c'est en raison de l'indication, par la commune requérante, d'une adresse erronée de son siège social que ni la requête de première instance ni l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal administratif de Nice n'ont pu lui être notifiées par voie postale ; que cette circonstance influe non seulement sur le caractère contradictoire de la procédure mais aussi sur le déclenchement du délai d'appel qui n'a pu courir qu'à partir du 14 avril 2003, date à laquelle l'ordonnance attaquée lui a été signifiée par voie d'huissier ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré au greffe le 2 octobre 2003, le mémoire en défense et appel incident présenté pour la commune de Gréolières par la S.C.P. LEFORT-LANCELLE-CAMPOLO, avocats, la commune conclut au rejet de l'appel et à la condamnation de la société requérante, d'une part à lui payer la somme de 1.151.000 euros à titre de provision et la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, d'autre part à lui rembourser les frais de plaidoirie ;
Elle soutient :
- qu'elle entend se prévaloir devant la Cour des conclusions et moyens développés devant le juge des référés de première instance ;
- que la recevabilité d'une demande de référé provision n'étant plus subordonnée au dépôt préalable d'une requête au fond, la circonstance que ladite requête serait irrégulière est sans effet sur la recevabilité de la demande en référé ;
- que, de surcroît, la convention du 30 septembre 1991 n'est pas applicable en matière de référé provision ;
- que la créance alléguée est non sérieusement contestable dès lors qu'elle trouve son fondement dans le non respect, par la société d'aménagement du Cheiron, de ses obligations contractuelles ;
- que les manquements de ladite société aux obligations précitées lui ouvrent droit à l'indemnisation des préjudices causés par des carences qui sont caractérisées, parfois délibérées, et, en toute hypothèse, attestées par les pièces du dossier tant en ce qui concerne les obligations d'installation, de construction et d'entretien que celles relatives au fonctionnement du service public ; que les prétendues fautes invoquées par la société d'aménagement du Cheiron à son encontre reposent sur des faits étrangers à l'exécution du contrat, que l'état d'imprévision n'est pas, en l'espèce, établi, qu'en outre, l'inexécution par le concessionnaire de ses obligations contractuelles est de nature à le priver de tout droit à une indemnité d'imprévision ;
- que les préjudices matériels, tant actuels que futurs, causés par l'obligation de mettre fin au contrat de concession, et moraux, résultant de l'atteinte portée à l'image de marque de la station, sont fondés et doivent être réparés ;
- Vu les autres pièces du dossier ;
- Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 3 mars 2003, par laquelle le Conseiller d'Etat, président de la Cour administrative d'appel de Marseille, a désigné M. François BERNAULT, président de la 4eme chambre, pour statuer sur les appels introduits devant la Cour contre les ordonnances de référé rendues par les tribunaux administratifs du ressort, dans les matières relevant de la compétence de la 4eme chambre ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ; que l'article L. 555-1 du même code dispose que Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés ; que, selon l'article R. 541-1 de ce même code remplaçant l'article R. 129 de l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Le juge des référés peut, même en l'absence d'un demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le juge des référés statue dans les meilleurs délais, même lorsqu'il n'est pas encore saisi d'une demande au fond, par des décisions à caractère provisoire qui ne sauraient préjuger le bien fondé de la demande principale qui est ou sera par ailleurs soumise au juge du fond statuant en formation collégiale ; que, dès lors, il lui appartient seulement, afin de se conformer aux finalités et aux impératifs de cette procédure d'urgence, de rechercher, si en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable, sans avoir à se prononcer sur des moyens, qui, en réalité, se rapporteraient au bien fondé de cette obligation et tendraient, soit à la faire reconnaître, soit à la faire écarter ;qu'il n'appartient pas d'avantage au juge d'appel des décisions du juge des référés du tribunal administratif, de se prononcer sur le principe même de l'obligation du débiteur de la provision comme il le ferait s'il était saisi d'une demande principale, mais seulement d'apprécier, en fonction des éléments dont il dispose à ce stade de la procédure, si cette obligation est sérieusement contestable au sens dudit article R. 541-1, après avoir, le cas échéant, recherché si les moyens quant au fond du droit et notamment quant au bien fondé de cette obligation sont propres à créer un doute sérieux pouvant exercer une influence décisive sur l'appréciation du caractère non sérieusement contestable de l'obligation du débiteur de ladite provision ;
Sur l'appel principal :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que pour faire partiellement droit à la demande de provision de la commune de Gréolières, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a pris acte, d'une part, de ce que les difficultés financières de la société d'aménagement du Cheiron auraient mis ladite société hors d'état de satisfaire à certaines de ses obligations issues du contrat de concession qu'elle a conclu le 30 mai 1986 avec la commune précitée, d'autre part, de ce que de telles circonstances, qui auraient entraîné la déchéance du contrat, seraient préjudiciables à la commune, tant en raison des dépenses engagées en vue d'assurer la continuation du service en régie que du fait de l'obligation mise à sa charge d'assurer le rachat des matériels ; qu'en déduisant ainsi de l'existence de manquements contractuels ayant entraîné un préjudice devant donner lieu à réparation le caractère non sérieusement contestable de l'obligation d'indemniser incombant à la société d'aménagement du Cheiron, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Nice a tranché une question de responsabilité dont il appartient au seul juge du contrat de connaître et a, par suite, excédé la compétence du juge des référés ;
Considérant que le caractère non sérieusement contestable de la créance alléguée par la commune de Gréolières n'ayant pu être déterminé dans les conditions qui précèdent, la société d'aménagement du Cheiron est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à ladite commune la provision précitée ; qu'il suit de là que ladite ordonnance doit être annulée ;
Sur les conclusions incidentes de la commune de Gréolières :
Considérant que, pour demander la majoration de la somme que le juge des référés du tribunal administratif lui a accordé à titre de provision, la commune de Gréolières fait valoir des fautes qu'aurait commises la société d'aménagement du Cheiron dans l'exécution du contrat qui la liait à la commune ; que l'existence de telles fautes, notamment en ce qui concerne l'entretien des matériels de remontées mécaniques, qui sont niées par la société d'aménagement du Cheiron, ne ressort pas manifestement, en l'état, des pièces du dossier, non plus que leur gravité et l'étendue de leurs conséquences ; qu'il suit de là que lesdites conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de Gréolières à verser à la société d'aménagement du Cheiron la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu non plus de faire droit aux conclusions incidentes présentées à cette même fin par la commune de Gréolières ;
Sur les droits de plaidoirie :
Considérant que ladite ordonnance étant rendue sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à une audience, les conclusions de la commune de Gréolières tendant au remboursement des frais de plaidoirie sont sans objet ;
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance en date du 30 juillet 2003 du juge des référés du Tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par la commune de Gréolières sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société d'aménagement du Cheiron tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Gréolières et à la société d'aménagement du Cheiron.
Copie en sera adressée au trésorier-payeur général des Alpes maritimes en application de l'article R. 751-12 du code de justice administrative.
Fait à Marseille, le 9 octobre 2003
Le Président de la 4ème chambre
Signé
François BERNAULT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l°exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N°03MA01717 6