La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2003 | FRANCE | N°98MA00032

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 30 septembre 2003, 98MA00032


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 janvier 1998 sous le n°98MA00032, présentée pour Mme Evelyne X demeurant ..., par Me COHEN-SEAT, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 21 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 juin 1994 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé, sur recours hiérarchique de son employeur la société MMS International, son

licenciement ;

Classement CNIJ : 66-07-01

C

2°/ d'annuler la décisio...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 janvier 1998 sous le n°98MA00032, présentée pour Mme Evelyne X demeurant ..., par Me COHEN-SEAT, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 21 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 juin 1994 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé, sur recours hiérarchique de son employeur la société MMS International, son licenciement ;

Classement CNIJ : 66-07-01

C

2°/ d'annuler la décision en date du 3 juin 1994 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé, sur recours hiérarchique de son employeur la société MMS International, son licenciement ;

3°/ de condamner solidairement et conjointement l'Etat et la société MMS International à lui verser la somme de 20 000 F (vingt mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :

- que contrairement aux motifs du jugement attaqué, la procédure suivie par son employeur a été irrégulière eu égard à l'obligation de l'entretien préalable ;

- qu'on ne saurait lui faire grief de ne pas s'être rendue aux deux premières convocations à un entretien préalable que lui a adressées son employeur dès lors que pour le premier elle était hospitalisée, après les violences que lui a infligées M. Y le directeur général de la société MMS International le 20 août 1993 et que pour le deuxième elle était encore en arrêt pour accident de travail sans autorisation de sortie ;

- que par lettre du 13 septembre 1993 l'inspecteur du travail indiquait qu'il prolongeait les délais de réponse et qu'il mènerait l'enquête contradictoire au retour de congé pour accident du travail de Mme X après entretien préalable effectif avec l'intéressée et nouvelle consultation du comité d'entreprise devant lequel celle-ci pourrait assurer sa défense ;

- que la société MMS International a adressé à l'exposante une convocation le 24 septembre 1993 pour un entretien préalable de licenciement fixé le 30 septembre 1993 ;

- qu'elle a indiqué à son employeur par un courrier du 26 septembre 1993 qu'elle était en arrêt pour accident du travail prolongé jusqu'au 12 octobre 1993 ;

- qu'en ne se rendant pas à cet entretien préalable, alors qu'elle était encore en congé pour accident de travail, elle n'a fait qu'appliquer l'indication de l'inspecteur du travail selon laquelle il convenait d'attendre le retour de la salariée de son congé accident du travail avant de procéder à l'enquête contradictoire, celui-ci lui ayant confirmé avoir stoppé toute procédure jusqu'à sa reprise du travail ;

- que, contrairement aux motifs du jugement les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- qu'en effet pour retenir la validité de la décision du ministre du travail sur le fond, la décision du ministre autorisant son licenciement et le jugement attaqué se sont fondés exclusivement sur le fait que la validité du procès-verbal du comité d'entreprise du 20 août 1993 ne peut être remise en cause par l'exposante dès lors qu'elle n'a pas déposé plainte pénale en inscription pour faux contre ce document ;

- que d'une part cela manque en fait puisque la plainte qu'elle a déposée contre M. Y auprès du parquet du Tribunal de grande instance de Grasse porte à la fois sur les violences volontaires dont elle a été victime le 20 août 1993 de la part de celui-ci mais aussi sur faux et usage de faux et d'autre part, aucune foi ne peut être faite à un procès-verbal qui a été rédigé par le seul employeur alors qu'il est notoire et établi par les éléments qu'elle a produit et des éléments et pièces relevées par l'inspecteur du travail et le directeur régional du travail que l'administration a été saisie à différentes reprises pour intervenir dans l'entreprise par l'ensemble de membres du comité d'entreprise pour obtenir que les procès-verbaux desdits comités ne soient pas modifiés par l'employeur à son gré ;

- qu'il y a lieu de prendre en considération le climat de l'entreprise tenant à un employeur autoritaire ayant à l'occasion un comportement violent pour apprécier la validité des signatures des deux autres membres du comité d'entreprise ayant contresigné ce procès-verbal, ce qui d'ailleurs indique qu'il a été rédigé par le seul employeur ;

- qu'en ce qui concerne la discrimination, il a été relevé par le directeur du travail que les conditions dans lesquelles l'employeur a contraint l'exposante à exercer son mandat révèlent son comportement provocateur ;

- qu'en ce qui concerne l'intérêt général, le même directeur du travail retient qu'en réalité, la structure de représentation du personnel est assurée effectivement par la seule exposante, en tout cas avec une étiquette syndicale et relève les tentatives infructueuses d'implantation de la CFDT et que le fait syndical a été plusieurs fois remis en cause par l'employeur ;

- que le rapport et l'avis du directeur régional du travail transmis au ministre est entaché de contradictions avec les faits dénoncés par l'inspecteur du travail et le directeur départemental du travail sur le contexte conflictuel de l'entreprise et la réalité des faits dont il est fait grief à l'exposante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 3 août 1998 présenté pour la société MMS International, par Me GASTALDI, avocat ;

La société MMS International demande à la Cour :

1°/ de rejeter la requête ;

2°/ de condamner Mme X à lui verser la somme de 10 000 F (dix mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :

- qu'aucun texte ne lui imposait de surseoir à la procédure de convocation à entretien préalable en l'état d'une maladie ou d'un accident du travail ;

- que plusieurs convocations ont été adressées à l'intéressée ;

- que la gravité et le caractère insultant des propos tenus par Mme X ressort de la lecture du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 20 août 1993 dûment signé par la secrétaire et le président ;

- qu'aucun avis défavorable au licenciement de Mme X n'a été émis lors de la réunion du comité d'entreprise du 26 août 1993 ;

- que la circonstance selon laquelle le tribunal n'aurait pas pris connaissance d'un courrier adressé à l'inspecteur du travail faisant ressortir que l'employeur faisait pression sur l'ensemble du personnel afin qu'il signe une pétition ne change rien à la matérialité des faits ;

- que le fait que l'employeur n'ait pas donné suite au projet d'introduire une plainte pour injure raciste et diffamation n'y change rien non plus ;

- qu'il en est de même pour la plainte déposée par la requérante contre M. Y directeur général ;

Vu le mémoire enregistré 12 février 1999, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle tendant au rejet de la requête ;

Il soutient :

- qu'en l'absence d'élément nouveau, il se réfère à son mémoire en défense produit dans l'instance engagée devant le Tribunal administratif de Nice ;

- que dans ce mémoire, le ministre faisait valoir qu'à compter du 21 septembre 1993, la requérante pouvait se rendre aux convocations qui lui avaient été adressées pour l'entretien préalable du 30 septembre 1993 et la réunion du comité d'entreprise du 8 octobre 1993 dès lors qu'elle avait la possibilité de sortir de 10 heures à 16 heures ;

- que les propos tenus par la requérante ont été confirmés par les deux membres du comité d'entreprise présents au cours de la réunion ;

- que le ministre pouvait librement apprécier les faits, en l'absence de décision du juge pénal emportant autorité absolue de la chose jugée ;

- que la présomption d'innocence doit jouer tant pour la requérante que pour le directeur général ;

- qu'il n'a pas été procédé à une hiérarchie des modes de preuves ;

- que les propos tenus par Mme X ne saurait se rattacher à l'exercice normal du mandat syndical ;

- que le courrier envoyé à l'inspecteur du travail, postérieur à la décision de celui-ci, ne pouvait pas être pris en considération ;

- que l'intérêt général ne peut être retenu dès lors que l'existence de toute représentation du personnel n'est pas compromise dans l'entreprise où existent des délégués du personnel, un comité d'entreprise, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

Vu le mémoire enregistré le 11 septembre 2003 présenté pour la société MMS International tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et en outre à la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 6000 euros au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2003 :

- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;

- les observations de Me COHEN-SEAT pour Mme Evelyne X ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Au fond :

Considérant qu'il a été fait grief par la société MMS International à Mme X, déléguée syndicale et membre du comité d'entreprise, d'avoir tenu, lors d'un comité d'entreprise réuni le 20 août 1993, des propos injurieux et racistes à l'encontre de M. Y directeur général ; que lors de ce même comité d'entreprise, Mme X a soutenu avoir été victime de violences de la part de ce dernier ; que par une décision du 3 juin 1994, le ministre chargé du travail a annulé la décision du 3 février 1994 par laquelle l'inspecteur du travail avait rejeté la demande d'autorisation de licenciement, présentée par la société MMS international pour lesdits propos, et a autorisé ce licenciement ; que le Tribunal administratif de Nice, saisi par Mme X, a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle ; que par sa requête Mme X demande à la Cour l'annulation de celle-ci ; que parallèlement à cette procédure administrative, Mme X a engagé une action pénale contre M. Y, pour violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, pour falsification du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise s'étant tenue le 20 août 1993 et pour entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise ; que par un jugement en date du 8 décembre 1999 le Tribunal correctionnel a relaxé M. Y du délit d'entrave et l'a condamné pour faux et usage de faux et coups et blessures volontaires ; que par un arrêt du 31 mars 2003 la Cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé ledit jugement sur la relaxe de M. Y pour délit d'entrave et sur sa condamnation pour coups et blessures volontaires et l'a infirmé en retenant pas à l'encontre du prévenu le délit de faux et d'usage de faux ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.122-14 du code du travail : L'employeur ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a été, une unique fois, convoquée, par un courrier du 24 septembre 1993, à un entretien fixé le 30 septembre 1993 à 11 heures ; que si Mme X était en congé pour accident de travail à la date fixée pour cet entretien préalable, elle bénéficiait d'une autorisation de sortie entre 10 et 16 heures ; que le courrier du 13 septembre 1993 de l'inspecteur du travail indiquant au directeur général de la société MMS International qu'il ne procéderait à l'enquête contradictoire qu'au retour de congé pour accident de travail de celle-ci et ce après que l'entretien préalable effectif avec l'intéressée soit intervenu et que le comité d'entreprise ait, à nouveau, statué pour avis sur son cas, n'emportait pas pour l'employeur de Mme X l'obligation d'attendre son retour de congé pour mettre en oeuvre l'entretien préalable au licenciement prescrit par l'article L.122-14 précité du code du travail dès lors que son congé n'interdisait pas à celle-ci de s'y rendre ; que dans ces conditions et alors que l'employeur n'était pas tenu de renouveler la convocation à un entretien préalable, à défaut d'un motif légitime ayant empêché l'intéressée de se rendre à celui fixé le 30 septembre 1993 à une heure compatible avec le certificat médical produit par celle-ci, Mme X n'est pas fondée à soutenir que l'autorisation de licenciement accordée à la société MMS International le 3 juin 1994, aurait été irrégulièrement délivrée au motif qu'elle n'aurait pas été précédée de l'entretien préalable exigé par les dispositions précitées ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.412-18 et L.436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives en qualité de délégué syndical et de membre du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ; que les propos injurieux et racistes, dont la matérialité a été établie par l'arrêt en date du 31 mars 2003 de la Cour d'appel d'Aix en Provence, celle-ci s'étant expressément prononcée sur l'exactitude du contenu du procès-verbal du comité d'entreprise contesté par Mme X quant aux propos qu'elle avait tenus à l'encontre de M. Y, constituaient des attaques à caractère personnel excédant les limites admissibles de la polémique inhérentes à l'exercice d'un mandat représentatif et étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée ; que, même si les pièces du dossier établissent des difficultés dans la mise en oeuvre, au sein de l'entreprise MMS International, de la représentation des salariés, la discrimination fondée sur l'appartenance syndicale ne peut être regardée comme établie en l'espèce ;

que si Mme X soutient que son licenciement empêche toute véritable action syndicale dans l'entreprise et aurait dû justifier un refus d'autorisation pour des motifs d'intérêt général, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce licenciement avait pour effet de priver de toute représentation les salariés de cette entreprise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X, doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la société MMS International ;

A cet endroit, taper les considérant

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société MMS International tendant à la condamnation de Mme X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et à la société MMS International.

Délibéré à l'issue de l'audience du 16 septembre 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme FERNANDEZ, premier conseiller,

assistés de Mlle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 30 septembre 2003.

Le président,

Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 98MA00032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98MA00032
Date de la décision : 30/09/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme FERNANDEZ
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : COHEN-SEAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-09-30;98ma00032 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award