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25/09/2003 | FRANCE | N°97MA05399

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 25 septembre 2003, 97MA05399


Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 novembre 1997 sous le n°'97MA05399, présentée pour M. Pierre X, demeurant ...), par la S.C.P. d'avocats CHAISEMARTIN-COURJON ;

M. X demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 86-2590 en date du 24 juin 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi et résultant de l'impossibilité d'exercer la conduite en douane des navires sur les postes 871 et 872 du quai Brûle Tabac du port de Fos-su

r-Mer depuis le 17 octobre 1985 ;

Classement CNIJ : 60-04-03-02-01

C ...

Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 novembre 1997 sous le n°'97MA05399, présentée pour M. Pierre X, demeurant ...), par la S.C.P. d'avocats CHAISEMARTIN-COURJON ;

M. X demande à la Cour :

1'/ d'annuler le jugement n° 86-2590 en date du 24 juin 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi et résultant de l'impossibilité d'exercer la conduite en douane des navires sur les postes 871 et 872 du quai Brûle Tabac du port de Fos-sur-Mer depuis le 17 octobre 1985 ;

Classement CNIJ : 60-04-03-02-01

C

2'/ de condamner l'Etat à lui verser les sommes de :

- de 315 319, 08 F au titre des droits de conduite dont il a été privé du 17 octobre 1985 au 11 octobre 1989, avec intérêts de droit à compter du 25 novembre 1985, sinon à compter du jour de l'enregistrement de la requête, et avec intérêts des intérêts échus à compter du jour anniversaire de l'année suivant la réception des demandes ;

- 100 000 F de dommages et intérêts au titre du préjudice causé au fonctionnement de son office, ensemble les intérêts de droit de ladite somme à compter du 17 novembre 1992, et les intérêts des intérêts échus à compter du 18 novembre 1993, ainsi que la somme de 6 000 F au titre des frais de correspondance ;

- 95 930 F au titre du solde des frais de son géomètre-expert ;

3°/ de condamner l'Etat à lui payer la somme de 69 580 F au titre des frais irrépétibles, ainsi que les sommes correspondant aux dépens de l'instance ;

4°/ d'ordonner la capitalisation des intérêts à la date du dépôt de la présente requête ;

Il fait valoir que, par un jugement en date du 17 novembre 1992, le tribunal administratif de Marseille a reconnu la responsabilité de l'Etat dans le préjudice résultant pour lui, alors qu'il exerce la profession de courtier maritime, de l'impossibilité d'exercer la conduite en douane des navires sur les postes 871 et 872 du quai Brûle Tabac du port de Fos-sur-Mer depuis le 17 octobre 1985 et a ordonné un supplément d'instruction quant à la réalité du préjudice ; que ce jugement a été annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon en date du 5 décembre 1996 qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation ;

Il soutient que le jugement attaqué, qui a rejeté ses prétentions indemnitaires, est entaché d'une insuffisance de motivation et que l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon devant être annulé, il devra être fait droit à sa demande de première instance ; qu'il développera ces moyens dans un mémoire ampliatif ultérieur ;

Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 6 avril 1998, présenté pour M. X et par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; il demande, en outre, que l'Etat soit condamné à lui payer une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient, en outre, que le jugement attaqué encourt l'annulation dès lors qu'il vise un mémoire produit par le ministre de l'économie et des finances le 9 juin 1997, mémoire auquel il n'a pu répliquer avant l'audience du 10 juin suivant ; qu'ainsi le principe du contradictoire a été méconnu ;

Il soutient également que sa demande a été rejetée par le tribunal au motif de l'autorité de chose jugée qui s'attachait à l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 5 décembre 1996 alors que cet arrêt avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation et sans que le tribunal ne mentionne l'existence de ce pourvoi ; qu'il ne fait pas de doute que cet arrêt sera cassé dès lors que la Cour, comme elle l'a fait dans un arrêt du même jour également frappé d'un pourvoi en cassation, s'est référée à tort au plan déposé aux archives nationales pour fixer la limite entre les communes de Port-Saint-Louis-du-Rhône et Fos-sur-Mer et non au plan déposé aux archives départementales authentifié par le président du Sénat ;

Il soutient, enfin, sur le montant du préjudice qu'il a subi, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation précise de la part des services étatiques, que le premier chef de préjudice, lié à son impossibilité d'exercer ses fonctions de courtier interprète et conducteur de navire aux postes 871 et 872 sur le quai de Brûle Tabac à Fos-sur-Mer présente un caractère direct et certain, et a été justifié dans son montant ; qu'en outre, une somme forfaitaire de 100 000 F doit lui être versée pour réparer le préjudice occasionné par le fonctionnement de son étude du fait du sous-emploi de son personnel, devenu pléthorique en raison de l'impossibilité d'exercer ses fonctions ; que le comportement de l'administration a ainsi ajouté au manque de recettes la charge de frais généraux sans contrepartie ; qu'une somme de 6 000 F couvrant les frais de correspondance relatifs à cette affaire devra en outre lui être allouée ; que le solde de la somme dû au titre des frais du géomètre-expert, requis par lui pour la détermination des limites intercommunales entre Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône, et reconnus utiles pour la solution du litige par le jugement du tribunal administratif du 17 novembre 1992 qui n'a pas fait l'objet sur ce point d'une annulation, doit également lui être versé ; qu'enfin, pour défendre ses intérêts, il a réglé à son avocat devant le tribunal administratif des honoraires d'un montant de 69 580 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, présenté au nom de l'Etat, pour le ministre de l'économie et des finances par Me BORE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, et par lequel il conclut au rejet de la requête et à ce que M. X soit condamné au paiement d'une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;

Il soutient, en premier lieu, que, dès lors que le mémoire produit par ses services le 9 juin 1997 n'apportait pas d'éléments nouveaux, son absence de communication ne constitue pas une violation du principe du contradictoire ;

Il soutient, en deuxième lieu, que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire dès lors que la juridiction d'appel avait statué sur l'appel visant le jugement avant-dire-droit du 17 novembre 1992 avant qu'il ne statue définitivement et que cette décision d'appel s'imposait donc à lui ;

Il soutient, à titre subsidiaire, sur le fond, que la responsabilité de l'Etat ne pourrait être engagée que pour faute lourde et que, de par sa situation vis-à-vis des règles relatives au monopole des courtiers maritimes et de celles relatives à la délimitation territoriale de la commune de fos-sur-mer, M. X ne peut légitimement prétendre à une indemnisation de son préjudice ; que l'administration douanière n'a commis aucune faute quant à la détermination de la délimitation territoriale entre les deux communes ; que l'existence d'une faut lourde de l'Etat n'est pas rapportée par M. X ; que ce dernier étant dans une situation illégitime ne peut prétendre à l'indemnisation d'aucun préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 1998, présenté par M. X et par lequel il conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Il fait valoir, en outre, que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement est fondé dès lors que le mémoire du ministre produit le 9 juin 1997 est le seul mémoire produit par l'Etat après le supplément d'instruction et qu'ainsi le tribunal administratif s'est nécessairement fondé sur ledit mémoire ; que la faute des services des douanes, alors que seule une faute simple est exigée en la matière, est certaine, dès lors que ce service a unilatéralement dès septembre 1985 pris position pour interdire aux courtiers de Fos-sur-Mer l'accès aux postes 871 et 872 alors qu'aucune décision administrative n'avait été prise concernant la délimitation territoriale ; que les courtiers maritimes disposent d'un monopole légal en vertu de l'article 80 du code de commerce et qu'ainsi, il était bien dans une situation légitime ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 février 1999, présenté pour l'Etat, représenté par le ministre de l'économie et des finances et par lequel il conclut aux mêmes fins que son mémoire susvisé et par les mêmes motifs ;

Il fait valoir, en outre, que le mémoire produit le 9 juin 1997, portait à la connaissance du Tribunal administratif l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon, arrêt notifié à M. X ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 avril 2003, présenté pour M. X et par lequel d'une part il conclut aux mêmes que la requête et ses mémoires susvisés et par les mêmes moyens et d'autre part produit un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 21 mars 2003 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2003, présenté pour M. X et par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête et ses mémoires susvisés et par les mêmes moyens en précisant qu'il demande le remboursement total des sommes payées au géomètre-expert soit 144 211,05 F (21 984,83 euros) dès lors que si la Cour administrative d'appel de Lyon n'avait pas expressément annulé l'article 3 du jugement contesté condamnant l'Etat à lui payer une somme de 48 982 F à ce titre, elle doit être regardée comme l'ayant implicitement annulé ; que d'ailleurs cette condamnation n'a pas été exécutée ;

Vu le mémoire transmis par télécopie, enregistré le 5 septembre 2003, présenté pour l'Etat, représenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et par lequel il conclut aux mêmes fins que ses mémoires susvisés et par les mêmes motifs ;

Il fait valoir, en outre, en ce qui concerne le préjudice lié à la perte de droits de conduite que les justificatifs produits par l'appelant n'établissent pas le caractère certain du préjudice allégué et qu'il pourrait être utile que la Cour ordonne au requérant de produire ses déclarations de revenus antérieurement et postérieurement au 17 octobre 1985 afin d'opérer une parfaite évaluation du préjudice subi à ce titre ; que subsidiairement, ce chef de préjudice, compte tenu des aléas affectant la notion de clientèle notamment, ne pourrait être indemnisé qu'au titre de la perte d'une chance ; qu'ainsi le montant de cette réparation devrait être réduit en conséquence ; que s'agissant du préjudice lié au sous-emploi du personnel, il doit être écarté à défaut de justificatifs ; que s'agissant des frais du géomètre-expert, seule la somme initiale retenue par les premiers juges devrait être reprise pour l'indemnisation de ce préjudice ; que sur les frais de correspondance, le montant des réparations devrait être ramené à de plus justes proportions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code civil ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2003 :

- le rapport de Mme BUCCAFURRI, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. LOUIS, premier conseiller ;

Considérant que, par deux jugements en date du 17 novembre 1992, le Tribunal administratif de Marseille, qui était saisi de deux demandes déposées par M. X, exerçant la fonction de courtier maritime, interprète et conducteur de navires dans le port de FOS-SUR-MER, a d'une part déclaré la limite intercommunale entre les communes de FOS-SUR-MER et PORT-SAINT-LOUIS-DU-RHONE et d'autre part, après avoir reconnu comme engagée la responsabilité de l'Etat dans le préjudice résultant pour l'intéressé de l'impossibilité, depuis le 17 octobre 1985, d'exercer la conduite en douane des navires sur les postes 871 et 872 du quai de Brule Tabac du port de FOS-SUR-MER, a ordonné un supplément d'instruction quant à la réalité du préjudice ; que ces deux jugements ont été frappés d'appel devant la Cour administrative d'appel de Lyon, qui, par deux arrêts en date du 5 décembre 1996, a d'une part annulé l'article 4 du premier jugement qui était relatif à la délimitation intercommunale et d'autre part rejeté les prétentions indemnitaires de M. X ; que ce dernier a formé, devant le Conseil d'Etat, un pourvoi en cassation contre les arrêts rendus le 5 décembre 1996 par la Cour administrative d'appel de Lyon ; que lesdits arrêts ont été annulés par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 21 mars 2003 ; que, par la présente requête, M. X relève régulièrement appel du jugement en date du 24 juin 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, au vu des documents produits par l'intéressé à la suite du supplément d'instruction qu'il avait ordonné, rejeté les prétentions indemnitaires au motif de l'autorité de chose jugée qui s'attachait à l'arrêt précité de la Cour administrative d'appel de Lyon rejetant les prétentions indemnitaires de M. X ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient M. X, le ministre de l'Economie et des Finances a produit par télécopie, un mémoire, enregistré au greffe du Tribunal administratif de Marseille le 9 juin 1997, soit la veille de l'audience au cours de laquelle l'affaire ici en cause a été appelée et auquel M. X n'a pu répliquer ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que ce dernier comporte le visa de ce mémoire ; qu'il doit, par suite, être réputé avoir été examiné par le tribunal administratif ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, ledit mémoire comportait un élément nouveau puisqu'il portait à la connaissance du tribunal le sens de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 5 décembre 1996 précité ; que, dès lors, d'une part qu'aucun autre document figurant au dossier ne faisait référence à cet arrêt jusqu'à la production du mémoire litigieux et que, d'autre part le tribunal administratif s'est fondé, pour rejeter les prétentions indemnitaires de M. X, sur l'autorité de chose jugée qui s'attachait, selon lui, à l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 5 décembre 1996, le tribunal s'est nécessairement fondé sur les éléments nouveaux produits par le ministre par son mémoire transmis le 9 juin 1997 ; qu'alors même que, comme le soutient le ministre, M. X aurait eu connaissance de la teneur de cet arrêt dont il avait reçu notification, en sa qualité de partie à l'instance qui s'était tenue devant la Cour administrative d'appel de Lyon, cette circonstance est sans incidence dès lors que l'intéressé n'a pu disposer d'un délai suffisant pour formuler des observations sur le mémoire produit par le ministre ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire et est, ainsi, entaché d'irrégularité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement entrepris, également invoqué par M. X, ce dernier est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, par l'arrêt susvisé en date du 21 mars 2003, le Conseil d'Etat a annulé les arrêts de la Cour administrative d'appel de Lyon en date du 5 décembre 1996 et a confirmé l'engagement de la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. X, du fait des refus illégaux des services des douanes opposés à compter du 17 octobre 1985 à l'intéressé, d'exercer son activité sur les postes 871 et 872 du quai de Brule Tabac à FOS-SUR-MER, qui avait été retenu par le Tribunal administratif de Marseille, dans son jugement du 17 novembre 1992 ; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du Conseil d'Etat fait obstacle à ce que la Cour se prononce à nouveau sur cette question ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les conditions de l'engagement de la responsabilité de l'Etat ne seraient pas, en l'espèce, réunies ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne la privation des droits de conduite :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X a été nommé, par un arrêté du secrétaire d'Etat aux transports en date du 2 février 1976, pour exercer dans le port de FOS-SUR-MER son activité de courtier maritime, interprète et conducteur de navire ; qu'en vertu des dispositions des articles 74 et 80 du code de commerce alors en vigueur, l'intéressé disposait d'un monopole pour la conduite en douane des navires accostés sur le territoire de la commune d'implantation ; qu'il résulte de l' arrêt précité en date du 21 mars 2003 du Conseil d'Etat, confirmant le jugement susvisé rendu le 17 novembre 1992 par le tribunal administratif de Marseille, que les postes 871 et 872 du quai Brule Tabac étaient situés dans les limites territoriales de la commune de FOS-SUR-MER et non de la commune de PORT-SAINT-LOUIS-DU-RHONE comme l'ont à tort estimé les services des douanes et ont, ainsi illégalement refusé à l'intéressé d'exercer son activité sur les postes en cause ; que, du fait de ces refus illégaux, M. X a été privé des droits de conduite qu'il aurait dû percevoir des navires ayant accosté aux postes en cause ; qu'ainsi le préjudice invoqué par l'intéressé présente un lien de causalité direct avec le comportement fautif des services des douanes ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutient le ministre, M. X serait dans une situation illégitime qui le priverait de tout droit à réparation ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X, a précisé, dans le dernier état de ses écritures que le période d'indemnisation pour ce chef de préjudice s'étendait du 17 octobre 1985, date du premier refus illégal opposé par l'administration des douanes, au 10 octobre 1989, date à laquelle le courtier, nommé sur le territoire de PORT-SAINT-LOUIS-DU-RHONE, a conduit le dernier navire ayant accosté aux postes 871 et 872 du quai de Brule Tabac ; qu'il résulte de l'instruction, et qu'il est constant, que les refus illégaux opposés par l'administration des douanes, à compter du 17 octobre 1985, ont produit des effets, au moins jusqu'à la date du 10 octobre 1989 ; que, par suite, il y a lieu de prendre en compte, la période allant du 17 octobre 1985 au 10 octobre 1989, pour évaluer le chef de préjudice susvisé ;

Considérant, en troisième lieu, que, dans l'hypothèse où l'administration des Douanes n'aurait pas opposé de refus à M. X d'exercer son activité sur les postes en cause, ce dernier aurait effectivement exercé son activité de courtier ; que, dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le préjudice lié à la privation des droits de conduite ne devrait être réparé qu'au titre de la perte d'une chance ; que l'intéressé peut, par suite, prétendre à la réparation de l'intégralité de ce chef de préjudice ; que, pour évaluer la somme de 315 319,08 F (48 070, 08 euros) qu'il réclame à ce titre, M. X a calculé les droits de conduite qui lui seraient revenus s'il avait pu conduire en douane les navires ayant accosté, pendant la période considérée, aux postes 871 et 872 ; que, dans cette évaluation, M. X a d'une part uniquement pris en compte les navires faisant partie de sa clientèle, dès lors que deux autres courtiers exerçaient également cette activité dans le port de FOS-SUR-MER et d'autre part appliqué les tarifs réglementaires fixés pour le calcul de ces droits de conduites ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette évaluation, qui a été effectuée par M. X selon les principes dégagés par le Tribunal administratif lorsqu'il a ordonné le supplément d'instruction par son jugement du 17 novembre 1992, serait entachée d'inexactitudes ou d'erreurs ; que, M. X ayant produit au dossier l'ensemble des justificatifs nécessaires pour établir la réalité du préjudice qu'il a subi à ce titre, il n'y a pas lieu pour la Cour, comme l'y invite le ministre, à réclamer à l'intéressé ses déclarations de revenus pour la période considérée ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, en tenant compte des charges que l'intéressé aurait nécessairement supportées s'il avait effectivement exercé son activité durant la période litigieuse, en l'évaluant à la somme de 40 000 euros ;

En ce qui concerne les frais de personnel :

Considérant que M. X soutient que, du fait des refus illégaux qui lui ont été opposés, il a subi des charges de personnel accrues dès lors qu'une partie des agents de son office a été sous-employée et sans qu'aucune contrepartie financière ne vienne en compenser la charge ; que, toutefois, M. X n'a pas précisé l'effectif du personnel employé dans son office et n'a pas indiqué le nombre d'agents dont l'activité aurait pu être affectée par l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de conduire en douane des navires accostant aux postes 871 et 872 ; qu'en outre, ce chef de préjudice a été évalué à 100 000 F, selon les déclarations de l'intéressé de façon forfaitaire et selon des ratios comptables, au demeurant non explicités ; qu'il suit de là que le préjudice allégué n'est justifié ni dans son principe ni dans son montant ; que cette demande doit, par suite, être rejetée ;

En ce qui concerne les frais des géomètre :

Considérant que les frais de géomètre exposés par M. X ont été utiles pour le juge administratif dans la détermination de la délimitation territoriale entre les communes de FOS-SUR-MER et de PORT-SAINT-LOUIS-DU-RHONE et la solution du présent litige ; que ce chef de préjudice, évalué à la somme de 144 211,05 F (21 984,83 euros) a été justifié par M. X par la production des factures d'honoraires des géomètres qu'il avait commissionnés ; que, compte tenu de la somme de 48 981 F (7 467,11 euros), à laquelle le jugement du tribunal administratif du 17 novembre 1992, devenu définitif, a condamné l'Etat à ce titre, M. X a droit au versement du solde de cette somme, soit 95 930 F soit 14 517,72 euros ; que si M. X fait valoir que l'Etat n'a pas exécuté la condamnation prononcée à son encontre par le jugement précité du tribunal administratif et que la somme de 48 981 F ne lui a pas été versée, cette contestation qui a trait aux conditions relatives à l'exécution d'un jugement définitif est étrangère au présent litige ; que, par suite, ses dernières conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme globale de 144 211,05 F et non seulement la somme de 95 930 F doivent, sur ce point, être rejetées ;

Considérant, enfin, que si M. X réclame dans le cadre de son préjudice global, le versement d'une somme de 6 000 F, au titre de frais de correspondance exposés pour la procédure de première instance ainsi qu'une somme de 69 580 F correspondant aux honoraires versées à son avocat pour assurer la défense de ses droits devant le tribunal administratif, ces demandes ont trait à des frais non compris dans les dépens et seront donc examinées au regard des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, en premier lieu, que M. X a droit aux intérêts au taux légal portant sur la somme susvisée de 315 319, 08 F à compter de la date de réception par l'administration de sa réclamation préalable du 25 novembre 1985 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. ; que, pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 27 mai 1994 et 26 novembre 1997 ; qu'à la date du 27 mai 1994, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, en application de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, alors même que la demande de capitalisation n'a été à nouveau demandée que le 26 novembre 1997 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'Etat une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 6 000 euros au titre au titre des frais exposés par lui depuis l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 24 juin 1997 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'Etat ( ministre de l'économie et des finances ) est condamné à payer à M. X la somme de 40 000 euros (quarante mille euros). Ladite somme portera intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable formulée par M. X le 25 novembre 1985. Les intérêts échus au 27 mai 1994 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat ( ministre de l'économie et des finances) est condamné à payer à M. X la somme de 14 517, 72 (quatorze mille cinq cent dix sept euros et soixante douze centimes) au titre du remboursement des frais du géomètre-expert.

Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie et des finances) est condamné à payer à M. X la somme de 6 000 euros (six mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions formulées par l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré à l'issue de l'audience du 11 septembre 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

Mme BUCCAFURRI et M. POCHERON, premiers conseillers,

assistés de Mme GUMBAU, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 25 septembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Isabelle BUCCAFURRI

Le greffier,

Signé

Lucie GUMBAU

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 97MA05399


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. BENOIT
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN - COURJON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Date de la décision : 25/09/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 97MA05399
Numéro NOR : CETATEXT000007582315 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-09-25;97ma05399 ?
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