La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/08/2003 | FRANCE | N°97MA01883

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 28 août 2003, 97MA01883


Vu la requête, enregistrée le 21 août 1997 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon sous le n° 97LY1883, présentée pour M. Victor X demeurant ...), par Maître Serge GASSIER, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement n° 88/2625 et 88/2626, en date du 2 juillet 1997 du Tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 87 692 F et rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 151 800 F au titre des bénéfices qu'il n'a pu r

éaliser, du fait des décisions illégales prises par le préfet des Hautes-Alpes ;

Cl...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 1997 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon sous le n° 97LY1883, présentée pour M. Victor X demeurant ...), par Maître Serge GASSIER, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ de réformer le jugement n° 88/2625 et 88/2626, en date du 2 juillet 1997 du Tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 87 692 F et rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 151 800 F au titre des bénéfices qu'il n'a pu réaliser, du fait des décisions illégales prises par le préfet des Hautes-Alpes ;

Classement CNIJ : 60-02-05

C

3°/ de condamner l'Etat à lui rembourser le montant des honoraires d'architecte qu'il a acquittés et de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal de Grande Instance de Toulon ait tranché le litige l'opposant à l'architecte, M.GUIEU, qui l'a actionné en paiement de ses honoraires ;

4°/ de retenir les frais financiers qu'il a engagés, ainsi que les dépenses exposées pour assurer la commercialisation des lots ;

5°/ de réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a condamné l'Etat à ne lui rembourser que 21 537,76 F au titre des frais d'expertise, alors même qu'il a fait l'avance de la somme de 31 537,76 F ;

6°/ de majorer l'ensemble des condamnations du montant de la TVA ;

7°/ de retenir comme date à compter de laquelle il peut prétendre à la capitalisation des intérêts échus, celle du 3 mai 1989, et non celle du 8 janvier 1997, comme l'a fait le tribunal ;

8°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 300 000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

M.X soutient :

- que le jugement frappé d'appel est entaché de plusieurs erreurs matérielles qui affectent, notamment la détermination de la date à laquelle la capitalisation des intérêts peut être demandée à bon droit, le montant des frais d'expertise qu'il a acquittés et que le tribunal a mis à la charge définitive de l'Etat, ainsi que le calcul des condamnations, qui ne tient pas compte de l'incidence de la TVA ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise ;

- que c'est également à tort que le tribunal administratif a refusé de surseoir à statuer jusqu'à ce que le TGI de Toulon rende son jugement sur les prétentions de l'architecte, M.GUIEU, le privant ainsi de la possibilité de chiffrer complètement son préjudice, dans l'hypothèse où il serait condamné à verser l'ensemble des honoraires réclamés par M.GUIEU, tant à raison des études qu'il a diligentées pour son propre compte que pour celui de la commune de Montgenèvre ;

- que les premiers juges se sont mépris en n'incluant, dans l'estimation de son préjudice, ni les dépenses qu'il a exposées en vue de la promotion de la station de Montgenèvre et de la commercialisation du lotissement, ni celles afférentes aux frais financiers ;

- que c'est à bon droit qu'il peut revendiquer le remboursement de son manque à gagner, dès lors que la nullité de la convention par laquelle les terrains du lotissement lui ont été cédés n'a d'autre origine que les fautes de l'Etat ;

- que l'administration, en particulier, n'a pas fait les diligences nécessaires pour que les expropriations nécessaires soient achevées dans un délai utile ;

- que la responsabilité de l'Etat n'est pas seulement engagée à raison de l'illégalité des arrêtés préfectoraux, mais également en raison de la faute lourde commise par le préfet dans l'exercice de son pouvoir de tutelle et de la faute commise en formulant des promesses qui n'ont pas été tenues ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 18 août 1998, le mémoire en défense produit par le ministre de l'équipement, des transports et du logement, concluant au rejet de la requête ;

Le ministre de l'équipement, des transports et du logement soutient :

- que M.X ne démontre pas que l'allocation provisionnelle dont le remboursement lui est dû excède la somme de 21 537,76 F ;

- qu'il n'apporte aucun élément permettant de décider si le montant des honoraires dus à l'architecte GUIEU doit être calculé toutes taxes comprises, comme il le soutient ;

- que les frais financiers allégués ne sont nullement établis ;

- qu'il ne peut davantage prétendre au remboursement des frais d'acquisition des terrains d'assiette, la nullité de la vente ayant été constatée par la Cour d'Appel de Grenoble, dans un arrêt du 18 mars 1992 ; qu'en outre, le Conseil d'Etat a expressément écarté toute faute de l'Etat tenant aux conditions de mise en oeuvre de la procédure d'expropriation ;

- que M.X ne saurait se prévaloir de la convention signée avec la commune le 24 juillet 1978, celle-ci étant devenue caduque ;

- que les études réalisées par M.GUIEU pour le compte de la commune l'ont été, en tout état de cause, antérieurement à la date de transfert des autorisations de lotir ;

- que le manque à gagner ne peut, de jurisprudence constante, être indemnisé, dans la mesure où M.X n'a pas été illégalement privé du droit de construire ou de lotir ;

- que c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du TGI de Toulon ;

- que M.X ayant demandé la capitalisation des intérêts moins d'une année après que les intérêts soient dus, sa demande ne saurait prospérer et c'est à juste titre que le tribunal administratif l'a rejetée ;

Vu, enregistrés les 20 octobre 1998, 1er décembre 1999 et 26 avril 2000, les trois mémoires ampliatifs de M.X, tendant aux mêmes conclusions, par les mêmes moyens et précisant en outre que par le jeu des mécanismes de révision, les sommes dues à M.GUIEU à raison des travaux qu'il lui a commandés s'élèvent à 429 848,31 F et que ses frais financiers s'élèvent à 116 960 F ; M.X fait également valoir que le jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon du 17 août 1999 l'a condamné à payer à M.GUIEU la somme de 2 639 579,81 F ; que ce jugement lie la Cour, étant revêtu, à l'égard des parties de l'autorité de la chose jugée, ledit jugement ayant été déclaré commun à l'Etat, qui a été assigné ; que cette somme majorée des intérêts au taux légal s'élève à 5 204 236,22 F, dont la moitié lui est due ; que le manque à gagner peut être estimé à 5 151 800 F ; que c'est donc la somme de 2 575 900 F qui lui est due à ce titre ; qu'il demande, par conséquent, la condamnation de l'Etat à lui verser 5 178 018,11 F ;

Vu, enregistré le 30 mai 2000, le mémoire en défense du ministre de l'équipement, des transports et du logement, concluant au rejet de la requête, par les mêmes moyens que ceux précédemment développés et exposant en outre :

- que contrairement à ce que soutient M.X, le préjudice lié aux sommes versées à l'architecte ne saurait faire l'objet d'un mécanisme de révision, dès lors que le préjudice doit être apprécié à la date à laquelle il aurait dû acquitter les factures, et non au jour du jugement ;

- que le jugement du TGI de Toulon n'est pas opposable à l'Etat ;

Vu, enregistré le 31 mai 2000, le mémoire complémentaire présenté pour M.X, concluant, par les mêmes moyens à la condamnation de l'Etat à lui verser 5 178 018,11 F, ainsi qu'à la fixation à 31 537,76 F du montant que l'Etat devra payer à M.X au titre de la provision versée à l'expert, M.BRUNET ;

M.X expose en outre qu'il s'approprie expressément les termes d'une consultation de Maître LYON-CAEN qui conclut à ce que le jugement du TGI de TOULON en date du 17 août 1999 s'impose à la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, le code de l'urbanisme ;

Vu, le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2003 :

- le rapport de M. LOUIS, premier conseiller ;

- les observations de Me SERIES pour M. X ;

- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que par une délibération en date du 10 juillet 1978, le conseil municipal de la commune de Montgenèvre a autorisé son maire à conclure avec M.X une convention confiant à ce dernier la réalisation de deux lotissements dont la commune avait obtenu l'autorisation par arrêtés préfectoraux des 5 et 12 juin 1978 ; que ladite convention, signée le 24 juillet 1978 prévoyait notamment la vente par la commune des terrains d'assiette desdits lotissements au bénéfice de M.X, sous une série de quatre conditions suspensives, au nombre desquelles figurait l'acquisition, par la commune, de l'ensemble des terrains, y compris par voie d'expropriation ; que par deux arrêtés en date du 2 juillet 1980, le préfet des Hautes-Alpes a transféré les autorisations de lotir au bénéfice de M.X ; que par arrêtés du 26 décembre 1980, M.X a été autorisé à vendre les terrains par anticipation, avant complet achèvement des travaux ;

Considérant que le Tribunal administratif de Marseille, puis le Conseil d'Etat, ont été saisis de deux recours tendant à l'annulation et au sursis à exécution des arrêtés du 2 juillet 1980 ; que le préfet des Hautes-Alpes a alors, par une décision en date du 6 juillet 1984, retiré le transfert de l'autorisation de lotir ; que par un premier arrêt du 9 mars 1984, le Conseil d'Etat a confirmé le sursis à exécution prononcé le 7 octobre 1983 par le Tribunal administratif de Marseille ; que par un deuxième arrêt, en date du 13 mars 1989, le Conseil d'Etat a jugé caduques les deux autorisations de lotir que le préfet avait transféré à M.X et a rejeté le recours de M.X dirigé contre les décisions de retrait de ces arrêtés ; que par un arrêt du 4 mai 1998, rendu à la suite du jugement en date du 13 novembre 1990 du Tribunal administratif de Marseille, et de l'arrêt du 24 mars 1992 de la Cour administrative d'appel de LYON, le Conseil d'Etat a déclaré l'Etat responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables qui ont résulté pour M.X de l'intervention des arrêtés du 2 juillet 1980 du préfet des Hautes-Alpes ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à M.X la somme de 87 692 F en réparation des préjudices causés par les décisions illégales du préfet des Hautes-Alpes ; que M.X interjette régulièrement appel de ce jugement ;

-Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant en premier lieu que par son arrêt du 13 mars 1989, le Conseil d'Etat a constaté l'illégalité des deux arrêtés du préfet des Hautes-Alpes en date du 2 juillet 1980, transférant à M.X les autorisations de lotir qui avaient été initialement obtenues par la commune de Montgenèvre, pour des terrains situés sur son territoire ; que, par la même décision, la Haute Assemblée a également annulé, par voie de conséquence, les arrêtés du 26 décembre 1980 du préfet des Hautes-Alpes, autorisant M.X à procéder à la vente par lots de ces terrains ; que si, par un arrêt du 4 mai 1998, le Conseil d'Etat a reconnu la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité du transfert de l'autorisation de lotir et de celle de l'autorisation de vente des lots, il a, en revanche, expressément rejeté les conclusions de M.X tendant à ce que la responsabilité de l'Etat soit également engagée à raison du retard prétendument fautif avec lequel le préfet des Hautes-Alpes aurait conduit la procédure d'expropriation qui était nécessaire pour que la commune se rende propriétaire de l'ensemble des terrains nécessaires au projet de lotissement qu'elle avait initié, avant d'en transférer, par une convention en date du 24 juillet 1978, la charge de la réalisation à M.X ; que par ce même arrêt, le Conseil d'Etat, prenant en compte les imprudences commises par M.X, a fixé à 50 % la part de responsabilité qui devait être laissée à sa charge ; que les dispositifs des deux arrêts précités, ainsi que le raisonnement qui en constitue le soutien nécessaire doivent être regardés comme étant revêtus de l'autorité de la chose jugée ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté les conclusions de M.X, qui tendent à remettre en cause ce partage de responsabilité ; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce même arrêt fait également obstacle à ce que M. X puisse engager la responsabilité de l'Etat à raison du caractère prétendument insuffisant de ses diligences dans la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation ou au motif que le préfet des Hautes-Alpes aurait, dans l'exercice du pouvoir de tutelle qu'il exerçait à l'époque des faits sur la commune de Montgenèvre, commis une faute lourde ; que par ailleurs, si M. X soutient également que le préfet des Hautes-Alpes a engagé la responsabilité de l'Etat à raison des fautes qu'il a commises du fait de promesses non tenues, aucune pièce versée au dossier ne démontre que le préfet des Hautes-Alpes aurait, à son égard, pris des engagements dont il serait par la suite fondé à soutenir qu'ils n'auraient pas été tenus ;

- Sur les différents chefs de préjudice invoqués par M.X :

Considérant que dans le dernier état de ses écritures, et plus précisément dans ses mémoires enregistrés les 26 avril 2000 et 31 mai 2000, M.X demande la condamnation de l'Etat, compte-tenu de la part de responsabilité mise à sa charge par la décision du Conseil d'Etat, à lui verser la somme de 5 178 018 F ; que cette somme globale est le résultat de l'addition des deux seuls chefs de préjudice pour lesquels il a expressément maintenu ses conclusions, à savoir les honoraires d'architecte qu'il a été condamné à verser à M.GUIEU par jugement en date du 17 août 1999 du Tribunal de Grande Instance de Toulon, pour un montant de 2 602 118,11 F et la perte de bénéfices escomptés, à hauteur de 2 575 900 F ;

- En ce qui concerne les conclusions tendant au remboursement des honoraires d'architecte :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport que l'expert M.BOISSENOT a déposé dans le cadre du litige qui opposait M.M.X et GUIEU devant le Tribunal de Grande Instance de Toulon, ainsi que de l'expertise déposée par M.BRUNET devant le Tribunal administratif de Marseille, que le montant total des honoraires auxquels l'architecte M.GUIEU pouvait prétendre recevoir paiement de M.X, s'élevait à la somme de 2 639 579,81 F TTC ; que c'est d'ailleurs à ce même montant que par le jugement précité, le Tribunal de Grande Instance de Toulon a condamné M.X et non , en tout état de cause, à la somme de 5 204 236,22 F à laquelle M.X prétend, avant application de la réfaction de 50 % au titre de la part de responsabilité restant à sa charge ; qu'il résulte clairement des rapports précités, que cette somme correspond à la fois aux prestations que M.GUIEU a accompli pour le compte de la commune de Montgenèvre, et ce, avant même que ne soit conclu le marché de maîtrise d'oeuvre du 31 octobre 1977, et aux études qui lui ont été commandées verbalement par M.X, après la signature de la convention avec la commune en date du 24 juillet 1978 ;

Considérant que M.X ne remet pas en cause la ventilation des sommes opérée par les rapports d'expertise, entre, d'une part, les dépenses exposées au titre des prestations qu'il a personnellement commandées à M.GUIEU et, d'autre part, les sommes qui lui ont été réclamées par ce dernier, au titre des prestations qu'il avait fournies à la commune de Montgenèvre ; que M.X ne conteste pas davantage que les sommes dues à M.GUIEU au titre des études que celui-ci a effectuées pour son compte entre le 2 juillet 1980, date de la signature, par le préfet des Hautes-Alpes, des arrêtés lui transférant illégalement les autorisations de lotissement, et le 7 octobre 1993, date à laquelle le Tribunal administratif de Marseille a ordonné qu'il soit sursis à leur exécution, s'élèvent à un montant de 142 584 F hors taxe ; que si M.X soutient que ce montant doit être majoré du montant de la taxe sur la valeur ajoutée, il ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe, et alors qu'il n'est pas contesté qu'il relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe, qu'il était dans l'impossibilité de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ;

Considérant que M.X soutient, en revanche, que c'est à tort que les premiers juges ont limité ce chef de préjudice à la somme précitée de 142 584 F ; qu'il tire moyen de la condamnation de verser à M.GUIEU la somme de 2 639 579,81 F, prononcée à son encontre par le Tribunal de Grande Instance de Toulon, dans son jugement, devenu définitif, en date du 17 août 1999 ; que M.X soutient que ledit jugement aurait, à l'égard de l'Etat, autorité de la chose jugée et qu'il lierait, par conséquent, la Cour de céans dans l'appréciation de son préjudice ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 1351 du code civil : L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause , que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ; qu'il ressort des pièces du dossier que le litige soumis au Tribunal de Grande Instance de Toulon, à l'occasion duquel M.GUIEU avait recherché le paiement, par M.X, des honoraires d'architecte qui lui étaient dus, se fondait, d'une part, sur l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre du 25 octobre 1977, conclu avec la commune de Montgenèvre, ainsi que, d'autre part, sur les contrats verbaux par lesquels M.X a demandé à M.GUIEU de réaliser des études complémentaires, en vue de la commercialisation des lots à réaliser dans le cadre des deux opérations de lotissement et qui consistaient en une modification du plan de masse d'un des lotissements et d'une étude pour un projet d'hôtel ; qu'ainsi, la requête que M.X soumet à la Cour de céans, qui a pour objet de rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de l'Etat, à raison des fautes commises par le préfet des Hautes-Alpes, repose sur une cause juridique différente de celle de la demande ayant abouti au jugement, en date du 17 août 1999, par lequel le Tribunal de Grande Instance de Toulon a condamné M.X à verser à M.GUIEU, la somme de 2 639 579,81 F ; qu'il suit de là, que, contrairement à ce que soutient M.X, et en application des dispositions précitées du code civil, l'autorité de la chose jugée par le Tribunal de Grande Instance de Toulon ne s'impose nullement à la Cour, nonobstant la circonstance que ledit jugement soit opposable à l'Etat, ce dernier ayant été appelé en la cause, en la personne de l'agent judiciaire du Trésor ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal administratif a rejeté les conclusions présentées par M.X et qui tendaient à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal de Grande Instance de Toulon rende son jugement sur les prétentions formulées par M.GUIEU à l'encontre de M.X ;

Considérant que si la Cour, comme il vient d'être dit, n'est pas liée par la décision précitée du Tribunal de Grande Instance de Toulon, rien ne fait en revanche obstacle à ce qu'elle tienne compte, pour rechercher la solution du litige qui lui est soumis, des éléments utilement dégagés par le juge civil ;

Considérant que par une convention signée le 24 juillet 1978, conclue entre la commune de Montgenèvre et M. Victor X, la commune de Montgenèvre s'est engagée, sous réserve de conditions suspensives énumérées à l'article 5 de ladite convention, à céder à M.X deux ensembles de terrains à bâtir d'une contenance de , respectivement, 34 245 mètres carrés et 21 730 mètres carrés en vue de la création de deux lotissements aux lieudits LE CHALVET et BOIS DE SUFFRIN ; que ces deux lotissements devaient aboutir à la création de 32 parcelles privatives au lotissement Le CHALVET , ainsi qu'à celle de trois parcelles privatives à créer au sein d'une zone à vocation d'immeubles collectifs et hôteliers, au lieu dit LE BOIS DE SUFFRIN ; qu'antérieurement à la date de signature de ladite convention, le maire de la commune de Montgenèvre avait déposé, les 22 décembre 1977 et 14 février 1978, deux demandes de lotissement auprès des services de l'Etat concernés ; que les dossiers de création des deux lotissements ont été confiés par la convention déjà citée, conclue le 25 octobre 1977, à M.GUIEU ; qu'à l'article 3-F de la convention du 24 juillet 1978, il était expressément stipulé : l'acquéreur acquittera aux lieux et place de la commune, les honoraires dus à M.GUIEU en vertu de la convention visée au III de l'exposé, convention dont un exemplaire lui a été remis, ainsi qu'il le reconnaît. ; que toutefois, aux termes de l'article 5-F de la même convention : si l'une des conditions suspensives ci-dessus stipulées n'était pas réalisée avant l'expiration des délais impartis, la présente convention deviendrait caduque, sans qu'il soit dû d'indemnité de part et d'autre ; qu'il est constant que l'une au moins des conditions suspensives n'a pas été réalisée ; que par un arrêt, en date du 18 mars 1992, la Cour d'Appel de Grenoble, saisie par M.X de conclusions tendant à la vente forcée des terrains sous forme authentique et de conclusions subsidiaires tendant au paiement, par la commune de Montgenèvre, d'une somme de 6 401 850 F à titre de dommages-intérêts, a rejeté les prétentions de M.X, motif pris de ce qu'à la suite des annulations prononcées par la juridiction administrative, la cause de la convention du 24 juillet 1978 avait rétroactivement disparu, privant ainsi l'ensemble des obligations qui en découlent de tout effet ; qu'au nombre des obligations ainsi privées d'effet, doit être comptée la stipulation pour autrui, aux termes de laquelle, M.X, en tant que promettant, s'était engagé auprès de la commune, stipulante, à régler les honoraires de M.GUIEU, tiers bénéficiaire de ladite stipulation ; qu'en effet, la validité d'une telle stipulation pour autrui, qui trouve sa source et sa mesure dans le contrat conclu entre le stipulant et le promettant, dont elle constitue l'accessoire, ne saurait être appréciée différemment de celle de la convention du 24 juillet 1978 ; que si, devant le Tribunal de Grande Instance de Toulon, M.X n'a pas entendu opposer à M.GUIEU l'exception tirée de l'absence de cause, pourtant expressément jugée par la Cour d'Appel de Grenoble, qui s'est fondée sur les dispositions de l'article 1131 du code civil, de la convention du 24 juillet 1978, s'agissant du paiement des prestations réalisées pour le compte et à la demande de la commune de Montgenèvre, il a ainsi, de son propre chef, opéré un choix qui prive, en tout état de cause, le lien entre son préjudice, lié au montant des sommes qu'il a dû acquitter en lieux et place de la commune, et la faute de l'Etat, de tout lien direct ; qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité son préjudice à 50 % de la somme de 142 584 F, soit 10 868,39 euros ;

- En ce qui concerne le manque à gagner :

Considérant que dans le dernier état de ses conclusions, M.X sollicite une somme de 2 575 900 F au titre de la perte de bénéfices ; que toutefois, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, les promoteurs immobiliers, victimes de décisions illégales de l'administration, ne peuvent prétendre à l'indemnisation des pertes des bénéfices qu'ils pouvaient escompter de la commercialisation des terrains lotis ou des constructions projetées, que dans le seul cas où lesdites décisions les ont irrégulièrement privés du droit de construire ou de lotir, à l'exclusion des hypothèses dans lesquelles, comme c'est le cas en l'espèce, l'administration leur a illégalement accordé un droit de lotir ; que contrairement à ce que soutient le requérant, aucune autre faute que celle résultant de l'illégalité des arrêtés de transfert de l'autorisation de lotissement et de l'autorisation de mise en vente des lots, n'a été retenue à l'encontre de l'Etat, ni par le Conseil d'Etat, ni par les juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le Tribunal administratif, qui ne s'est fondé, contrairement à ce que soutient le requérant, que sur la seule absence de préjudice indemnisable, a rejeté la demande de M.X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que compte-tenu de la somme de 16 400 F, soit 2500,16 euros, qui lui a été allouée par le Tribunal administratif au titre des frais de géomètre, et qui n'a pas été critiquée par les parties au présent litige, que l'Etat doit être condamné à verser à M.X la somme de 87 692 F, soit 13 368,56 euros ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a limité la condamnation de l'Etat à cette somme ;

- Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant qu'ainsi qu'en a jugé le tribunal administratif, M.X a droit aux intérêts de la somme de 13 368,56 euros à compter du 23 novembre 1987, jour de la réception par le ministre de l'équipement, de sa demande d'indemnisation ; que c'est à tort, toutefois, que par le jugement entrepris, le Tribunal administratif de Marseille n'a retenu que la seule date du 8 janvier 1997 à partir de laquelle M.X était fondé à demander le bénéfice de la capitalisation des intérêts ; qu'il ressort, en effet, des pièces du dossier de première instance que par un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif le 17 mai 1989, date à laquelle, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, plus d'une année d'intérêt était due, M.X avait valablement présenté des conclusions tendant au bénéfice de l'anatocisme ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en ce sens ;

- Sur les frais d'expertise :

Considérant que M.X a versé au dossier copie des chèques qu'il a adressés les 11 décembre 1991 et 15 décembre 1994, à l'expert, M.BRUNET, pour un montant de, respectivement, 21 537,76 F et 10 000 F, en exécution des ordonnances du Président du Tribunal administratif de Marseille en date du 23 octobre 1991 et 18 novembre 1994, portant allocation d'une provision à l'expert ; que c'est donc à tort que par le jugement entrepris, le Tribunal administratif de Marseille, qui avait à juste titre mis à la charge de l'Etat le total des frais d'expertise taxé à la somme de 42 866,78 F, n'a condamné ce dernier à ne rembourser à M.X que la somme de 21 537,76 F ; qu'il y a donc lieu de porter cette condamnation à la somme de 31 537,76 F, soit 4807,90 euros ;

- Sur les conclusions présentées par M.X, tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M.X, la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M.X la somme de 13 368,56 euros (treize mille trois cent soixante huit euros et 56 cents) en réparation des préjudices causés par les décisions illégales du préfet des Hautes-Alpes.

Article 2 : La somme de 13 368,56 euros (treize mille trois cent soixante huit euros et 56 cents) portera intérêt au taux légal à compter du 23 novembre 1987. Les intérêts échus, respectivement les 17 mai 1989 et 8 janvier 1997 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat remboursera à M.X le montant des deux allocations provisionnelles que celui-ci a versées à l'expert pour un montant total de 4807,90 euros (quatre mille huit cent sept euros et 90 cents).

Article 4 : Le jugement en date du 2 juillet 1997 du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M.X la somme de 2000 euros (deux mille euros), au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M.Victor X est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M.Victor X et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, ainsi qu'à M. BRUNET, expert.

Délibéré à l'issue de l'audience du 19 juin 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre,

M. LOUIS, premier conseiller,

Mme BUCCAFURI, premier conseiller

assistés de Mme GUMBAU, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 28 Août 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Marc ROUSTAN Jean-Jacques LOUIS

Le greffier,

Signé

Lucie GUMBAU

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, en ce qui le concerne, et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 97MA01883 13


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 97MA01883
Date de la décision : 28/08/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. LOUIS
Rapporteur public ?: M. BENOIT
Avocat(s) : SCP GASSIER SERIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-08-28;97ma01883 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award