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17/06/2003 | FRANCE | N°00MA02455

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 17 juin 2003, 00MA02455


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 août 2000, sous le n° 00MA02455, présentée pour M. Franco X, demeurant ..., par Me Michel CARDIX, avocat ;

M. Franco X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 26 mai 2000, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 juin 1998 par lequel le préfet du Var a ordonné son expulsion du territoire français ;

2°/ d'annuler l'arrêté en date du 23 juin 1998, ordonnant son expulsion ;

Classement CNIJ :

54 03 03

C

Il soutient :

- que la notification de cet arrêté n'a pas été signée, et...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 août 2000, sous le n° 00MA02455, présentée pour M. Franco X, demeurant ..., par Me Michel CARDIX, avocat ;

M. Franco X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 26 mai 2000, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 juin 1998 par lequel le préfet du Var a ordonné son expulsion du territoire français ;

2°/ d'annuler l'arrêté en date du 23 juin 1998, ordonnant son expulsion ;

Classement CNIJ : 54 03 03

C

Il soutient :

- que la notification de cet arrêté n'a pas été signée, et que le procès-verbal de notification, non daté, ne mentionne pas l'identité de l'auteur de la notification ;

- que cet arrêté n'est pas suffisamment motivé, puisqu'il ne fait qu'évoquer de façon extrêmement vague les faits qui lui sont reprochés ;

- que cet arrêté est entaché d'erreur de droit ; qu'en effet, en application d'une jurisprudence constante, les infractions pénales commises par un étranger ne justifient pas à elles seules une mesure expulsion ; que l'ensemble du comportement personnel de l'intéressé doit être étudié ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

- que cet arrêté est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ne mentionne pas en quoi sa présence peut constituer une menace pour l'ordre public ; qu'au contraire, cet arrêté apparaît bien comme une seconde sanction, laquelle est condamnée par la jurisprudence constante du Conseil d'Etat ;

- que par ailleurs, la menace à l'ordre public doit s'apprécier au moment de la signature de l'arrêté, soit en juin 1998, et non pas en 1994 ; que rien ne permet de dire qu'en 1998 sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public ;

- qu'il convient par ailleurs de relativiser le trouble à l'ordre public causé par ces infractions, qui ne constituent pas des atteintes aux personnes, mais simplement une atteinte aux biens ;

- que de plus, la mesure expulsion doit être fondée sur l'ensemble du comportement de l'intéressé, ce qui n'a pas été fait par l'autorité préfectorale ; que celle-ci n'a pas tenu compte de sa situation personnelle, de son degré d'insertion dans la société française, de ses attaches en France, ainsi que de son comportement au cours de son incarcération ; qu'il n'a pas été tenu compte de son projet de réinsertion dans le département des Alpes-Maritimes ; que n'a pas été davantage considérée la circonstance qu'il s'était présenté avec un casier judiciaire vierge de toute condamnation devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 5 novembre 1997 ;

- qu'il justifie avec sa compagne, d'un domicile depuis plusieurs années à Nice ; qu'au moment de son interpellation, il travaillait régulièrement en France, pour une agence de relations publiques ; qu'il a déclaré pendant de nombreuses années ses revenus sur le territoire français, et a payé ces impôts ;

- qu'il justifie en outre d'une possibilité d'embauche dès sa sortie de la maison d'arrêt au sein d'une entreprise de Nice ;

- que l'ensemble de son comportement, tant à la maison d'arrêt de Nice, qu'au centre de détention de Draguignan, a été exemplaire ; que pour l'ensemble de ces circonstances, la menace grave qu'il pourrait constituer pour l'ordre public français apparaît totalement illusoire ; que dans ces conditions, l'arrêté du préfet du Var est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- que cet arrêté viole les principes communautaires de libre circulation et de libres prestations de services à l'intérieur de la communauté européenne ; qu'en application de la directive du 25 février 1964, interprétée par la cour de justice des communautés européennes, les mesures d'ordre public doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu qui en est l'objet ; que la seule existence de condamnations pénales ne peut motiver des mesures d'ordre public ; que les états membres doivent vérifier dans chaque cas d'espèce si les individus qu'ils souhaitent expulser sont une menace réelle grave et actuelle affectant un intérêt fondamental de la société ; que cela n'est pas démontré par le préfet du Var dans les circonstances de l'espèce, et que donc l'arrêté d'expulsion viole les principes exposés par le traité de Rome et contenus dans la circulaire ; que le préfet du Var n'a pas répondu à l'argumentation tirée de la violation des principes communautaires de libre circulation, libres prestations de services, et de citoyenneté européenne ; que la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes, dans sa dernière évolution, confirme le principe de non-discrimination ;

- que conformément à la jurisprudence communautaire, il ne peut être dérogé aux principes de libre circulation et de libre établissement qu'en cas de menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société ; que ces dispositions doivent être interprétées de manière restrictive ; que dans une affaire comparable, la cour de justice des communautés européennes a sanctionné une expulsion ;

- qu'à aucun moment il n'a eu une attitude dangereuse à l'égard des personnes ou de la société ; qu'aucun intérêt fondamental de la société ne peut être atteint, quatre ans après la commission des faits, pour un trafic de camions volés ; que le rapport socio-éducatif du ministre de la justice du 27 février 1998, qui prend compte l'ensemble de son comportement, n'a pas été considéré par le préfet du Var ; qu'il est évident que son comportement passé actuel et à venir ne peut constituer une menace quelle qu'elle soit, à l'encontre de l'ordre public français ;

- que l'on peut enfin considérer que cet arrêté s'inscrit en violation de la règle non bis in idem ; que la cour européenne des droits de l'homme s'est clairement exprimée sur ce point, en condamnant une décision administrative se fondant sur le même comportement et les mêmes faits qu'une sanction pénale ;

- qu'il justifie d'un domicile fixe à Nice depuis de très nombreuses années, et qu'il vit avec sa compagne depuis plus de vingt ans, et que le couple n'a plus aucune attache en Italie ; que le couple a à sa charge un petit-neveu, âgé de dix ans, régulièrement scolarisé à Nice depuis 1994 ; qu'eu égard à ces circonstances, l'arrêté d'expulsion porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale ;

- que les magistrats de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ont estimé qu'il ne constituait pas un danger ou une menace pour l'ordre public français, puisque dans leur décision du

5 novembre 1997, les magistrats ont infirmé le jugement du Tribunal correctionnel de Nice, qui avait prononcé une interdiction du territoire le concernant ; que si la juridiction pénale n'a pas jugé utile de sanctionner de cette façon le requérant, il ne saurait l'être par l'autorité administrative par un arrêté d'expulsion préventive, alors par ailleurs que la protection de la vie familiale et privée doit largement prévaloir sur une éventuelle menace l'ordre public qui n'est pas caractérisée en l'espèce ;

- que le Tribunal administratif de Nice n'a pas répondu aux divers points soulevés par le requérant, et a cru pouvoir rejeter sa requête alors même que le commissaire du gouvernement avait émis un avis favorable à cette annulation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2001, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête de M. Franco X ;

Il soutient :

- qu'il se réfère à ces écritures de première instance ;

- qu'il ne saurait se prévaloir de la jurisprudence qu'il invoque, dès lors qu'il n'a pas fait l'objet d'une expulsion définitive, ni une interdiction définitive de territoire ; qu'en effet, l'arrêté prononçant expulsion de l'intéressé peut être abrogé à tout moment ;

- que le préfet du Var a dans son mémoire de première instance du 27 novembre 1998, répondu au moyen tiré de la violation du principe de libre circulation, en précisant que les ressortissants communautaires sont soumis au respect de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en particulier de son article 23 ; que de plus, la décision contestée ne prive pas l'intéressé de sa qualité de citoyen européen ; qu'un ressortissant communautaire peut être expulsé pour les mêmes raisons de fonds de forme et de procédure que les autres étrangers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2003 :

- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que, pour rejeter la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var en date du 23 juin 1998 ordonnant son expulsion du territoire français, le Tribunal administratif de Marseille a estimé que les moyens tirés de ce que la notification de l'arrêté ne serait pas signé et de ce que le procès-verbal de notification ne serait pas daté étaient sans influence sur la légalité de la décision attaquée, que celle-ci était suffisamment motivée, que la circonstance que la juridiction pénale avait relevé l'intéressé de la peine accessoire d'interdiction du territoire ne privait pas le préfet des pouvoirs qu'il tenait du décret n° 94-24 du 13 janvier1997, que le requérant ne pouvait soutenir qu'il avait fait l'objet d'une double sanction au sens de l'article 4 du protocole 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'en raison des faits graves commis par l'intéressé , le préfet, qui avait examiné l'ensemble de sa situation et n'avait ainsi pas commis sur ce point d'erreur de droit, n'avait pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation, que la circonstance que le requérant avait poursuivi des efforts de réinsertion après l'intervention de l'acte attaqué était sans influence sur la légalité de ce dernier, que cet arrêté n'était pas contraire aux stipulations du traité instituant la CEE, ni, dès lors que le requérant célibataire et sans enfant et que sa concubine, italienne comme lui, pouvait le rejoindre dans son pays, à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Considérant que M X n'apporte, en appel, aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé des énonciations et des appréciation ainsi portées par le tribunal ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, pour la Cour, de rejeter la requête de M. X par adoption des motifs sus-énoncés retenus par les premiers juges ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Franco X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Franco X et ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 3 juin 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

Mme PAIX, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 17 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé signé

François BERNAULT Evelyne PAIX

Le greffier,

signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

6

N° 00MA02455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA02455
Date de la décision : 17/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : CARDIX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-17;00ma02455 ?
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