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03/06/2003 | FRANCE | N°99MA01803

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 03 juin 2003, 99MA01803


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 septembre 1999 sous le n° 99MA01803, présentée pour la société EUROVIA venue aux droits de la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE dont le siège est 18, place de l'Europe à Rueil-Malmaison (92500), représentée par son représentant légal, par Me RINGLE, avocat ;

Classement CNIJ : 67-03-01-01

C

La société demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 947023 en date du 16 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser les som

mes de 30.000 F à M. Philippe X et de 40.000 F respectivement à MM. Christophe et Olivier X e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 septembre 1999 sous le n° 99MA01803, présentée pour la société EUROVIA venue aux droits de la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE dont le siège est 18, place de l'Europe à Rueil-Malmaison (92500), représentée par son représentant légal, par Me RINGLE, avocat ;

Classement CNIJ : 67-03-01-01

C

La société demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 947023 en date du 16 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser les sommes de 30.000 F à M. Philippe X et de 40.000 F respectivement à MM. Christophe et Olivier X et à garantir la société ASF des condamnations prononcées contre elle ;

2°/ de rejeter les conclusions des consorts X présentées devant le Tribunal administratif de Marseille ;

3°/ subsidiairement de réduire l'indemnité qui leur a été accordée ;

4°/ subsidiairement de condamner la société ASF et SCETAUROUTE à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée contre elle ;

Elle soutient que la requête était insuffisamment motivée, faute pour les requérants d'avoir qualifié juridiquement le terrain de la responsabilité qu'ils entendaient mettre en jeu ; qu'il n'y a pas de lien de causalité entre son activité et l'accident ; que la victime n'apporte pas la preuve du défaut d'entretien normal du chantier en cause ; qu'il n'y avait pas de défaut d'entretien normal ; que la cause réelle de l'accident est imputable aux conducteurs dont les véhicules se sont heurtés ; qu'ils roulaient trop vite et ont manqué de vigilance ; que la survenance de la nappe de vapeur qui a réduit la visibilité était due à un cas de force majeure ; que la signalisation du chantier incombant, en application du cahier des charges, au maître de l'ouvrage, ce dernier doit en tant que de besoin, la garantir de toute condamnation éventuelle ; que le maître d'oeuvre SCETAUROUTE lui doit aussi sa garantie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 25 mai 2000, présenté pour MM. Philippe, Olivier et Christophe X, demeurant respectivement ..., ..., ..., par Me STIRI, avocat ;

Ils demandent à la Cour par la voie de l'appel incident :

1°/ de réformer le jugement susvisé en portant l'indemnité de chacun d'entre eux à 75.000 F ;

2°/ de confirmer, par ailleurs, ledit jugement ;

3°/ de leur allouer 10.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Ils soutiennent que Mme Andrée X, leur mère, n'a commis aucune faute ; que l'accident a été causé par le nuage de vapeur se dégageant du chantier en cause ; que sa présence, et l'absence de signalisation correspondante constituait un défaut d'entretien normal ;

Vu le mémoire enregistré le 12 septembre 2001, présenté pour la société SCETAUROUTE, dont le siège est 11, avenue du Centre à St Quentin en Yvelines - Guyancourt cedex (78286), représentée par son représentant légal, et la société ASF dont le siège est 100, avenue de Suffren à Paris (75015) représentée par son représentant légal, les deux sociétés ayant pour avocat Me WATEL-FAYARD ;

Elles demandent à la Cour :

1°/ l'annulation du jugement susvisé ;

2°/ le rejet des conclusions présentées par les consorts X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

3°/ en ce qui concerne la société ASF, seulement, la garantie de la société EUROVIA pour toute condamnation pouvant être prononcée contre elle ;

Elles soutiennent que le jugement est insuffisamment motivé ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré par la société SCETAUROUTE du fait que sa situation de maître d'oeuvre s'opposait à ce que les victimes d'un dommage de travaux publics puissent utilement la mettre en cause ; elle réitère ce moyen en appel et soutiennent en outre que l'accident en litige est dû à un cas de force majeure ; qu'en effet la survenance du nuage de vapeur qui a réduit la visibilité était imprévisible et irrésistible ; que les conducteurs victimes de cet accident l'ont aussi provoqué par des fautes commises par eux ; qu'ils roulaient à une vitesse excessive et ont manqué d'attention ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative entré en vigueur le 1er janvier 2001 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2003 :

- le rapport de M. DUBOIS, premier conseiller ;

- les observations de Me WATEL-FAYARD pour la société SCETAUROUTE ;

- les observations de Me FRANCESCHINI substituant Me SITRI, pour les consorts X ;

- les observations de Me BERGER-GENTIL substituant Me RINGLE pour la société EUROVIA ;

- les observations de Me WATEL-FAYARD pour la société des autoroutes du sud de la France ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'après avoir décidé que l'entretien normal de l'ouvrage public constitué par la portion de l'autoroute A7 qui était le siège des travaux publics à cause desquels s'était produit l'accident en litige n'était pas établi non plus que l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime de nature à exonérer les défendeurs de leur responsabilité, les premiers juges ont affirmé que dans ces conditions, la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE, la société des autoroutes du sud de la France et la société centrale d'études et de réalisation routière SCETAUROUTE devaient être déclarées solidairement responsable de l'accident en cause ; qu'ainsi ils ont clairement indiqué que cette dernière était au nombre des participants aux travaux publics en cause et pouvait donc utilement être l'objet des conclusions des victimes ; que, dès lors le moyen tiré d'une insuffisance de motivation sur ce point manque en fait ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 10 janvier 1992 l'entreprise COCHERY BOURDIN CHAUSSE effectuait sur l'autoroute A77 au point kilométrique 224 sur le territoire de la commune de Lamanon, des travaux consistant en la pose d'un enrobé à une température de 140 ° sur la chaussée ; que la pluie fine qui tombait depuis 9h30 environ ayant été suivie, vers 10 heures d'abondantes précipitations, un très important dégagement de vapeur, s'est ensuivi ; que cette nappe de vapeur, très dense, supprimant toute visibilité a été poussée par le vent sur la chaussée utilisée pour la circulation et a provoqué une collision en chaîne entre 16 véhicules dont celui de Mme X ;

Considérant en premier lieu qu'il est établi que l'entreprise COCHERY BOURDIN CHAUSSE qui ne pouvait ignorer le risque ainsi créé n'a pas interrompu ses opérations alors que la pluie avait commencé à tomber ; qu'elle n'a pris aucune mesure spécifique au moment où les précipitations se sont aggravées pour ralentir ou interrompre la circulation ; qu'elle ne saurait utilement opposer à la victime une stipulation contractuelle confiant au maître de l'ouvrage la charge de la signalisation ; que, dans ces conditions, l'entretien normal de l'ouvrage public en cause n'est pas établi ;

Considérant que les précipitations qui ont été l'occasion de l'accident en cause n'avaient en aucun cas un caractère exceptionnel de nature à les faire regarder comme un cas de force majeure ;

Considérant qu'il est établi que les conducteurs des véhicules concernés par cet accident ont été plongés brutalement dans une nappe de vapeur dense qui supprimait toute visibilité et que ce phénomène, étant donné l'absence de contraste de couleur entre cette vapeur et l'environnement ne pouvait être aperçu qu'à très courte distance ; que s'il est établi que certains des conducteurs impliqués dans l'accident roulaient à une vitesse excessive, aucun élément du dossier ne permet d'établir que c'était le cas du véhicule conduit par Mme X ; qu'aucun autre élément produit au dossier ne révèle de la part de cette dernière une imprudence quelconque ; qu'enfin, les requérants pouvaient utilement demander réparation du dommage causé par les travaux publics en cause sans avoir à qualifier de manière plus précise le terrain juridique de leur demande, contrairement à ce que soutient la société SCETAUROUTE ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré solidairement la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE, en sa qualité d'entrepreneur, la société des autoroutes du sud de la France en sa qualité de maître de l'ouvrage, et enfin la société SCETAUROUTE, qui en sa qualité de maître d'oeuvre était un des participants aux travaux publics dont s'agit et pouvait, par conséquent être utilement mis en cause par la victime, responsables à 100 % du dommage ainsi causé ;

Sur le préjudice :

Considérant que les consorts X demandent, par la voie de l'appel incident, l'augmentation des indemnités allouées par les premiers juges, alors que la société EUROVIA venue aux droits de la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE demande, par la même voie la réduction de cette indemnité ; que ces conclusions ne sont assorties d'aucune précision ni d'aucun moyen ; que dès lors, et en tout état de cause, elles ne pouvaient être que rejetées ;

Sur l'appel en garantie formé par la société EUROVIA venue aux droits de la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE et dirigé contre la société des autoroutes du sud de la France et la société SCETAUROUTE :

Considérant que pour demander la garantie du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre, la société EUROVIA se fonde sur l'article 8-4-6-1 de l'annexe II du cahier des clauses administratives particulières qui dispose que : Sur autoroute, la signalisation temporaire verticale du chantier (panneaux indicatifs) sera fournie, mise en place et surveillée par le maître de l'ouvrage et à ses frais, pendant le délai d'exécution ; qu'il résulte de l'instruction que l'accident en litige n'a en aucune manière été causé par une insuffisance de la signalisation verticale que le maître de l'ouvrage avait la charge de mettre en place et d'entretenir pendant la durée du chantier ; que si la survenance inopinée de la nappe de vapeur qui a causé l'accident pouvait justifier l'arrêt provisoire de la circulation, une telle mesure d'urgence, ne relève pas de l'obligation générale de signalisation du chantier visé par les dispositions précitées de l'article

8-4-6-1 de l'annexe II du cahier des clauses administratives particulières ; que la société EUROVIA, qui n'est ainsi pas fondée à invoquer une faute commise par le maître d'oeuvre ou par le maître de l'ouvrage dans la mise en place ou dans la tenue de la signalisation verticale, n'invoque aucune autre faute précise qui serait imputable à ces personnes ; qu'ainsi ses conclusions d'appel en garantie doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des consorts X tendant au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société EUROVIA venue aux droits de la société COCHERY BOURDIN CHAUSSE est rejetée.

Article 2 : L'appel incident des consorts X est rejeté.

Article 3 : L'appel incident des sociétés SCETAUROUTE et de la société ASF est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société EUROVIA, aux consorts X, à la société SCETAUROUTE, à la société ASF, à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Aude, à M. Y Marcel, à M. Z Frédéric et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 20 mai 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

M. DUBOIS, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 3 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

signé signé

François BERNAULT Jean DUBOIS

Le greffier,

signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 99MA01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01803
Date de la décision : 03/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. DUBOIS
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : RINGLE-ROY-ORSONI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-03;99ma01803 ?
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