Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 29 janvier 1998, sous le n° 98MA00124, présentée par Mme X..., demeurant ... ;
Mme X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 93-3213 en date du 22 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit à sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 1990 et 1991 ;
2°/ d'accorder la décharge et la restitution desdites impositions ainsi que les intérêts de droit ;
3°/ de lui allouer une indemnité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Classement CNIJ : 19-01-01-05
C
Elle soutient que l'imposition qui lui est réclamée est irrégulière en ce qu'elle découle d'une discrimination fondée sur sa seule nationalité ; qu'en effet, sa situation est défavorable par rapport à celle d'un français placé dans la même situation qu'elle ; que cette discrimination est contraire tant à la doctrine de l'administration qu'à la convention franco-italienne du 29 octobre 1958 en son article 22 bis ; qu'elle est, au surplus, contraire à l'article 6 du traité de la Communauté économique européenne ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 1999, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que le service a, en l'espèce, régulièrement appliqué l'article 164 C du code général des impôts ; qu'il n'y a, en l'espèce, aucune discrimination irrégulière, dès lors que la requérante compare sa situation à celle d'un ressortissant français qui serait, en réalité, placé dans une situation de droit et de fait différente ; que la demande d'intérêts est, irrecevable, faute de litige né et actuel ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 avril 1999, présenté par Mme X... ; elle conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 1999, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 1999, présenté par Mme X..., elle conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 1999, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2000, présenté par Mme X..., elle conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la convention franco-italienne du 29 octobre 1958 et l'avenant du 6 décembre 1965 à cette même convention ;
Vu la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative entré en vigueur le 1er janvier 2001 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2001 :
- le rapport de M. DUBOIS, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Sur les conclusions relatives à l'année 1991 :
Considérant qu'aucune imposition sur le revenu n'a été établie à l'encontre de Mme X... pour l'année 1991 ; que, dès lors, les conclusions relatives à cette année ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les autres conclusions de la requête :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts : “Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou ces habitations à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt” ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, Mme X..., domiciliée dans la principauté de Monaco, de nationalité italienne, a été assujettie à l'impôt sur le revenu, au titre des années 1990, 1991 et 1992 sur la base de la valeur locative des habitations dont elle était propriétaire dans la commune de Saint-Jean Cap Ferrat ; que, pour demander à être déchargée de cette imposition, Mme X... invoque la clause d'égalité de traitement contenue dans l'article 22 bis de la convention fiscale franco-italienne ;
Considérant que l'article 22 bis de la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 en sa rédaction issue de l'avenant du 6 décembre 1965 stipule : “Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation” ;
Considérant que Mme X... soutient qu'elle est, en raison de sa seule nationalité, soumise à une imposition différente de celle à laquelle sont soumis les ressortissants français qui, comme elle, résident à Monaco et disposent d'une habitation en France ;
Considérant que l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco stipule : “1- Les personnes physiques de nationalité française qui transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence -ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962-seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu... dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France...” ; qu'il en résulte que les ressortissants français qui, comme Mme X... résident à Monaco et disposent d'une habitation en France, doivent être regardés comme ayant en France leur domicile fiscal au sens des dispositions de l'article 4 A du code général des impôts, et sont assujettis en France à l'impôt sur le revenu en raison de leur domicile ou de leur résidence ; que les ressortissants français se trouvant dans cette situation sont, ainsi, imposés sur la base de leurs revenus réels, dans la mesure où ils disposent de revenus imposables, et non, comme l'a été la requérante selon le revenu forfaitaire défini par l'article 164 C précité ;
Considérant que si les clauses de non-discrimination contenues dans la convention franco-italienne précitée ne s'opposent pas, en principe, à ce qu'un non-résident de l'un des Etats signataires soit imposé différemment, autrement, ou plus lourdement qu'un résident de cet Etat, c'est à la condition, toutefois, que cette distinction repose sur des différences objectives de situation et ne résulte pas exclusivement, sous l'effet de règles de droit interne ou de conventions internationales, de la nationalité des intéressés ; qu'en l'espèce, ce n'est qu'en raison de sa nationalité que le domicile fiscal de Mme X... diffère de celui de nationaux français résidant à Monaco et disposant d'une ou plusieurs habitations en France ; que, dans ces conditions, la différence de situation qu'invoque le ministre, et dans laquelle se trouve Mme X... au regard des règles relatives au domicile fiscal, ne saurait, sans que soit méconnu l'article 22 bis de la convention franco-italienne précité, justifier qu'elle soit soumise à une imposition autre, différentes, ou plus lourde que celle à laquelle sont assujettis les ressortissants français qui, comme eux, résident à Monaco et disposent d'une ou de plusieurs habitations en France ; que, par suite, ces stipulations faisaient obstacle à ce que Mme X... soit assujettie en France à l'impôt sur le revenu selon la base forfaitaire prévue par l'article 164 C du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit à sa demande tendant à la décharge des impositions sur le revenu établies à son encontre au titre de l'année 1990 ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.208 du livre des procédures fiscales en cas de restitution d'imposition les intérêts moratoires doivent être payés spontanément par le comptable chargé du recouvrement ; que, dès lors, les conclusions de Mme X... sur ce point sont, en l'absence de litige né et actuel, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à payer à Mme X... l'indemnité non chiffrée qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné décharge des impositions sur le revenu réclamées à Mme X... pour l'année 1990.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejetée.
Article 3 : Le jugement n° 93-3213 en date du 22 octobre 1997 du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré à l'issue de l'audience du 18 décembre 2001, où siégeaient :
M. LUZI, président de chambre,
M. DUBOIS, Mme PAIX, premiers conseillers,
assistés de Mme GIORDANO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 27 décembre 2001.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Jean-Claude LUZI Jean DUBOIS
Le greffier,
Signé
Danièle GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,