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18/12/2001 | FRANCE | N°98MA01995

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3e chambre, 18 décembre 2001, 98MA01995


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 novembre 1998 sous le n° 98MA01995, présentée pour Mme Josette X..., par Me DONNEAUD, avocat ;
Mme X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 27 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en réparation des conséquences dommageables de l'accident mortel de la circulation dont sa fille a été victime le 24 septembre 1994, laquelle demande était dirigée solidairement contre la commune d'Allos et le département des Alpes de Haute-Provenc

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2°/ de condamner solidairement les deux personnes publiques en ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 novembre 1998 sous le n° 98MA01995, présentée pour Mme Josette X..., par Me DONNEAUD, avocat ;
Mme X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 27 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en réparation des conséquences dommageables de l'accident mortel de la circulation dont sa fille a été victime le 24 septembre 1994, laquelle demande était dirigée solidairement contre la commune d'Allos et le département des Alpes de Haute-Provence ;
2°/ de condamner solidairement les deux personnes publiques en cause à lui verser une indemnité de 100.000 F au titre du préjudice moral subi, ainsi que 10.000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 Pluviose an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2001 :
- le rapport de Mme GAULTIER, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R 229 du code des tribunaux administratifs, alors en vigueur, le délai d'appel contre un jugement rendu par un tribunal administratif est de deux mois à compter du jour où sa notification a été faite à la partie appelante ; que l'appel formé par Mme X... à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 juillet 1998 a été enregistré au greffe de la Cour le 10 novembre 1998 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X... ait reçu notification du jugement attaqué plus de deux mois avant la date à laquelle son appel a été enregistré ; qu'il suit de là que la fin de non recevoir opposée par le département des Alpes-de-Haute-Provence et tirée de la tardiveté de la requête ne peut qu'être rejetée ;
Sur les responsabilités :
Considérant que, le 24 septembre 1994, vers 5 heures du matin, alors qu'elle circulait sur la RD 908, de Colmars vers Allos, Melle Muriel Y..., alors âgée de 27 ans, a été victime d'un accident mortel par noyade, sa voiture ayant été emportée par les eaux du Verdon ; qu'il n'est pas contesté qu'au cours de la nuit, la digue sur laquelle reposait la chaussée a été attaquée par les eaux en crue et s'est effondrée sur une cinquantaine de mètres de longueur, à un endroit non visible à l'avance, surtout de nuit, et que l'accident est entièrement imputable à cet effondrement ;

Considérant que sévissaient alors dans cette zone de fortes précipitations ayant provoqué des crues ; que des mesures d'évacuation dans une commune voisine avaient été prises ainsi que des mesures de surveillance du réseau routier ; que le département des Alpes-de-haute-Provence, maître de l'ouvrage public routier sur lequel s'est produit l'accident, fait notamment valoir qu'un de ses agents était passé à l'endroit de l'accident, dans la nuit du 23 au 24 septembre 1994, vers 3h40, et avait notamment vérifié que l'affouillement de la digue constaté au cours de la journée précédente, à environ 100 m de cet endroit, n'avait pas évolué ; que, pour tenter de s'exonérer de la responsabilité encourue envers la victime, qui avait la qualité d'usager, le département soutient que ses services assuraient une surveillance normale de l'ouvrage et que l'effondrement de la digue, ancienne et jamais attaquée par les eaux jusque là, n'était pas prévisible ; que les circonstances et mesures exceptionnelles décrites ci-dessus démontrent toutefois qu'il existait au moins un risque de submersion de la chaussée en cause et que ce risque était connu des services responsables de l'entretien et de la surveillance de l'ouvrage ; qu'il s'ensuit que l'existence d'un cas de force majeure et imprévisible ne peut être retenue en l'espèce ; qu'il n'est pas contesté, par ailleurs, que ce risque connu n'a fait l'objet d'aucune signalisation à l'attention des usagers, voire d'une fermeture provisoire à la circulation ; que les mesures prises étaient manifestement insuffisantes, et que le département des Alpes-de-Haute-Provence ne saurait, dès lors, être regardé comme apportant la preuve d'un entretien normal de la voie publique ; que la responsabilité de la commune d'Allos à raison d'un prétendu défaut d'entretien des berges du Verdon ne constitue pas, en tout état de cause, la cause directe de l'accident et n'est, au surplus, aucunement établie ; qu'en conséquence, sa responsabilité doit être écartée et celle du département intégralement retenue ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en réparation des conséquences dommageables de l'accident, en tant qu'elle était dirigée contre le département des Alpes-de-Haute- Provence ;
Sur la réparation :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la douleur morale éprouvée par Mme X..., mère de la victime, en lui allouant une indemnité de 50 000 F ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative en condamnant le département des Alpes-de-Haute-Provence à payer à Mme X... une somme de 6.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1 : Le département des Alpes-de-Haute-Provence est déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident mortel de la circulation survenu le 24 septembre 1994 à Melle Muriel Y... et condamné à verser à sa mère, Mme X..., une indemnité de 50.000 F ;
Article 2 : Le département des Alpes-de-Haute-Provence est condamné à verser à Mme X... une indemnité de 6.000 F au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté ;
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... , au département des Alpes-de-Haute-Provence, à la commune d'Allos et au ministre de l'Equipement, des transports et du logement ;


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA01995
Date de la décision : 18/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FORCE MAJEURE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES SUR LES VOIES PUBLIQUES TERRESTRES - DEFAUT D'ENTRETIEN NORMAL - SIGNALISATION.


Références :

Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme GAULTIER
Rapporteur public ?: M. BEDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-12-18;98ma01995 ?
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