La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2001 | FRANCE | N°98MA00675

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3e chambre, 18 décembre 2001, 98MA00675


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 avril 1998 sous le n° 98MA00675, présentée pour la SA "HOTEL SAVOURNIN", prise en la personne de son liquidateur, M. X..., par Me HERMANT ;
La SA "HOTEL SAVOURNIN" demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 93-4557 en date du 21 janvier 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la décharge du supplément d'impôts sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1986 dans les rôles de la commune de Cagnes-sur-

Mer ainsi que des pénalités afférentes ;
2°/ de prononcer la décharge d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 avril 1998 sous le n° 98MA00675, présentée pour la SA "HOTEL SAVOURNIN", prise en la personne de son liquidateur, M. X..., par Me HERMANT ;
La SA "HOTEL SAVOURNIN" demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 93-4557 en date du 21 janvier 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la décharge du supplément d'impôts sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1986 dans les rôles de la commune de Cagnes-sur-Mer ainsi que des pénalités afférentes ;
2°/ de prononcer la décharge des cotisations et des majorations en cause ;
3°/ de prononcer le sursis à exécution du jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2001:
- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;
- les observations de Me HERMANT, pour la S.A. "HOTEL SAVOURNIN :
- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 9 février au 3 mai 1989, le vérificateur a considéré que la S.A. "HOTEL SAVOURNIN", titulaire d'un bail commercial, était en droit de percevoir, au cours de l'exercice 1986, une indemnité d'éviction de la part du bailleur qui entendait vendre son immeuble et que le renoncement de la société à cette indemnité s'analysait comme un acte anormal de gestion ; que le vérificateur a, en conséquence, réintégré dans les résultats comptables de l'exercice 1986 le montant de l'indemnité en cause évalué à la somme de 3 050 000 F ; que cette somme, après réclamation de la société, a été imposée selon le régime des plus-values à long terme prévu à l'article 39 duodecies-3 du code général des impôts ; que la S.A. "HOTEL SAVOURNIN" relève régulièrement appel du jugement en date du 21 janvier 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés et des majorations consécutives à l'imposition d'une somme réintégrée en tant qu'indemnité d'éviction ;
Considérant que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient à l'administration, en règle générale, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ; que le redressement en litige a été établi selon la procédure contradictoire ; que le rehaussement n'a pas été accepté par la société ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été saisie du différend qui opposait le contribuable et l'administration ; qu'il suit de là qu'il appartient à l'administration d'établir les faits d'où résulterait l'acte anormal de gestion invoqué ;
Considérant que la renonciation du preneur d'un bail commercial à percevoir du bailleur une indemnité d'éviction constitue une renonciation à une recette pouvant s'analyser comme un acte anormal de gestion ; que, toutefois, l'administration ne peut réintégrer le montant d'une telle indemnité dans les résultats d'un exercice que si le preneur était en droit d'obtenir du bailleur, de façon certaine au cours de cet exercice, le paiement de l'indemnité en cause ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal., ALe bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur devra ... payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ; qu'il résulte de ces dispositions que la vente, par le bailleur, de l'immeuble donné à bail oblige, sauf exceptions qui ne sont pas en cause dans le cadre du présent litige, le bailleur a délivrer congé au preneur et à verser à ce dernier une indemnité d'éviction ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'activité de la société était déficitaire depuis 1983 ; que l'absence de rentabilité de l'hôtel résulte notamment du refus opposé à deux reprises, à sa demande de permis de construire en vue de moderniser les locaux très vétustes qu'elle occupait ; que parallèlement, les graves problèmes de santé de Mme Y..., qui assumait avec son époux la gestion de l'hôtel jusqu'en 1986, l'ont empêchée de poursuivre toute activité ; qu'il résulte enfin du rapport du commissaire aux comptes, établi à la fin de l'année 1985, qu'il envisageait de mettre en oeuvre la procédure "d'alerte", prévue par l'article 34 de la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable du contentieux ; que dès lors, en se bornant à soutenir que la sous-traitance de l'activité de restauration de l'établissement, à partir de l'année 1985, aurait contribué à la dégradation des résultats, l'administration fiscale n'établit pas que la société aurait, volontairement, organisé la cessation de son activité pour n'être pas en situation de percevoir l'indemnité d'éviction ;
Considérant, en outre, que l'administration fiscale soutient que M. X..., président-directeur général de la société S.A. "HOTEL SAVOURNIN", et porteur de la majorité des parts, et également propriétaire de l'immeuble donné à bail a signé dès le 22 juillet 1986 une promesse de vente relative à l'immeuble en cause ; que l'administration déduit de cette promesse de vente que l'intention de vendre manifestée par le bailleur justifiait la perception par le locataire de l'indemnité d'éviction ;
Considérant toutefois, que si, aux termes de l'article 1589 du code civil : La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ; la promesse de vente signée le 22 juillet 1986 par M. X... était assortie d'une double condition suspensive tenant d'une part à la possibilité pour l'acheteur d'obtenir le permis de construire et le permis de démolir relatifs au programme qu'il projetait, au plus tard dix mois à compter de la signature de l'acte et, d'autre part, à l'absence de recours des tiers contre les autorisations dans l'hypothèse où celles-ci seraient obtenues ; que l'administration n'établit ni même n'allègue que ces conditions suspensives auraient été levées avant le 31 décembre 1986 ; que le bailleur, compte-tenu de l'incertitude dans laquelle il se trouvait au cours de l'année 1986 de voir la vente se concrétiser, n'avait aucune obligation de délivrer congé au preneur au cours de l'année en cause ; que, corrélativement, la S.A. "HOTEL SAVOURNIN", en sa qualité de preneur ne pouvait se prévaloir au cours de l'année 1986 d'aucun droit à l'indemnité d'éviction prévue à l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 ; que, par suite, l'administration n'établit pas, nonobstant la communauté d'intérêts existant entre le preneur et le bailleur, que le contribuable était en situation, en toute hypothèse, de percevoir en 1986 une indemnité d'éviction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. "HOTEL SAVOURNIN" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités afférentes, auxquelles elle a été assujettie du fait de la réintégration dans ses résultats de l'exercice 1986 de la somme correspondant à une indemnité d'éviction ;
Article 1er : Le jugement n° 93-4557 du Tribunal administratif de Nice en date du 21 janvier 1998 est annulé.
Article 2 : La S.A. "HOTEL SAVOURNIN" est déchargée, en droits et en pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie du fait de la réintégration dans ses résultats de l'exercice 1986 de la somme correspondant à une indemnité d'éviction.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. "HOTEL SAVOURNIN" et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA00675
Date de la décision : 18/12/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION


Références :

CGI 39 duodecies-3
Code civil 1589
Décret 53-960 du 30 septembre 1953 art. 8
Loi du 01 mars 1984 art. 34


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-12-18;98ma00675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award