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13/12/2001 | FRANCE | N°97MA05321

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3e chambre, 13 décembre 2001, 97MA05321


Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 13 novembre 1997 sous le n° 97MA05321, l'ordonnance en date du 29 octobre 1997 par laquelle le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement de la requête présentée par M. Alfonso X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 4 septembre 1997, ainsi que le mémoire enregistré le 5 septembre 1997, présentés par M. Alfonso X..., ;
M. Alfonso X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 5 juin 1997 pa

r lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en d...

Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 13 novembre 1997 sous le n° 97MA05321, l'ordonnance en date du 29 octobre 1997 par laquelle le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Marseille le jugement de la requête présentée par M. Alfonso X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 4 septembre 1997, ainsi que le mémoire enregistré le 5 septembre 1997, présentés par M. Alfonso X..., ;
M. Alfonso X... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement du 5 juin 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes maintenues à sa charge pour les années 1982 à 1985 dans les rôles de la commune d'Antibes ;
2°/ de faire droit à sa demande de première instance ;
3°/ de maintenir le sursis de paiement des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2001 :
- le rapport de M. GUERRIVE, président assesseur ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;

Sur la procédure d'imposition
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressements du 11 décembre 1986, relative à l'année 1982 :
Considérant que M. X... soutient que la notification de redressements en date du 11 décembre 1986 qui lui a été adressée aurait été insuffisamment motivée dans la mesure où elle se bornait à énoncer le montant global des sommes taxées d'office ; qu'il résulte, cependant, de l'examen de cette notification qu'elle se référait expressément à la lettre du 13 octobre 1986 par laquelle l'administration avait demandé à M. X... des éclaircissements et des justifications sur la liste détaillée des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et que le montant total des sommes d'origine inexpliquée figurant dans la notification de redressements correspondait au total des sommes ainsi préalablement énumérées ; qu'en outre cette notification précisait les raisons pour lesquelles les justifications apportées par l'intéressé ne pouvaient être admises ; que, par suite, et alors même qu'une copie de la demande de justifications n'était pas jointe à la notification de redressements, les bases ou éléments servant au calcul de l'imposition, ainsi que les modalités de leur détermination, ont bien été portées à la connaissance du contribuable, ainsi que l'exige l'article L.76 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la mise en demeure de souscrire une déclaration pour l'année 1982 :
Considérant que l'administration produit à l'instance la lettre du 2 décembre 1983 par laquelle M. X... répond à la mise en demeure qui lui avait été adressée le 24 novembre 1983 ; que M. X..., qui ne conteste pas l'authenticité de ce document, doit être regardé comme ayant reçu cette mise en demeure au plus tard le 2 décembre 1983 ; qu'il est constant qu'il n'a pas souscrit la déclaration demandée dans les trente jours suivants ; que c'est par suite à bon droit qu'en application des articles L.66 et L.67 du livre des procédures fiscales l'administration a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office pour l'année 1982 ;
En ce qui concerne la régularité de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. X... :

Considérant que, lorsqu'en application des dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales, l'administration avise un contribuable qu'elle entreprend une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, elle doit, avant d'effectuer toute démarche tendant à recueillir, pour les besoins de cette vérification, des informations ou des documents, soit auprès de ce contribuable, soit auprès de tiers, laisser à l'intéressé un délai suffisant pour lui permettre de s'assurer l'assistance d'un conseil de son choix ; que, toutefois, aux termes de l'article 35-II de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 : "En cas de ... vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble mentionnée à l'article 67 de la loi de finances pour 1976, la demande au contribuable des relevés de compte dans l'avis de vérification ou simultanément à l'envoi ou à la remise de cet avis, ainsi que l'envoi ou la remise de toute demande de renseignement en même temps que cet avis, sont sans influence sur la régularité des procédures lorsque celles-ci ont été engagées avant l'entrée en vigueur de la présente loi" ; que le seul fait que la notification de redressements envoyée à M X... mentionne que la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble a commencé le 6 juin1986, date de l'avis de vérification, n'établit pas que, dès cette date, l'administration aurait procédé, pour les besoins de la vérification, à d'autres démarches que celle qui a consisté à demander à M. X... de lui fournir des relevés de compte et des renseignements patrimoniaux ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas bénéficié de la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne l'utilisation de la procédure de taxation d'office pour les années 1983 à 1985 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, l'administration "peut demander au contribuable des éclaircissements ( ...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration ( ...) Les demandes d'éclaircissements et de justifications doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours" ; qu'en vertu de l'article L. 69 du même livre : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., en réponse aux demandes de justifications qui lui avaient été adressées le 13 octobre 1986 par l'administration en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, a d'abord sollicité un délai supplémentaire de réponse puis s'est borné, le 6 décembre 1986, à produire des documents destinés à établir qu'il n'était pas imposable en France, et à faire état de prêts en francs suisses, dont le produit, converti en francs français, aurait été versé sur ses comptes bancaires, ou utilisé pour l'achat de pièces d'or ; que cette réponse n'apportait toutefois, outre le fait que M. X... disposait de fonds en Suisse, aucun élément sur l'origine des sommes en cause et doit être regardée, par son imprécision, comme un refus de répondre aux demandes d'éclaircissements et de justifications ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a taxé d'office les sommes dont M. X... a ainsi disposé au cours des années en cause ;
En ce qui concerne la régularité de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
Considérant que M. X... soutient, d'une part, que la convocation du 28 août 1990 pour la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est tenue le 12 octobre 1990 ne lui est parvenue que le 14 septembre, soit moins de trente jours avant la séance comme le prévoit l'article R.60-1 du livre des procédures fiscales, issu de la loi du 12 juillet 1987, et, d'autre part, que l'avis de cette commission ne serait pas suffisamment motivé, au regard des exigences de l'aricle R.60- 3 du même livre ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, applicable à la date à laquelle a été rendu l'avis litigieux, que les vices de forme susceptibles d'affecter l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition ; qu'ainsi les irrégularités invoquées par M. X... ne sont pas, en tout état de cause, susceptibles d'être utilement invoquées à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions litigieuses ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'il résulte des dispostions du dernier alinéa de l'article L.192 du livre des procédures fiscales que, même lorsque la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie du litige, la charge de la preuve incombe à l'administration en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L.16 et L.69 ; qu'ainsi, et alors même que l'avis de la commission aurait été irrégulier, M. X... supporte la charge de prouver l'exagération des impositions qu'il conteste ;
En ce qui concerne les acquisitions de pièces d'or :

Considérant que, pour justifier de l'origine de 70 des pièces d'or de 50 pesos mexicains qu'il a cédées le 1er mars 1983, M. X... soutient qu'il en a fait l'acquisition en 1976 ; qu'à cette fin il produit un bordereau d'achat anonyme de la charge Michel pour 60 pièces le 22 novembre 1976, et des attestations des 2 juin 1988 et 28 septembre 1990 émanant d'un ancien gérant de portefeuilles à la charge Michel, et alors en fonctions à la charge Melendes ; que ces attestations précisent que M. X... a acheté 70 pièces, dont 60 en novembre 1976, et que cette opération a été réglée par chèque bancaire ; qu'en admettant même que ces documents soient susceptibles d'établir que M. X... a bien procédé à l'acquisition de pièces en 1976, aucun des documents produits ne permet d'établir, ni même de rendre probable que les pièces cédées en 1983 étaient bien celles acquises en 1976, alors qu'il n'est pas contesté que M. X... se livrait à de multiples opérations d'achat et de vente d'or ; que ce dernier ne peut, par suite, être regardé comme justifiant de l'origine des pièces cédées ;
En ce qui concerne les transferts de fonds en provenance de Suisse :
Considérant que, selon M. X..., le compte Suisse qui alimentait les comptes examinés par le service aurait été approvisionné par l'encaissement de l'amortissement d'un emprunt de 30 millions de francs belges consenti en 1980 à la société COBLAM (Luxembourg) par la société SEMAF (Lichtenstein) dont M. X... serait le seul actionnaire ; que la société COBLAM aurait remboursé cet emprunt sous forme de huit billets à ordre qui auraient été présentés à la banque Bruxelles Lambert en Suisse, et que les fonds ainsi obtenus auraient ensuite été transférés sur les comptes français ou monégasques examinés par l'administration ;
Considérant que pour établir ces affirmations, M. X... produit le contrat prêt de SEMAF à COBLAM de 30 285 000 FB, les relevés du compte de SEMAF à l'Union des Banques Suisses , faisant apparaître trois débits en mars 1981 , pour un total de 1 746 768 francs suisses, les avis de crédits correspondants en mars 1981 sur le compte COBLAM à la Banque commerciale de Luxembourg, une attestation de la banque Bruxelles Lambert Suisse du 27 novembre 1986 indiquant, sans en préciser la date exacte, des crédits consentis à M. X... pour 1982 (200 000 F), 1983 (40 000F), 1984 (250 000F) et 1985 (450 000F), et une attestation de la même banque du 27 novembre 1986 indiquant confirmer, sans en préciser la date, le remboursement des billets à ordre n° 1 à 5, ainsi que la copie de ces billets à ordre ;

Considérant toutefois que, malgré la précision de ces documents, rien ne permet d'établir qu'il y aurait eu confusion entre les fonds personnels de M. X... et ceux de la société SEMAF, bien qu'il en ait été l'unique actionnaire ; que, dès lors, l'existence d'un prêt de SEMAF à COBLAM ne peut, à elle seule, justifier les sommes encaissées par M. X... ; que rien ne permet non plus d'établir que les sommes encaissées sur les comptes examinés de M. X... proviennent du paiement des cinq billets à ordre encaissés auprès de la Banque Bruxelles Lambert ; qu'en effet l'administration soutient, sans être contredite, que les versements litigieux ne proviennent pas de cette banque mais d'une autre banque suisse et de la Banque de France ; qu'au surplus, les montants des versements pris en compte par l'administration ne correspondent pas à ceux figurant dans les pièces produites ; que M. X... ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe ;
Sur les pénalités :
Considérant que les impositions relatives aux années 1983, 1984 et 1985 ont été assorties des pénalités de mauvaise foi prévues par l'article 1729 du code général des impôts ; que l'administration a, le 12 juillet 1988, adressé une lettre à M. X..., qui rappelle la procédure suivie et les notifications de redressements adressées à M. X... et qui précise que, Aeu égard à l'importance et à la nature des revenus taxés, qui correspondent à des ressources d'origine indéterminée créditées sur vos comptes français ou utilisées pour la réalisation d'importantes opérations financières réalisées en France non déclarées, les rappels de droits résultant de la taxation des redressements susvisés seront assortis de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts dont les modalités de calcul sont reproduites au verso des notifications de redressements ci- dessus rappelées ; que cette lettre contient un exposé suffisant des éléments de fait et de droit justifiant l'application des pénalités ;
Considérant que l'importance des redressements, la nature des revenus litigieux et l'absence de justification probante de leur origine ne suffisent pas à établir l'absence de bonne foi du contribuable ; que si, en outre, l'administration invoque le fait qu'au cours de la vérification de sa situation, M. X... se serait abstenu d'informer l'administration de l'existence de comptes bancaires dont il disposait à Monaco, cette circonstance, qui, au demeurant, ne concerne que les redressements au titre de l'année 1985, témoigne de la mauvaise volonté du contribuable au cours de cette vérification, mais n'est pas de nature à établir sa mauvaise foi ; que l'administration n'invoque pas d'autre élément pour apporter la preuve qui lui incombe ; que M. X... est, par suite, fondé à demander la décharge des pénalités auxquelles il a été assujetti pour les années 1983, 1984 et 1985 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge, en tant qu'elle concernait les pénalités susmentionnées ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge de ces pénalités, d'y substituer les intérêts de retard dans le cas où ils n'auraient pas été appliqués aux impositions correspondantes, de réformer en ce sens le jugement attaqué, et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
Article 1er : M. X... est déchargé des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983, 1984 et 1985. Dans le cas où ils n'auraient pas été appliqués auxdites cotisations, les intérêts de retard sont substitués à ces pénalités, dans la limite de leur montant.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 5 juin 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alfonso X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Copie en sera également adressée au Trésorier payeur général des Alpes-maritimes.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE.


Références :

CGI 1729
CGI Livre des procédures fiscales L76, L66, L67, L47, L16, L69, R60-1, L192
Loi du 12 juillet 1987
Loi 89-936 du 29 décembre 1989 art. 35


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GUERRIVE
Rapporteur public ?: M. DUCHON-DORIS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3e chambre
Date de la décision : 13/12/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 97MA05321
Numéro NOR : CETATEXT000007581121 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-12-13;97ma05321 ?
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