Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 février 1999 sous le n° 99MA00351, présentée pour Mme Christiane Z... épouse Y..., demeurant ... et M. Pierre PALOMBIERI, demeurant 159, avenue du Château Gombert, les Prairies, Bât. A2 à Marseille (13013), héritiers de M. Raymond PALOMBIERI, par Me X..., avocat ;
Les héritiers PALOMBIERI demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 17 décembre 1998, rendu dans l'instance n° 95-1140, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. Raymond PALOMBIERI, dont Mme Y... et M. Pierre PALOMBIERI sont les héritiers et qui ont repris l'instance, tendant à la condamnation du MINISTRE DE L'INTERIEUR au paiement des intérêts moratoires afférents aux rappels de traitement et pension versés au titre de son reclassement rétroactif dans le corps des commissaires de police en application de la loi du 3 décembre 1982 modifiée ;
2°/ de condamner l'Etat à leur payer la somme de 967.593,50 F au titre des intérêts moratoires, avec intérêts de droit au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 11 juillet 1994 ;
3°/ de condamner l'Etat à leur régler la somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982 modifiée par la loi n° 87-503 du 8 juillet 1987 ;
Vu le code civil ;
Vu l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2001 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant que, dès lors qu'il rejetait la demande de M. PALOMBIERI fondée sur l'article 1153 du code civil et tendant au paiement des intérêts moratoires sur les rappels de traitement et pension qui lui avaient été versés à la suite de la reconstitution de sa carrière, le tribunal administratif n'était pas tenu de viser ni de citer les dispositions dudit article dont il écartait l'application ; que le rejet des prétentions du requérant par les premiers juges est motivé par l'absence de demande de l'intéressé tendant au paiement de ces rappels, les intérêts n'ayant pas, dans ces conditions, commencé à courir ; que l'erreur de plume ayant conduit à qualifier d'intérêts compensatoires et non moratoires les sommes réclamées par M. PALOMBIERI est sans influence sur le sens et la régularité du jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé et que, dès lors, les héritiers de M. PALOMBIERI, qui ont repris l'instance après son décès, ne sont pas fondés à soutenir que ledit jugement serait irrégulier ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :
Considérant que la carrière de M. Raymond PALOMBIERI, commissaire de police retraité, a fait l'objet, sur sa demande, d'une reconstitution effectuée en application de la loi du 3 décembre 1982 modifiée par la loi du 8 juillet 1987 relative à certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord, par arrêté du 16 août 1990 ; que les rappels de traitement découlant de cette reconstitution s'élevant à la somme de 43.641,50 F lui ont été payés le 12 août 1991 et les rappels de pension pour un montant de 923.952 F versés le 6 janvier 1992 ; que ses héritiers, qui ont repris l'instance après son décès, réclament que les intérêts moratoires au taux légal sur ces sommes leur soient versés pour un montant de 967.593,50 F couvrant la période du 15 novembre 1983, date de sa demande de reclassement, aux dates de paiement effectif, et que cette somme produise intérêts, eux-mêmes capitalisés à compter du 11 juillet 1994, date à laquelle lesdits intérêts ont été réclamés ;
Considérant que la loi du 3 décembre 1982 prévoyait, en son article 9, le reclassement des agents publics et fonctionnaires ayant servi en Algérie, Tunisie et Maroc qui en faisaient la demande et auxquels le bénéfice des dispositions de l'ordonnance du 15 juin 1945 était étendu ; qu'elle ne prévoyait pas que les reclassements ainsi prononcés entraîneraient un effet pécuniaire rétroactif ; qu'une telle obligation n'a été introduite que dans la loi modificative du 8 juillet 1987 qui instituait un délai de réclamation d'un an à compter de sa promulgation pour les intéressés ;
Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de l'instruction que M. Raymond PALOMBIERI a saisi le MINISTRE DE L'INTERIEUR le 15 novembre 1983 d'une demande de reclassement sur le fondement de la seule loi du 3 décembre 1982 ; qu'il n'est pas contesté toutefois qu'il a renouvelé cette demande de reconstitution de carrière le 7 mars 1988, dans le délai requis, en demandant à bénéficier des dispositions de la loi du 8 juillet 1987 ; qu'il doit être ainsi regardé comme ayant demandé que la reconstitution de sa carrière soit assortie de tous les effets pécuniaires expressément prévus par la loi ; qu'ainsi sa demande du 7 mars 1988 a constitué une demande de paiement faisant courir les intérêts au taux légal des sommes dues à compter de la date de sa réception par le ministre jusqu'à celle de leur paiement effectif soit le 12 août 1991 en ce qui concerne les rappels de traitement et le 6 janvier 1992 en ce qui concerne les rappels de pension ; que la circonstance que la demande de paiement des intérêts au taux légal soit elle-même postérieure au paiement dudit principal est sans influence sur l'existence du droit du demandeur à ces intérêts dès lors qu'il a formulé sa demande de paiement du principal antérieurement à son versement par l'administration ;
Considérant, par contre, que les intérêts ne courant, aux termes de l'article 1153 du code civil, que "du jour de la sommation de payer" les héritiers PALOMBIERI ne sauraient valablement soutenir que les intérêts réclamés doivent courir à compter du 15 novembre 1983 ; que cette date ne correspond qu'à la demande de reclassement de M. PALOMBIERI, sa demande pécuniaire n'ayant été formulée que le 7 mars 1988 ; que, dans ces conditions, les intérêts n'ont pu courir de novembre 1983 à 1988 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les héritiers PALOMBIERI sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté l'intégralité de leur demande ; qu'ils sont fondés à demander que l'Etat (MINISTRE DE L'INTERIEUR) soit condamné à leur payer les intérêts au taux légal ayant couru du 7 mars 1988 au 12 août 1991 sur la somme de 43.641,50 F et du 7 mars 1988 au 6 janvier 1992 sur la somme de 923.952 F ; qu'il y a lieu de les renvoyer devant le MINISTRE DE L'INTERIEUR aux fins de liquidation des sommes dues à ce titre ;
Considérant, en outre, que les dispositions de l'article 1154 du code civil ont pour objet de limiter la capitalisation des intérêts échus au cours de la période pendant laquelle le principal de la créance n'ayant pas encore été payé, les intérêts continuent de courir ; qu'elles sont sans application dans le cas où le débiteur s'étant acquitté de sa dette en principal a interrompu le cours des intérêts mais ne les a pas payés, obligeant ainsi le créancier à en solliciter le versement par une demande distincte ; que dans ce cas les intérêts qui étaient dus au jour du paiement du principal forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts dans les conditions prévues par l'article 1153 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les héritiers PALOMBIERI sont fondés à demander que la somme représentative des intérêts moratoires qui leur est allouée par le présent arrêt produise intérêts à compter du 11 juillet 1994, date à laquelle le versement en a été demandé pour la première fois ; que plus d'un an d'intérêts étant alors acquis, la demande de capitalisation formulée dans leur requête d'appel le 26 février 1999 doit également être accueillie ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des héritiers PALOMBIERI tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative qui s'est substitué à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à leur rembourser leurs frais d'instance ;
Article 1er : L'Etat (MINISTRE DE L'INTERIEUR) est condamné à payer aux héritiers PALOMBIERI une indemnité représentative des intérêts au taux légal courant du 7 mars 1988 au 12 août 1991 sur la somme de 43.641,50 F (quarante trois mille six cent quarante et un francs et cinquante centimes) et du 7 mars 1988 au 6 janvier 1992 sur la somme de 923.952 F (neuf cent vingt trois mille neuf cent cinquante deux francs). Cette indemnité produira intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1994, les intérêts acquis le 26 février 1999 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les héritiers PALOMBIERI sont renvoyés devant le MINISTRE DE L'INTERIEUR aux fins de liquidation des sommes définies à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Christiane PALOMBIERI ép. Y..., à M. Pierre PALOMBIERI et au MINISTRE DE L'INTERIEUR. Copie en sera adressée au Trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône.