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12/06/2001 | FRANCE | N°98MA00750

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 12 juin 2001, 98MA00750


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 mai 1998 sous le n° 98MA00750, présentée pour LA POSTE, par Me A..., avocat ;
LA POSTE demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement n° 93-2050 en date du 12 mars 1998 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à Mme Y... la somme de 120.000 F ;
2°/ de prononcer le sursis à exécution du jugement ;
3°/ de condamner Mme Y... à lui verser la somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours ad

ministratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 mai 1998 sous le n° 98MA00750, présentée pour LA POSTE, par Me A..., avocat ;
LA POSTE demande à la Cour :
1°/ de réformer le jugement n° 93-2050 en date du 12 mars 1998 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser à Mme Y... la somme de 120.000 F ;
2°/ de prononcer le sursis à exécution du jugement ;
3°/ de condamner Mme Y... à lui verser la somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2001 :
- le rapport de M. BEDIER, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., substituant Me Z..., pour Mme Y... ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que, par l'article 1er d'un jugement en date du 12 mars 1998, le Tribunal administratif de Marseille a condamné LA POSTE à verser à Mme Y... la somme de 120.000 F en réparation du préjudice subi du fait du retard mis par l'employeur à prononcer la réintégration de l'intéressée à l'issue d'une période de disponibilité ; que LA POSTE relève régulièrement appel de cette partie du dispositif du jugement ; que, par la voie de l'appel incident, Mme Y... demande que la somme que LA POSTE a été condamnée à lui verser soit portée à un montant de 1.750.000 F ;
Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a condamné LA POSTE à verser à Mme Y... la somme de 120.000 F :
Considérant que, par un mémoire enregistré au greffe du Tribunal administratif de Marseille le 30 janvier 1998, LA POSTE a opposé aux conclusions indemnitaires de Mme Y... un moyen tiré de la circonstance que l'autorité de la chose jugée par un précédent jugement du même tribunal en date du 8 avril 1993, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon en date du 18 juin 1996, s'opposait à ce qu'il soit fait droit aux prétentions de l'intéressée ; que le jugement n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'étant ainsi entaché d'irrégularité, l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Y... devant le Tribunal administratif de Marseille ;
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de Mme Y... :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur : "Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée ... Toutefois l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° en matière de plein contentieux ..." ;
Considérant que Mme Y... a adressé à l'administration une demande préalable d'indemnisation par lettre en date du 8 mars 1993 dont le service a accusé réception le 10 mars suivant ; que LA POSTE n'établit ni même n'allègue avoir rejeté cette demande par une décision expresse ; que, par suite, aucune tardiveté ne peut être opposée à la demande de Mme Y... ;
Sur le moyen de LA POSTE relatif à l'autorité de la chose jugée par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon :

Considérant que, par un jugement en date du 8 avril 1993, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté au fond une première demande présentée par Mme Y... tendant à la condamnation de LA POSTE à réparer le préjudice que l'intéressée soutient avoir subi du fait du retard mis à la réintégrer à l'issue d'une période de disponibilité ; que, par un arrêt en date du 18 juin 1996, la Cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme Y... contre ledit jugement sans examiner le bien-fondé de ses prétentions par le motif que, faute d'avoir été dirigée contre une décision préalable de LA POSTE, la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable ; que le motif ainsi retenu par le juge d'appel s'est rétroactivement substitué à celui qu'avaient retenu les premiers juges ; que, par suite, aucune exception de chose jugée ne peut être opposée à la nouvelle demande présentée par Mme Y... ;
Sur le principe de la responsabilité de LA POSTE :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y..., agent d'exploitation de LA POSTE, a bénéficié sur sa demande d'un placement en position de disponibilité pour une durée de deux ans à compter du 26 avril 1989 ; qu'elle a sollicité sa réintégration dès le 12 juin 1989 ; que, suite à divers avis médicaux, l'administration a rejeté cette demande au motif que l'état de santé de l'intéressée la rendait inapte à l'exercice de ses fonctions ; que, toutefois, suite au dépôt du rapport d'expertise réalisé par un médecin expert désigné par un jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 6 avril 1992, rapport concluant à l'aptitude de l'agent à exercer ses fonctions, LA POSTE a prononcé la réintégration de Mme Y... par décision en date du 16 février 1993 avec effet rétroactif, notamment en ce qui concerne le traitement servi à l'agent, au 26 avril 1991 ; qu'il résulte de ce qui précède que la mauvaise appréciation par l'administration de l'état de santé de Mme Y... est seule à l'origine du retard mis à réintégrer l'intéressée dès lors que LA POSTE n'allègue pas que ce retard s'expliquerait par l'absence de vacance d'emploi permettant la réintégration de l'agent ; que, par suite, LA POSTE à commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant, en outre, que la circonstance que la décision du 16 février 1993, réintégrant Mme Y... à compter du 26 avril 1991 et les décisions du 21 juin 1991 et du 1er août 1991 prononçant le maintien en disponibilité de l'intéressée n'ont pas fait l'objet de la part de l'intéressée de demandes d'annulation pour recours pour excès de pouvoir est sans incidence sur la reconnaissance de la responsabilité de la POSTE ;
Sur le montant du préjudice de Mme Y... :

Considérant que Mme Y... a droit à la réparation du préjudice résultant de la privation de traitement occasionnée par le retard mis à la réintégrer ; que le point de départ de la période d'indemnisation doit être fixé non à la date de la première demande de réintégration présentée par l'agent le 12 juin 1989 mais à la date à laquelle l'administration pouvait procéder à cette réintégration après un délai normal d'instruction de la demande, soit, dans les circonstances de l'espèce, à la fin du mois d'octobre 1989 ; que, ainsi qu'il a été rappelé, l'intéressée a été réintégrée par décision en date du 16 février 1993 avec effet rétroactif au 26 avril 1991 ; que, par suite, Mme Y... peut prétendre à une indemnisation compensant la perte de traitement qu'elle a subie pendant une période de dix-huit mois ; qu'il y a lieu également de tenir compte des troubles dans les conditions d'existence occasionnés par la privation de traitement ; qu'en revanche, Mme Y... ne justifie pas d'un préjudice moral et n'établit pas le lien de causalité entre la vente de sa maison, intervenue en mars 2000 et la faute commise par son employeur ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant LA POSTE à verser à Mme Y... la somme de 150.000 F tous préjudices confondus ;
Sur les conclusions de LA POSTE tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme Y..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à LA POSTE la somme que celle-ci demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 12 mars 1998 est annulé.
Article 2 : LA POSTE est condamnée à verser à Mme Y... la somme de 150.000 F (cent cinquante mille francs).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme Y... devant le Tribunal administratif et devant la Cour et des conclusions de LA POSTE présentées devant la Cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à LA POSTE, à Mme Y... et au ministre des finances, de l'économie et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA00750
Date de la décision : 12/06/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - DISPONIBILITE - REINTEGRATION.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITE.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R102


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BEDIER
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-06-12;98ma00750 ?
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