La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2001 | FRANCE | N°97MA00876

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 12 juin 2001, 97MA00876


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la société DURANCE GRANULATS ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 avril 1997 sous le n° 97MA00876, présentée pour la société DURANCE GRANULATS, dont le siège social est ..., par la S.C.P. COHEN-BORRA-BERGEL, avocats ;
La société DURANCE GRANULATS demande à la Cour :
1°/ d'a

nnuler le jugement en date du 23 janvier 1997 rendu dans l'instance n° 93-1363...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la société DURANCE GRANULATS ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 avril 1997 sous le n° 97MA00876, présentée pour la société DURANCE GRANULATS, dont le siège social est ..., par la S.C.P. COHEN-BORRA-BERGEL, avocats ;
La société DURANCE GRANULATS demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 23 janvier 1997 rendu dans l'instance n° 93-1363 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à la condamnation de la commune de MEYRARGUES à lui verser la somme de 6.000.000 F en principal en réparation des conséquences dommageables de la rupture des engagements souscrits par la commune en vertu d'un protocole d'accord signé le 9 juin 1987 ;
2°/ de faire droit à sa demande en jugeant que la commune a rompu abusivement ledit protocole ;
3°/ subsidiairement au cas où la Cour confirmerait la nullité de cette convention de déclarer la commune responsable sur le fondement des illégalités commises des dommages engendrés pour l'exposante par lesdites illégalités, ou sur celui de l'enrichissement sans cause ;
4°/ en tout état de cause, de condamner la commune à payer à la société DURANCE GRANULATS la somme de 6.000.000 F en réparation des préjudices résultant de cette rupture ;
5°/ le cas échéant, d'ordonner une expertise aux fins de rechercher les éléments constitutifs dudit préjudice et en chiffrer le montant ;
6°/ de condamner la commune de MEYRARGUES à lui payer la somme de 25.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et aux dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2001 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- les observations de Me X... pour la société DURANCE GRANULATS ;
- les observations de Me Y... de la S.C.P. TERTIAN- BAGNOLI pour la commune de MEYRARGUES ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par le protocole d'accord signé le 9 juin 1987 entre la commune de MEYRARGUES, la société DURANCE GRANULATS et une autre société, la société civile agricole d'exploitation de MEYRARGUES (SCAEM), la commune s'engageait à mettre en révision le plan d'occupation des sols afin de permettre l'extension de la carrière exploitée par la société DURANCE GRANULATS et de rendre constructibles certains terrains appartenant à la SCAEM en vue de permettre un échange de terrains destinés à un projet d'urbanisation ; qu'en contrepartie la société DURANCE GRANULATS, envers laquelle la commune s'engageait également à donner un avis favorable à la poursuite de son exploitation pour au moins 2 ans de plus dans l'attente de l'obtention de l'autorisation préfectorale d'extension de la carrière, s'engageait à effectuer des travaux de déblaiement sur le site d'une ancienne carrière appartenant à la SCAEM qui cédait gratuitement ces terrains à la commune ;
Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la commune ne pouvait légalement s'engager à modifier la réglementation d'urbanisme en vue de satisfaire aux stipulations contractuelles conclues avec une (des) société(s) privée(s) ; que le protocole du 9 juin 1987 était donc entaché de nullité et qu'il ne pouvait dès lors faire naître d'obligations à la charge des parties ; que les circonstances que le plan d'occupation des sols de MEYRARGUES ait été effectivement mis en révision en mars 1988, cette révision ayant été approuvée le 8 juin 1989, et que la société DURANCE GRANULATS ait effectivement obtenu, avec avis favorable de la commune, l'autorisation de poursuivre l'exploitation de sa carrière pour 3 ans, par arrêté préfectoral du 5 décembre 1988 ne sont pas de nature à faire regarder comme légales les obligations consenties par la commune dans le protocole de 1987, ladite révision du plan d'occupation des sols ayant d'ailleurs été entreprise sans lien avec le projet d'extension de la carrière litigieuse ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'en dénonçant le 11 mai 1989 le protocole d'accord du 9 juin 1987 qu'elle considérait comme caduc, la commune n'ayant pu "mettre le plan d'occupation des sols en révision en raison des nuisances ... que la carrière occasionne aux riverains", la commune n'a commis aucun manquement à des obligations contractuelles qui n'avaient pu naître en raison de la nullité du protocole du 9 juin 1987 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société DURANCE GRANULATS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la faute contractuelle de la commune de MEYRARGUES ;
Considérant, en second lieu, que la société DURANCE GRANULATS a fondé, en outre, en appel sa demande d'indemnité sur l'enrichissement sans cause qui serait résulté pour la collectivité des travaux qu'elle a exécutés et sur la faute que la commune aurait commise en passant le contrat dans des conditions irrégulières ;

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer en tout état de cause le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte, comme en l'espèce, d'une faute de l'administration, il peut, en outre, prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant demander à ce titre le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
Considérant que lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle est conduit à constater la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques distinctes ;
Considérant, par suite, que la société DURANCE GRANULATS, bien que n'ayant invoqué initialement que la faute qu'aurait commise la commune de MEYRARGUES en dénonçant le protocole d'accord du 9 juin 1987 est recevable à saisir la Cour de conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause de la commune et sur la faute que ladite commune aurait commise en concluant un engagement nul ;
Considérant que la société DURANCE GRANULATS persiste à définir son préjudice qu'elle évalue à 6.000.000 F, sauf à parfaire par expertise, comme constitué par les frais d'études préalables à la signature du protocole de 1987, les investissements matériels et fonciers consécutifs à la signature de la convention, les frais d'études complémentaires en vue d'une solution amiable du litige et fait état des répercussions de la position prise par la commune sur le plan commercial en ce qui concerne le manque à gagner et l'atteinte à la réputation subis par la société requérante et de l'incidence sur les finances communales de la taxe professionnelle acquittée par ladite société de 1987 à 1992 ;
Considérant, toutefois, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses exposées par la société DURANCE GRANULATS aient été utiles à la commune ; que notamment celle-ci n'a bénéficié d'aucune des études réalisées ; que les terrains et les matériels acquis par la société DURANCE GRANULATS n'ont pas été transférés à la collectivité ; que la taxe professionnelle acquittée était justifiée par la poursuite de l'exploitation de la carrière existante, dont il est constant qu'elle a pu continuer, l'autorisation préfectorale d'exploitation ayant été renouvelée ; qu'il n'est pas allégué ni a fortiori établi que le coût des travaux de déblaiement de la parcelle appartenant à la SCAEM prévus dans le protocole soit demeuré à la charge de la société DURANCE GRANULATS ; qu'il s'ensuit que les conclusions de la société requérante fondées sur l'enrichissement sans cause de la commune doivent être rejetées ;

Considérant, d'autre part, que si la commune a commis une faute en concluant l'engagement illégal du 9 juin 1987, la société DURANCE GRANULATS a elle-même commis une faute en participant à la conclusion d'un accord dont elle ne pouvait ignorer l'illégalité et en entreprenant des investissements importants avant même de s'être assurée de l'obtention d'une autorisation préfectorale d'extension de la carrière et de la modification des règles d'urbanisme dans un sens la rendant possible ; qu'elle ne justifie pas ainsi, en raison de ces imprudences qui n'étaient pas justifiées par l'urgence puisqu'elle a pu continuer légalement à exploiter la carrière existante, avoir subi un préjudice imputable à la faute commise par la commune en concluant un engagement entaché de nullité ; que la société DURANCE GRANULATS n'est par suite pas fondée à demander réparation du préjudice tel qu'allégué, et au demeurant non assorti de l'ensemble de ses justificatifs, que cette faute lui aurait causé, sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée en vue de préciser la consistance dudit préjudice ;
Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la commune de MEYRARGUES :
Considérant qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges l'action engagée par la société DURANCE GRANULATS à l'encontre de la commune de MEYRARGUES ne présente pas un caractère abusif, y compris dans sa poursuite en instance d'appel ; que les conclusions reconventionnelles de la commune de MEYRARGUES tendant à l'obtention de dommages et intérêts pour procédure abusive doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes respectives des parties tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel auquel s'est substitué l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : La requête de la société DURANCE GRANULATS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commue de MEYRARGUES tendant à l'obtention de dommages et intérêts pour procédure abusive et à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DURANCE GRANULATS, à la commune de MEYRARGUES et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97MA00876
Date de la décision : 12/06/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - ENRICHISSEMENT SANS CAUSE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROMESSES.


Références :

Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme NAKACHE
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-06-12;97ma00876 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award