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29/05/2001 | FRANCE | N°98MA01030

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 29 mai 2001, 98MA01030


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 30 juin et 2 juillet 1998 sous le n° 98MA01030 et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 août 1998, présentés pour M. X...
Y..., demeurant immeuble Ledru Rollin, rue Louis Verlaque à LA SEYNE SUR MER (83500), par la SCP WAQUET-FARGE-HAZAN, avocats ;
M. Y... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 5 mars 1998, rendu dans l'instance n° 95-658, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant :
- à l'annulation de la décision

du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME reje...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille les 30 juin et 2 juillet 1998 sous le n° 98MA01030 et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 août 1998, présentés pour M. X...
Y..., demeurant immeuble Ledru Rollin, rue Louis Verlaque à LA SEYNE SUR MER (83500), par la SCP WAQUET-FARGE-HAZAN, avocats ;
M. Y... demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 5 mars 1998, rendu dans l'instance n° 95-658, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant :
- à l'annulation de la décision du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME rejetant sa demande de versement des intérêts moratoires sur les rappels de traitement consécutifs à un reclassement au titre de la loi du 3 décembre 1982 modifiée ;
- et à la condamnation de l'Etat à lui verser lesdits intérêts moratoires capitalisés ;
2°/ d'annuler la décision litigieuse du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME en date du 20 juillet 1994 ;
3°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 505.338 F à parfaire au titre des intérêts moratoires échus au 24 juin 1988 et à échoir, augmentée des intérêts capitalisés au jour de la présente requête ;
4°/ de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10.000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 87-503 du 8 juillet 1987 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2001 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant que M. Y... a reçu le 4 mai 1998 notification du jugement attaqué du 5 mars 1998 ; que sa requête d'appel enregistrée par télécopie le 30 juin 1998 et régularisée par la production d'un mémoire original le 2 juillet 1998 n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT doit donc être écartée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 1153 du code civil applicable devant la juridiction administrative, les intérêts moratoires sont dus du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent ; qu'il s'ensuit que les sommes dues par l'administration ne produisent intérêts, sauf disposition légale ou réglementaire contraire, qu'à compter de la date à laquelle les intéressés ont réclamé le paiement de ces sommes ; que les intérêts moratoires ne sont, par contre, pas dus lorsqu'ils ne sont réclamés qu'après le paiement du principal et lorsque l'administration s'est acquittée spontanément de sa dette, sans réclamation de l'intéressé portant sur le principal ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 8 juillet 1997 modifiant la loi du 3 décembre 1982 relative au réglement de certaines situations résultant des évènements d'Afrique du Nord, de la guerre d'Indochine ou de la seconde guerre mondiale : "le premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : "les fonctionnaires ayant servi en Tunisie ou au Maroc ainsi que les fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens qui ont été intégrés, reclassés ou réaffectés dans les cadres de la fonction publique métropolitaine peuvent demander le bénéfice des dispositions de l'ordonnance n° 45-1283 du 15 juin 1945 relative aux candidats aux services publics ayant été empêchés d'y accéder, ainsi qu'aux fonctionnaires et agents de services publics ayant dû quitter leur emploi par suite d'évènements de guerre et des textes pris pour son application. Les reclassements prononcés entraîneront un effet pécuniaire rétroactif à compter de la date du fait générateur. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux personnels en activité et à la retraite ou à leurs ayant cause"" ; que selon l'article 4 du même texte : "le bénéfice des dispositions de l'article précédent peut être demandé par les intéressés dans le délai d'un an suivant la promulgation de la présente loi" ;
Considérant que si la loi du 3 décembre 1982 susmentionnée prévoyait la reconstitution de carrière des fonctionnaires ayant servi en Algérie, Tunisie et Maroc qui en faisaient la demande, elle ne prévoyait pas que les reclassements ainsi prononcés entraîneraient automatiquement un effet pécuniaire rétroactif ; qu'une telle obligation n'a été incluse que dans la loi modificative du 8 juillet 1987 qui instituait un délai de réclamation d'un an pour les intéressés ;

Considérant en l'espèce que M. Y... a, par lettre du 24 juin 1988, répondu au courrier en date du 10 juin 1988 par lequel le ministère de l'Equipement lui faisait part de la possibilité et des conditions d'obtention d'un reclassement professionnel rétroactif sur le fondement de la loi du 3 décembre 1982 modifiée par la loi du 8 juillet 1987 et l'invitait à retourner un questionnaire précisant la durée de l'empêchement à prendre en compte et ses états de service en Afrique du Nord ; que M. Y... a joint ledit questionnaire dûment rempli à sa lettre du 24 juin 1988 ; que même si celle-ci ne comportait aucune mention expresse sollicitant son reclassement avec effet pécuniaire rétroactif, elle doit être regardée, contrairement à l'appréciation portée par les premiers juges, comme valant demande de reclassement et, dès lors qu'elle faisait référence à la loi du 3 décembre 1982 modifiée, comme demandant le bénéfice de cette loi dans sa rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987 ; que M. Y... doit donc être regardé comme ayant demandé que la reconstitution de sa carrière soit assortie de tous les effets pécuniaires expressément prévus par la loi ; qu'ainsi sa demande du 24 juin 1988 a constitué une demande de paiement faisant courir les intérêts de la somme due de la date de sa réception par le ministre jusqu'à celle du 25 avril 1994, date à laquelle ladite somme a été payée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande et à obtenir la condamnation de l'Etat à lui payer les intérêts au taux légal de la somme de 734.436,35 F du 25 juin 1988, date non contestée de réception de sa réclamation du principal au 25 avril 1994, date de versement dudit principal ;
Considérant que les dispositions de l'article 1154 du code civil ont pour objet de limiter la capitalisation des intérêts échus au cours de la période pendant laquelle le principal de la créance n'ayant pas encore été payé, les intérêts continuent de courir ; qu'elles sont sans application dans le cas où le débiteur, s'étant acquitté de sa dette en principal, a interrompu le cours des intérêts, mais ne les a pas payés, obligeant ainsi le créancier à en solliciter le versement par une demande distincte ; que dans ce cas, les intérêts qui étaient dus au jour du paiement du principal, forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts, dans les conditions prévues par l'article 1153 du code civil ;

Considérant que devant la Cour M.NIGLIO a sollicité la capitalisation des intérêts acquis le 30 juin 1998, 8 juillet 1999, 28 août 2000 et 7 septembre 2000 ; que cette demande doit être regardée comme tendant à ce que la créance représentative des intérêts qui lui sont dus produise intérêts, ainsi d'ailleurs qu'il le formule dans ses dernières écritures ; que M. Y... est en droit de prétendre à ces intérêts à compter du 15 juillet 1994, date à laquelle il en a pour la première fois demandé le versement ; que le 30 juin 1998 plus d'un an d'intérêts étaient acquis ; qu'il est donc fondé à en demander la capitalisation ; qu'il en est de même au 8 juillet 1999 et au 28 août 2000 pour une nouvelle année ; que, par contre, sa demande de nouvelle capitalisation au 7 septembre 2000 doit être écartée, un an ne s'étant pas écoulé depuis sa précédente demande ;
Sur l'application des articles L.911-1 et L.911-3 du code de justice administrative :
Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement pour l'Etat l'obligation de verser les sommes susmentionnées ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction de procéder audit versement dans le délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt de l'astreinte demandée par M. Y... ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat (MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT) à verser à M. Y... la somme de 5.000 F sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative qui s'est substitué à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier en date du 5 mars 1998 est annulé.
Article 2 : L'Etat (MINISTERE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT) est condamné à payer à M. Y..., dans le délai de 6 mois de la notification du présent arrêt, les intérêts au taux légal ayant couru du 25 juin 1988 au 25 avril 1994 sur la somme de 734.436,35 F (sept cent trente quatre mille quatre cent trente six francs et trente-cinq centimes).
Article 3 : Le montant de la somme que l'article 2 condamne l'Etat à payer portera intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1994. Les intérêts acquis le 30 juin 1998, 8 juillet 1999 et 28 août 2000 seront respectivement capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'Etat versera à M. Y... la somme de 5.000 F (cinq mille francs) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT. Copie en sera adressée au Trésorier Payeur Général des Alpes-Maritimes.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA01030
Date de la décision : 29/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-04-04-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - POINT DE DEPART


Références :

Code civil 1153, 1154
Code de justice administrative L911-1, L911-3, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 08 juillet 1997 art. 3
Loi 82-1021 du 03 décembre 1982
Loi 87-503 du 08 juillet 1987
Ordonnance 45-1283 du 15 juin 1945


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme NAKACHE
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-05-29;98ma01030 ?
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