La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2001 | FRANCE | N°99MA01101

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 03 avril 2001, 99MA01101


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 juin 1999 sous le n° 99MA01101, présentée pour la commune d'AUBAGNE, régulièrement représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat ;
La commune d'AUBAGNE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 98-3593/99-1365 en date du 27 avril 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant :
- à l'annulation de la décision par laquelle le comptable public a suspendu le paiement du mandat n° 16617 en date du 31 décembre 1997 d'un monta

nt de 5.600.000 F portant versement de la participation de la ville d'AUBA...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 16 juin 1999 sous le n° 99MA01101, présentée pour la commune d'AUBAGNE, régulièrement représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat ;
La commune d'AUBAGNE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 98-3593/99-1365 en date du 27 avril 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant :
- à l'annulation de la décision par laquelle le comptable public a suspendu le paiement du mandat n° 16617 en date du 31 décembre 1997 d'un montant de 5.600.000 F portant versement de la participation de la ville d'AUBAGNE à la communauté de villes Garlaban, Huveaune, Sainte-Baume pour financer des opérations d'amélioration de l'habitat ;
- à l'annulation de la décision en date du 13 février 1998 par laquelle le comptable public a refusé de déférer à l'ordre de réquisition de payer n° 02-98 en date du 29 janvier 1998 relatif au mandat précité ;
2°/ de prononcer l'annulation de la décision en date du 13 février 1998 par laquelle le comptable public a refusé de déférer à l'ordre de réquisition ;
3°/ de prescrire au trésorier principal d'AUBAGNE, en application de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de procéder au paiement des mandats litigieux ;
4°/ d'assortir cette injonction d'une astreinte en application de l'article L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 94-504 du 22 juin 1994 ;
Vu la loi n° 96-142 du 24 février 1996 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
Vu le décret n° 96-1256 du 27 décembre 1996 ;
Vu l'arrêté interministériel du 4 décembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2001 :
- le rapport de M. BEDIER, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que la commune d'AUBAGNE relève régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 27 avril 1999 en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 février 1998 par laquelle le comptable public, trésorier principal de la commune d'AUBAGNE, a refusé de déférer à l'ordre de réquisition de payer n° 02-98 du maire d'AUBAGNE en date du 29 janvier 1998, relatif au paiement du mandat n° 16- 617 en date du 31 décembre 1997 d'un montant de 5.600.000 F portant versement de la participation de la commune précitée à la communauté de villes Garlaban, Huveaune, Sainte-Baume pour financer des opérations d'amélioration de l'habitat ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu que, contrairement à ce que soutient la commune, les premiers juges, en relevant que le décret du 27 décembre 1996 relatif à la définition des chapitres et articles des budgets des communes définissait avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles le budget de la commune est divisé en chapitres et en articles et que ce décret avait pu, sans procéder à une subdélégation illégale, renvoyer à un arrêté interministériel le soin de fixer les nomenclatures par nature et par fonctions visées par les dispositions alors applicables de l'article R.211-3 du code des communes, ont répondu de façon suffisante au moyen de la commune tiré de l'exception d'illégalité du décret du 27 décembre 1996 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé le rejet du moyen fondé sur les dispositions de l'article L.1111-5 du code général des collectivités territoriales en vertu desquelles : "Seules peuvent être opposées aux collectivités locales les prescriptions et procédures techniques prévues par une loi ou un décret pris en application d'une loi ... Ces prescriptions et procédures sont réunies dans un code élaboré à cet effet" en relevant que les dispositions en cause n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de rendre inopposables aux collectivités et établissements publics locaux les dispositions légales et réglementaires qui seraient insérées dans un code autre que le code général des collectivités territoriales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il est fait reproche au jugement attaqué de ne pas avoir répondu au moyen tiré des prescriptions de l'instruction ministérielle CP 84-40 MO en date du 8 mars 1984, en vertu desquelles : "En ce qui concerne le contrôle des crédits, il est précisé que pour être considéré comme régulièrement ouverts, les crédits doivent avoir été préalablement prévus par un acte budgétaire pris par l'autorité compétente" ;

Considérant, toutefois, que le refus opposé par le comptable public à l'ordre de réquisition du maire de la commune d'AUBAGNE se fonde sur la circonstance que les dépenses ordonnancées l'ont été sur des crédits autres que ceux sur lesquels elles devaient être imputées et non sur le fait que les dépenses en cause n'auraient pas été préalablement prévues par un acte budgétaire pris par l'autorité compétente ; que le moyen tiré de l'opposabilité aux services comptables des dispositions susrappelées de l'instruction ministérielle du 8 mars 1984 était inopérant ; que, par suite, le jugement qui n'était pas tenu de répondre à ce moyen, n'est pas entaché de défaut de motivation ;
Considérant, en quatrième lieu, que le jugement attaqué a répondu de façon suffisante aux moyens, au demeurant inopérants, invoqués par la commune et tirés de l'intangibilité du budget communal et du droit acquis par la commune à l'exécution de ce budget ; que, par suite, le jugement n'est pas davantage entaché de défaut de motivation sur ce point ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L.1617-2 du code général des collectivités territoriales : "Le comptable d'une commune ... ne peut subordonner ses actes de paiement à une appréciation de l'opportunité des décisions prises par l'ordonnateur. Il ne peut soumettre les mêmes actes qu'au contrôle de légalité qu'impose l'exercice de sa responsabilité personnelle et pécuniaire. Il est tenu de motiver la suspension du paiement" ; qu'aux termes de l'article 12 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : "Les comptables sont tenus d'exercer .. en matière de dépenses, le contrôle de l'exacte imputation des dépenses aux chapitres qu'elles concernent selon leur nature ou leur objet" ; qu'enfin, aux termes de l'article L.1617-3 du code général des collectivités territoriales : "Lorsque le comptable de la commune ... notifie la décision de suspendre le paiement d'une dépense, le maire ...peut lui adresser un ordre de réquisition. Il s'y conforme aussitôt, sauf en cas d'insuffisance de fonds disponibles, de dépenses ordonnancées sur des crédits irrégulièrement ouverts ou insuffisants ou sur des crédits autres que ceux sur lesquels elle devrait être imputée ..." ;
Considérant, en premier lieu que, si le comptable public est tenu de motiver une décision de suspension de paiement en vertu des dispositions de l'article L.1617-2 du code général des collectivités territoriales, aucune disposition du même code ne lui impose de motiver son refus de se conformer à un ordre de réquisition ; qu'en outre, un tel refus n'entre dans aucune des catégories de décision soumises à obligation de motivation sur le fondement de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.2311-1 du code général des collectivités territoriales : "Le budget de la commune est établi en section de fonctionnement et section d'investissement tant en recettes qu'en dépenses. Le budget de la commune est divisé en chapitres et articles dans les conditions qui sont déterminées par décret" ; qu'aux termes de l'article R.211-5 du code des communes en vigueur à la date de la décision attaquée : "Le décret prévu au second alinéa de l'article 2311-1 qui divise le budget de la commune en chapitres et articles est pris sur le rapport du ministre chargé des collectivités locales et du ministre chargé du budget. Il définit les chapitres et articles et fixe la nomenclature fonctionnelle et les nomenclatures par nature ainsi que la présentation fonctionnelle ou la présentation par nature du budget" ; que le décret du 27 décembre 1996 susrappelé, pris en application de ces dispositions, dispose, par son article 1er que : "Les nomenclatures par nature et la nomenclature fonctionnelle visée à l'article R.211-3 du code des communes sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités locales et du ministre chargé du budget" ; que l'article 1er de l'arrêté en date du 4 décembre 1997, pris sur le fondement de l'article 1er du décret du 27 décembre 1996, dispose que les communes appliquent l'instruction budgétaire et comptable M. 14 annexée à l'arrêté ;
Considérant que, pour déterminer la division du budget des communes en chapitres et en articles conformément aux dispositions de l'article L.2311-1 du code général des collectivités territoriales, le décret du 27 décembre 1996 a procédé, par son article 3, à une définition des chapitres des budgets des communes votés par nature qui correspondent à la section d'investissement et à la section de fonctionnement, en précisant notamment les numéros de certains comptes de charges ; que l'article 4 du décret a procédé à la définition des articles budgétaires des budgets votés par nature ; que les articles 5 et 6 du même décret ont procédé aux mêmes déterminations en ce qui concerne les budgets des communes ayant opté pour le vote du budget par fonction ; qu'ainsi, les auteurs du décret, qui ont fixé avec une précision suffisante les catégories de chapitres applicables aux budgets des communes n'ont méconnu ni leur propre compétence, ni consenti une subdélégation illégale aux auteurs de l'arrêté interministériel en date du 4 décembre 1997 ; qu'en outre, la circonstance que l'instruction M. 14 aurait été élaborée à partir des dispositions contenues dans des circulaires antérieures à son intervention est sans incidence sur sa légalité ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du décret en date du 27 décembre 1996, de l'arrêté du 4 décembre 1997 et de l'instruction budgétaire et comptable M. 14 annexée à cet arrêté doit être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que la dépense ordonnancée par le maire de la commune d'AUBAGNE pour un montant de 5.500.000 F constitue une participation de la ville d'AUBAGNE à la communauté de villes Garlaban, Huveaune, Sainte-Baume pour financer des opérations d'amélioration de l'habitat ; que cette dépense a été imputée sur le compte 6575 ; qu'aux termes des dispositions de l'instruction M. 14, "ce compte enregistre, exclusivement, les participations versées par une commune ou un établissement public local à un organisme public assurant la maîtrise d'ouvrage d'une opération d'équipement sous réserve que cette participation conditionne la réalisation même de cette opération" ; que le comptable public a identifié une erreur d'imputation des crédits en relevant que la communauté de villes Garlaban, Huveaune, Sainte-Baume n'assurait pas la maîtrise d'ouvrage de l'opération ; que, pour confirmer l'erreur d'imputation relevée par le comptable public, les premiers juges ont considéré qu'il était constant que les opérations d'amélioration de l'habitat en cause portaient sur des immeubles qui n'appartenaient pas à la communauté de villes et qui n'étaient pas utilisés par celle-ci ; que le tribunal administratif a déduit de cette constatation que la communauté de villes ne pouvait être regardée comme la personne pour le compte de laquelle les travaux étaient réalisés ni par suite comme ayant la qualité de maître de l'ouvrage ;
Considérant que, pour contester ce motif du jugement, la commune d'AUBAGNE fait valoir à juste titre que la qualité de maître d'ouvrage n'est pas subordonnée à la condition que la personne disposant de cette qualité soit propriétaire ou utilisatrice des biens sur lesquels portent les travaux ; que, toutefois, la commune n'établit, ni même n'allègue que la communauté de villes Garlaban, Huveaune, Sainte-Baume assurerait en l'espèce la maîtrise d'ouvrage des opérations d'amélioration de l'habitat ; que le comptable public a dès lors pu à bon droit relever que la dépense correspondant à ces opérations ne pouvait être imputée sur le compte 6575 ; qu'il y a lieu de substituer ce motif de rejet du moyen par lequel la commune soutient que le comptable aurait fait une application irrégulière des dispositions de l'instruction M. 14 au motif erroné retenu par le tribunal ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en refusant de se conformer à l'ordre de réquisition du maire de la commune d'AUBAGNE au motif que les dépenses ordonnancées l'étaient sur des crédits autres que ceux sur lesquels elles devaient être imputées, le comptable public n'a fait qu'appliquer les dispositions de l'article L.1617-3 du code général des collectivités territoriales sans se livrer à une quelconque appréciation de la légalité des décisions de l'ordonnateur et sans entacher sa décision de détournement de pouvoir ;

Considérant, en cinquième lieu que, comme il a été dit, le moyen tiré de l'opposabilité aux services comptables des dispositions de l'instruction ministérielle du 8 mars 1984 doit être écarté comme inopérant ; qu'il en est de même des moyens tenant aux droits acquis de la commune à l'exécution de son budget et à la compétence exclusive du maire en matière d'imputation comptable, les compétences de la commune et du maire en matière budgétaire s'exerçant dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent cette matière ;
Considérant enfin que, si, comme le soutient la commune d'AUBAGNE, le comptable du Trésor est amené à se livrer à une qualification juridique et comptable des pièces soumises à son contrôle pour constater si des dépenses ont été imputées sur des crédits autres que ceux sur lesquels elles devaient l'être et ne se trouve pas, de ce fait, en situation de compétence liée pour refuser de se plier à l'ordre de réquisition de l'ordonnateur, aucun des moyens invoqués par la commune n'est de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions de la commune à fin d'injonction ;
Sur les conclusions de la commune d'AUBAGNE tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la commune d'AUBAGNE la somme que celle-ci demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la commune d'AUBAGNE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'AUBAGNE et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE. Copie en sera adressée au Trésorier-payeur général de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - LOI ET REGLEMENT - HABILITATIONS LEGISLATIVES.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE.

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPETENCE MATERIELLE.


Références :

Arrêté du 04 décembre 1997 art. 1, annexe
Code de justice administrative L761-1
Code des communes R211-3, R211-5
Code général des collectivités territoriales L1111-5, L1617-2, L1617-3, L2311-1
Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 12
Décret 96-1256 du 27 décembre 1996 art. 1, art. 3, art. 4, art. 5, art. 6
Loi du 11 juillet 1979


Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BEDIER
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 03/04/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99MA01101
Numéro NOR : CETATEXT000007581117 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-04-03;99ma01101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award