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03/04/2001 | FRANCE | N°98MA00384

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 03 avril 2001, 98MA00384


Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mars 1998 sous le n° 98MA00384, présentée pour M. B...
Y..., demeurant ... et M. André Z..., demeurant ..., allée des Pins, bât. Emeraude à Marseille (13009), par la S.C.P. LYON-CAEN-FABIANI-THIRIEZ, avocats ;
MM. Y... et Z... demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 28 janvier 1998, rendu dans l'instance n° 95-6051, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la S.A. RENAULT, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10

mars 1995 et la décision du ministre du travail confirmant ladite décis...

Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mars 1998 sous le n° 98MA00384, présentée pour M. B...
Y..., demeurant ... et M. André Z..., demeurant ..., allée des Pins, bât. Emeraude à Marseille (13009), par la S.C.P. LYON-CAEN-FABIANI-THIRIEZ, avocats ;
MM. Y... et Z... demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 28 janvier 1998, rendu dans l'instance n° 95-6051, par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la S.A. RENAULT, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 mars 1995 et la décision du ministre du travail confirmant ladite décision refusant d'autoriser le licenciement de MM. Y... et Z..., représentants du personnel à la succursale RENAULT de Marseille ;
2°/ de rejeter la demande de la S.A. RENAULT ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2001 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- les observations de Me A... substituant la S.C.P. LYON-CAEN-FABIANI-THIRIEZ pour M. Y... ;
- les observations de Me X... pour la société RENAULT ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur le désistement de M. Z... :
Considérant que le désistement susvisé de M. Z... de sa requête d'appel est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en faisant référence aux motifs de la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. Y..., à l'ancienneté des faits qui lui étaient reprochés et à la situation sociale dans l'entreprise à la date de la décision litigieuse pour estimer, qu'en raison de la gravité desdits faits dont la matérialité ne pouvait être remise en cause, la décision administrative litigieuse portait une atteinte excessive aux intérêts de l'employeur, le Tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ; que M. Y... n'est pas fondé à soutenir qu'il serait à ce titre irrégulier pour n'avoir pas précisé la nature de cette atteinte ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation contentieuse, par arrêt du Conseil d'Etat du 11 janvier 1995 du refus d'autorisation de licenciement opposé le 12 décembre 1988 par l'inspecteur du travail et confirmé implicitement par le ministre du travail, la société RENAULT a, à nouveau, saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement concernant notamment M. Y... à raison des mêmes faits survenus lors du conflit social de septembre 1988 ; que par la décision litigieuse du 10 mars 1995, confirmée implicitement par le ministre de l'emploi et de la solidarité, l'inspecteur du travail a, à nouveau, refusé l'autorisation de licencier ce salarié ; que par le jugement attaqué du 28 janvier 1998, le Tribunal administratif de Marseille a annulé ce refus d'autorisation ;

Considérant, en premier lieu, qu'en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du Conseil d'Etat du 11 janvier 1995, les faits reprochés à M. Y..., qui a le 20 septembre 1988 enfoncé une porte condamnée pour accéder à des locaux où avait lieu une entrevue entre la direction et une délégation de grévistes et qui a participé à la séquestration avec violence du directeur, doivent être regardés comme matériellement établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que ces faits et notamment sa participation délibérée à une opération de séquestration constituent des manquements à l'honneur et à la probité ; que l'appréciation contraire portée par le conseil des prud'hommes, qui n'a pas remis en cause l'existence matérielle de ces faits, ne lie pas le juge administratif ; que par suite, ils étaient exclus du bénéfice de la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;
Considérant dès lors que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a écarté l'application de ladite loi ;
Considérant, en second lieu, que pour apprécier pour des motifs d'intérêt général l'opportunité d'accorder ou de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée par l'employeur et l'atteinte portée par sa décision aux intérêts respectifs des parties, l'inspecteur du travail doit apprécier la situation dans l'entreprise à la date à laquelle il statue ; que dans les circonstances de l'espèce et nonobstant l'ancienneté des faits, la modification du climat social dans l'établissement, le renouvellement de mandat du salarié concerné et l'exercice normal qu'il en assure depuis, son maintien dans l'établissement doit être regardé, compte tenu de la nature et de la gravité des faits qui lui sont reprochés et qui ne peuvent être remis en cause, comme portant une atteinte excessive aux intérêts de l'entreprise ; que le risque de conflit social que pourrait entraîner le licenciement de M. Y... ne pouvait d'autre part constituer légalement un motif d'intérêt général susceptible de justifier le maintien dans l'entreprise de ce salarié compte tenu de l'atteinte excessive aux intérêts de l'employeur qu'engendrerait ce maintien ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision de l'inspecteur du travail implicitement confirmée par le ministre de l'emploi et de la solidarité refusant d'autoriser son licenciement ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative qui s'est substitué à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que M. Y..., partie perdante bénéficie du remboursement de ses frais d'instance ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la S.A. RENAULT tendant à l'application desdites dispositions ;
Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. Z... de sa requête susvisée.
Article 2 : La requête susvisée de M. Y... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la S.A. RENAULT tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y..., à M. Z..., à la S.A. RENAULT et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98MA00384
Date de la décision : 03/04/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - REFUS D'AUTORISATION FONDE SUR UN MOTIF D'INTERET GENERAL.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - EFFETS DE L'AMNISTIE.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 03 août 1995


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme NAKACHE
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-04-03;98ma00384 ?
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