Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 9 septembre 1997 sous le n 97MA05058, présentée pour M. Djamel Y..., demeurant en Algérie, par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement en date du 3 juillet 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à ce que le Tribunal annule, d'une part, l'arrêté en date du 13 septembre 1996 par lequel le MINISTRE DE L'INTERIEUR a décidé son expulsion du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article 26 b) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et, d'autre part, la décision en date du 11 octobre 1996 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé l'Algérie comme pays de renvoi ;
2 / d'annuler ces décisions ;
3 / d'enjoindre au MINISTRE DE L'INTERIEUR un délai, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard, en vue de prendre toute disposition pour le retour en France de M. Y... ;
4 / de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 1999 :
- le rapport de M. STECK, premier conseiller ;
- les observations de Me Jacques X... pour M. Y... ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;
Sur l'arrêté d'expulsion :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : "Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis "motivé" de la commission, au ministre de l'intérieur qui statue. L'avis de la commission est également communiqué à l'étranger." ;
Considérant que M. Y..., qui ne conteste pas que le sens de l'avis rendu par la commission spéciale d'expulsion devant laquelle il a comparu lui a été donné oralement par le président à l'issue de la réunion de la commission, soutient que les raisons sur lesquelles cet avis se fondait ne lui ont pas été communiquées ; que si le ministre fait valoir qu'il ressort du procès-verbal de la commission que cet avis et les motifs de celui-ci lui ont été communiqués oralement, il ne produit pas ce document ; que, dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme n'ayant pas eu connaissance de l'intégralité de l'avis de la commission d'expulsion préalablement à l'intervention de l'arrêté prononçant son expulsion et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 précité ; que cette irrégularité substantielle entache d'illégalité l'arrêté attaqué ; qu'il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 13 septembre 1996 ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1 à destination du pays dont il a la nationalité ... 2 ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage ... 3 ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible ..." ; qu'aux termes des dispositions de l'article 27 ter du même texte : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même" ;
Considérant que le procès-verbal de notification en date du 11 octobre 1996 de l'arrêté d'expulsion, dont M. Y... a fait l'objet, par les soins du préfet des Bouches-du-Rhône, mentionne que cette mesure sera mise à exécution à destination du pays dont il possède la nationalité ou, à défaut, du pays dans lequel il justifie être légalement admissible ; que le procès-verbal de notification contient une décision distincte de l'arrêté d'expulsion, en application des dispositions précitées, qui ne peut être prise que par l'autorité compétente pour signer la décision d'éloignement elle-même ;
Considérant que l'expulsion de M. Y... étant intervenue sur le fondement des dispositions de l'article 26 b) de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le MINISTRE DE L'INTERIEUR était seul compétent pour fixer le pays à destination duquel M. Y... serait expulsé ; que, dès lors, la décision en date du 11 octobre 1996, par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'éloignement de l'intéressé à destination de l'Algérie, pays dont il a la nationalité, ou à défaut d'un autre pays dans lequel il serait légalement admissible, doit être annulée comme prise par une autorité incompétente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 11 octobre 1996 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit son éloignement dans les conditions sus-indiquées ;
Sur les conclusions relatives à l'application des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la présente décision n'implique aucune des mesures d'exécution prévues par les dispositions sus-mentionnées ; que, dès lors, les conclusions de M. Y... tendant à ce que la Cour enjoigne à l'administration, sous astreinte, d'ordonner le retour de M. Y... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susmentionnées et de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 15.000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 3 juillet 1997 du Tribunal administratif de Marseille, l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR en date du 13 septembre 1996 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 11 octobre 1996 fixant le pays de renvoi sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au MINISTRE DE L'INTERIEUR.