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02/02/1999 | FRANCE | N°96MA02830;97MA05101

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 02 février 1999, 96MA02830 et 97MA05101


Vu 1 / l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la commune d'ISOLA ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 31 décembre 1996 et 9 janvier 1997 sous le n 96LY02830, présentée pour la commune d'ISOLA, représentée par son maire, par Me Y..., avocat ;
La commune d'ISOLA demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement n 92-1258 du 11

octobre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Nice a :
- déclaré...

Vu 1 / l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la commune d'ISOLA ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon les 31 décembre 1996 et 9 janvier 1997 sous le n 96LY02830, présentée pour la commune d'ISOLA, représentée par son maire, par Me Y..., avocat ;
La commune d'ISOLA demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement n 92-1258 du 11 octobre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Nice a :
- déclaré la commune d'ISOLA responsable de la moitié du préjudice subi par le cabinet d'architectes GODEAU-FROMENTIN ;
- ordonné une expertise aux fins d'évaluer ce préjudice ;
2 / de déclarer irrecevable la requête présentée devant le Tribunal administratif faute de recours préalable ;
3 / subsidiairement de débouter les architectes de l'ensemble de leurs demandes ;
4 / de les condamner à lui payer la somme de 8.000 F hors taxes au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu 2 / la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 17 septembre 1997 sous le n 97MA05101, présentée pour la commune d'ISOLA, représentée par son maire, par Me Y..., avocat ;
La commune d'ISOLA demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement n 92-1258 du 8 juillet 1997 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamnée :
- à verser aux architectes MM. A... et Z... une indemnité de 424.682,88 F portant intérêts au taux légal à compter du 4 mai 1992, les intérêts étant capitalisés à compter du 20 juin 1997 ;
- aux entiers dépens ;
- au versement d'une somme de 7.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 / de fixer à 148.250 F TTC la perte de bénéfice des deux architectes A... et Z... ;
3 / de les débouter du surplus de leurs demandes ;
4 / de partager les dépens par moitié entre les parties ;
5 / de dire qu'il n'y a pas lieu à allocation d'une somme sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel aux architectes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 1999 :
- le rapport de Mme NAKACHE, premier conseiller ;
- les observations de Me Y... pour la commune d'ISOLA ;
- les observations de Me X... pour MM. A... et Z... ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées de la commune d'ISOLA sont dirigées contre deux jugements successifs du Tribunal administratif de Nice rendus dans la même instance ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
Sur la recevabilité de la requête de première instance :
Considérant que par les jugements attaqués du 11 octobre 1996 et 8 juillet 1997, le Tribunal administratif de Nice a déclaré la commune d'ISOLA responsable sur le fondement extra-contractuel de la moitié du préjudice subi par le cabinet d'architectes GODEAU-FROMENTIN et l'a condamnée à leur verser une somme de 424.682,88 F au titre du règlement d'honoraires correspondant à l'établissement de projets afférents à la réalisation d'une piscine d'un bureau de poste et d'une école et plus généralement à l'aménagement du centre du village ; que le projet ainsi conçu a été abandonné puis limité à la construction d'une piscine couverte et mis au concours pour être finalement confié à une autre société ;
Considérant que les projets litigieux concernaient une opération de travaux publics ; que par suite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la saisine de la juridiction administrative n'était pas, conformément à l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, soumise à l'exigence d'une réclamation préalable susceptible de faire naître une décision administrative liant le contentieux ; qu'il s'ensuit que la commune d'ISOLA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice a déclaré recevable la requête de MM. Z... et A... ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la responsabilité de la commune d'ISOLA :
Considérant qu'il n'est pas contesté que MM. A... et Z... n'ont signé aucune convention avec la commune d'ISOLA et ne peuvent se prévaloir de l'existence d'aucun contrat d'ingénierie ou de maîtrise d'oeuvre ; qu'il résulte cependant de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges que le cabinet GODEAU- FROMENTIN a été chargé en 1988 par la commune d'ISOLA d'élaborer un avant projet sommaire puis un projet urbanistique général pour une piscine et un garage, puis pour un complexe comprenant un bureau de poste, une école, une salle des fêtes, une patinoire et un parking ; que le premier projet a été conduit jusqu'à l'élaboration d'une demande de permis construire ; que le second a fait l'objet d'études préliminaires poussées ; que dans les circonstances de l'espèce le comportement de la commune d'ISOLA doit être regardé comme constituant un encouragement et un engagement envers le cabinet d'architectes GODEAU-FROMENTIN qui pouvait légitimement espérer se voir confier la réalisation de ces projets ; que la décision de la commune, pour se conformer aux dispositions légales et réglementaires applicables, de revenir sur cet engagement et de mettre finalement au concours un projet de piscine couverte, centre de sports et loisirs révèle un comportement fautif de nature à permettre à MM. A... et Z... de rechercher sa responsabilité sur le plan extra-contractuel, même s'ils ont décidé de ne pas concourir ;

Considérant par contre qu'ils ont fait preuve d'imprudence en conduisant des études poussées sans engagement écrit régulièrement établi de la commune ;
Considérant dans ces conditions que le Tribunal administratif a fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce et des responsabilités respectives des architectes et de la commune en déclarant cette dernière responsable de la moitié du préjudice subi par MM. A... et Z... ;
Sur le préjudice de MM. A... et Z... :
En ce qui concerne l'indemnité représentative des honoraires dus :
Considérant que le cabinet d'architectes peut prétendre au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité à laquelle ses prestations ont été fournies et à la réparation du dommage imputable aux fautes de celle-ci dans l'abandon du projet qui aurait pu lui être confié, y compris le cas échéant le bénéfice dont il a été privé par la non-conclusion du contrat d'ingénierie, à condition toutefois que le remboursement à l'intéressé de ses dépenses ne lui assure pas une indemnisation supérieure aux honoraires auxquels il aurait eu droit en application de la réglementation régissant la rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture ;
Considérant en l'espèce que le Tribunal administratif a retenu les chiffres d'honoraires déterminés par l'expert qu'il avait désigné, avant actualisation ; que si la commune d'ISOLA conteste le barème retenu par ledit expert, qui est celui de l'union syndicale des syndicats français d'architectes, elle n'établit pas qu'il soit contraire à la réglementation applicable fixée par les cahiers des charges des marchés d'ingénierie et de maîtrise d'oeuvre ni qu'il conduise à une surestimation de la rémunération de MM. A... et Z... ; qu'elle ne saurait notamment faire état utilement de la rémunération de la société retenue au concours organisé en 1989 dans la mesure où le projet retenu est différent de celui conduit par MM. A... et Z..., ni soutenir que toute indemnisation dudit cabinet doit être écartée, dans la mesure où leur projet ayant été complètement abandonné et n'ayant pas été même partiellement utilisé par la société adjudicataire, il ne lui a pas été utile et ne lui a procuré aucun enrichissement sans cause ; qu'en effet les architectes ont engagé des dépenses à l'initiative de la commune dont la responsabilité se trouve engagée non sur un fondement contractuel ou à raison d'un enrichissement sans cause, mais à raison de son comportement fautif ;
Considérant ainsi, compte tenu du préjudice subi par les architectes A... et Z... et du partage de responsabilité retenu, que le Tribunal administratif de Nice a fait une juste appréciation de l'indemnité mise à la charge de la commune d'ISOLA en la fixant en principal à la somme de 424.682,88 F TTC ;
En ce qui concerne les intérêts :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que MM. A... et Z... ont saisi le Tribunal administratif le 4 mai 1992 d'une demande d'indemnité de "300.000 F à valoir sur le juste et légitime dédommagement auquel (ils) peuvent prétendre" à déterminer par expertise ; qu'ils ont ainsi formulé une demande chiffrée pouvant servir de point de départ aux intérêts moratoires qu'ils ont réclamés ultérieurement ; qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, ils ne pouvaient prétendre à l'actualisation des sommes versées mais uniquement au versement des intérêts légaux à compter de leur première demande chiffrée d'indemnité ; qu'un an d'intérêts étant dus au 20 juin 1997 c'est à bon droit que le Tribunal administratif a fait droit à leur demande de capitalisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'ISOLA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a assorti l'indemnité mise à sa charge des intérêts légaux à compter du 4 mai 1992, lesdits intérêts étant capitalisés au 20 juin 1997 ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les dépens comprennent les frais d'expertise d'enquête et de toute mesure d'instruction. Ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties" ;
Considérant que même si la responsabilité de la commune d'ISOLA n'a été retenue que pour moitié, elle a fait l'objet d'une condamnation et doit donc être regardée comme la partie perdante ; qu'aucune circonstance particulière ne justifiait que la charge des dépens soit partagée entre les parties ; qu'il s'ensuit que la commune d'ISOLA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a mis les dépens de première instance à sa charge exclusive ni par voie de conséquence à en obtenir le partage en appel ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la commune d'ISOLA, partie perdante devant elle, de la prise en charge par l'autre partie de ses frais irrépétibles ;
Considérant par contre que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de condamner la commune d'ISOLA à verser à MM. A... et Z... une somme de 5.000 F sur le fondement dudit article L.8-1 ;
Article 1er : Les requêtes n 96MA02830 et 97MA05101 de la commune d'ISOLA sont jointes et rejetées.
Article 2 : La commune d'ISOLA versera à MM. A... et Z... une somme de 5.000 F (cinq mille francs) sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la commune d'ISOLA, à MM. A... et Z..., au ministre de l'équipement, du transport et du logement et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96MA02830;97MA05101
Date de la décision : 02/02/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-03-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROMESSES


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R102, R217, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme NAKACHE
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;1999-02-02;96ma02830 ?
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