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02/02/1999 | FRANCE | N°96MA01887

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 02 février 1999, 96MA01887


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la commune de VITROLLES ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 8 août 1996 sous le n 96LY01887, présentée pour la commune de VITROLLES, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats WAQUET-FARGE-HAZAN ;
La commune de VITROLLES demande à la Cour d'annuler le jugement n 94-1707

en date du 26 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif de Ma...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour la commune de VITROLLES ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 8 août 1996 sous le n 96LY01887, présentée pour la commune de VITROLLES, représentée par son maire en exercice, par la SCP d'avocats WAQUET-FARGE-HAZAN ;
La commune de VITROLLES demande à la Cour d'annuler le jugement n 94-1707 en date du 26 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif de Marseille :
1 / a annulé le titre de recettes en date du 31 décembre 1993 par lequel le maire a constitué la société NCR FRANCE débitrice de la somme de 3.465.636 F en réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de la société NSI, sous-traitant de la société NCR ;
2 / l'a condamnée à payer à la société NCR FRANCE la somme de 5.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n 92-1369 du 29 décembre 1992 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 1999 :
- le rapport de M. BEDIER, premier conseiller ;
- les observations de Me X... de la SCP JURIS EUXENE pour la commune de VITROLLES ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant que la commune de VITROLLES a confié à la société NCR FRANCE, par un contrat dont l'acte d'engagement a été signé le 28 mai 1990, le soin de fournir les matériels et de mettre en place les logiciels et prologiciels destinés à la réalisation du système informatique de gestion des services municipaux ; que, par un titre exécutoire en date du 31 décembre 1993, le maire de la commune de VITROLLES a constitué la société NCR FRANCE débitrice de la somme de 3.465.636 F se décomposant en 740.636 F de pénalités de retard, 1.525.000 F destinés à couvrir les frais occasionnés par l'intervention d'une tierce entreprise et par celle des techniciens de sa direction des systèmes informatiques, 1.200.000 F en réparation des dysfonctionnements rencontrés par les services utilisateurs ; que, par jugement en date du 26 avril 1996, le Tribunal administratif de Marseille a annulé ledit titre de recettes aux motifs que le retard avec lequel le système informatique de gestion de la commune de VITROLLES avait été mis en service était imputable à la défaillance de la société NSI, sous-traitante de la société NCR FRANCE, imposée à cette dernière par la commune et que la commune avait manqué à ses obligations contractuelles en confiant l'achèvement des prestations à une tierce entreprise sans avoir mis auparavant la société NCR FRANCE en demeure d'y procéder alors que les relations contractuelles n'avaient pas pris fin ; que la commune de VITROLLES fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, pour écarter la fin de non-recevoir opposée par la commune de VITROLLES devant les premiers juges selon laquelle le juge administratif n'a pas le pouvoir d'annuler un contrat, le Tribunal administratif de Marseille a relevé que la requête de la société NCR FRANCE ne tendait pas à l'annulation d'un contrat mais à l'annulation du titre exécutoire par lequel le maire de la commune de VITROLLES a constitué la société NCR FRANCE débitrice d'une somme de 3.465.636 F ; que, par suite, la commune de VITROLLES n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'omission à statuer sur ce point ; que ledit jugement n'a pas davantage dénaturé les conclusions et moyens de la commune, en relevant que celle-ci n'avait pas contesté devant les premiers juges qu'elle avait imposé un sous-traitant à la société NCR FRANCE ; que, par suite, la commune de VITROLLES n'est pas fondée à mettre en cause la régularité du jugement ;
Sur la recevabilité de la requête présentée par NCR FRANCE devant le Tribunal administratif :
Considérant, en premier lieu, que la procédure d'opposition aux titres de perception et aux actes de poursuite organisée par l'article 7 du décret du 29 décembre 1992, qui prévoit une réclamation préalable auprès du comptable qui a pris en charge l'ordre de recette concerne les seules créances de l'Etat ; que ces dispositions ne portent atteinte à aucun principe d'égalité en n'étendant pas le principe de l'obligation d'une réclamation préalable aux contestations relatives aux créances des collectivités territoriales, qui se trouvent dans une situation différente de celle de l'Etat ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande présentée par la société NCR FRANCE devant le Tribunal administratif de Marseille aurait dû être précédée d'une réclamation préalable, n'est pas fondée ;

Considérant, en second lieu, que le juge administratif a le pouvoir d'annuler un titre exécutoire, même si celui-ci est émis pour le recouvrement de sommes dues à la suite de l'inexécution ou de l'exécution incomplète d'un contrat ; que la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que, en prononçant l'annulation de l'état exécutoire en date du 31 décembre 1993, les premiers juges auraient fait droit à des conclusions irrecevables ;
Sur la responsabilité contractuelle de NCR FRANCE :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les matériels livrés à la commune par NCR FRANCE et par son sous-traitant la société Nouveaux Systèmes Informatiques (NSI), n'ont pas fait l'objet d'une réception expresse ; que, compte tenu des spécificités des prestations de services informatiques faisant l'objet du marché, qui requièrent de l'installateur, outre la livraison des matériels, une aide à la mise en marche des logiciels et prologiciels et une maintenance de ceux-ci, la simple prise de possession par la commune de VITROLLES des matériels informatiques ne peut être regardée comme une réception tacite ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les parties aient eu l'intention de procéder à une telle réception ; qu'au surplus, la commune soutient, sans être contredite, qu'une grande partie des logiciels fournis par la société NSI, sous-traitant de la société NCR, n'était pas en état de fonctionner normalement ; que, par suite, la société NCR FRANCE ne peut se prévaloir d'une réception tacite, qui aurait mis fin, avant l'émission à la date du 31 décembre 1993 du titre exécutoire contesté, aux relations contractuelles qui la liaient à la commune de VITROLLES ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment du protocole d'accord signé le 12 mai 1990 entre la société NCR FRANCE et la société NSI, que la commune de VITROLLES aurait imposé la société NSI comme sous-traitant de la société NCR FRANCE ; que la société NCR FRANCE, titulaire du marché restait seule tenue, à l'égard de la commune, de l'exécution du contrat tant pour les prestations qu'elle effectuait elle-même que pour celles qui avaient été confiées à son sous-traitant ; que la procédure de redressement et de liquidation judiciaire de la société NSI, postérieure à la date fixée pour l'achèvement des prestations de la première tranche du marché ne pouvait, en tout état de cause, faire échec à la responsabilité contractuelle de la société NCR FRANCE ; que la commune de VITROLLES, qui est en droit de contester en appel la matérialité des faits retenus par les premiers juges, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que ne pouvaient être mises à la charge de la société NCR FRANCE les conséquences dommageables de la défaillance de son sous-traitant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 32-1 du cahier des clauses administratives générales, particulier aux marchés publics de fournitures courantes et de services : "Il peut être pourvu, par la personne publique, à l'exécution de la fourniture ou du service aux frais et risques du titulaire soit en cas d'inexécution par ce dernier d'une prestation qui, par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, soit si la résiliation du marché prononcée en vertu de l'article 28 prévoit cette mesure" ; que, dans l'hypothèse où il est pourvu à l'exécution de la fourniture ou du service aux frais et risques du titulaire du marché pour remédier à l'inexécution d'une prestation qui, par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, ces dispositions ne prévoient pas l'obligation pour l'administration d'observer les garanties attachées, notamment en termes d'information du titulaire du marché, à la procédure de résiliation prévue à l'article 28 du même cahier des clauses administratives générales ;
Considérant en revanche, qu'à défaut de stipulation expresse du contrat ou des cahiers des charges exonérant l'administration d'une telle obligation, celle-ci ne saurait pourvoir à l'exécution de la fourniture ou du service aux frais et risques du titulaire, sans mettre en mesure son cocontractant de remédier aux dysfonctionnements constatés par un avertissement ou une mise en demeure ; qu'il est constant qu'aucun avertissement ou mise en demeure n'a été adressé à la société NCR FRANCE par la commune de VITROLLES avant de pourvoir à l'exécution de la fourniture ou du service aux frais et risques du titulaire ; que, par suite, la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 32-1 du cahier des clauses administratives générales à l'encontre de la société NCR FRANCE est entachée d'irrégularité ;
Sur les conséquences de l'irrégularité de l'exécution du marché aux frais et risques du titulaire :
Considérant, qu'eu égard à l'irrégularité de la mise en oeuvre de la procédure d'exécution du marché aux frais et risques du titulaire, la société NCR FRANCE ne doit pas supporter les conséquences onéreuses de cette mesure et notamment les dépenses supplémentaires occasionnées par le retard d'exécution des prestations du marché ; que, par suite, la commune de VITROLLES ne pouvait mettre à la charge de la société NCR FRANCE les frais, d'un montant de 1.525.000 F, occasionnés par l'intervention d'une tierce entreprise et par les techniciens de la direction des systèmes informatiques de la commune ;
Considérant, en revanche, que compte tenu des manquements de la société NCR à ses obligations contractuelles dans l'exécution des commandes passées, l'irrégularité de la mise en oeuvre de la procédure d'exécution du marché aux frais et risques du titulaire restait sans incidence sur les droits de la commune de VITROLLES à obtenir le paiement des pénalités de retard et l'indemnisation des troubles que lui avaient causés les perturbations apportées au fonctionnement des systèmes informatiques de la commune ; qu'il y a lieu en conséquence de fixer l'étendue des droits à réparation de la commune au titre de ces deux chefs de préjudice ;
Sur les pénalités mises à la charge de la société NCR :

Considérant, en premier lieu, que si la société NCR FRANCE soutient qu'il n'était pas possible de lui infliger des pénalités après la rupture du lien contractuel avec la commune de VITROLLES consécutive à la réception tacite des prestations qu'elle a fournies, aucune réception tacite, n'a, ainsi qu'il a été dit, été prononcée ; que la société NCR FRANCE ne conteste pas par d'autres moyens, la durée de la période au cours de laquelle les pénalités de retard lui ont été infligées ;
Considérant, en second lieu, que la stipulation du contrat selon laquelle "la réception définitive de toutes les applications de gestion devait être signée au plus tard le 1er janvier 1991" avait simplement pour objet de déterminer le délai contractuel d'exécution des prestations du marché ; que cette clause ne saurait être tenue pour nulle du fait d'une illégalité qui l'entacherait ; que, par suite, la commune de VITROLLES a pu régulièrement, après avoir constaté que le délai contractuel d'exécution des prestations n'avait pas été respecté, mettre à la charge de son cocontractant des pénalités de retard à compter de la date du 1er janvier 1991 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 13 du cahier des clauses administratives particulières du marché : "Lorsque le délai contractuel d'exécution est dépassé, par le fait du titulaire, celui-ci encourt, par jour de retard et sans mise en demeure préalable, des pénalités ..." ; que, compte tenu des mentions expresses du cahier des charges relative à l'absence d'obligation pour la commune d'adresser une mise en demeure préalable avant de réclamer le paiement des pénalités, la société NCR FRANCE n'est pas fondée à soutenir que les pénalités auraient été mises à sa charge selon une procédure irrégulière ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer que les pénalités n'aient dû être calculées que par rapport à la valeur des prestations restant à fournir par la société NCR FRANCE à la date du 1er janvier 1991 et non par rapport à la valeur de la totalité des prestations du marché, la société NCR FRANCE ne met pas la Cour en mesure d'apprécier par rapport à quelles prestations restées inachevées les pénalités auraient dû être calculées, alors que la commune a produit un décompte précis des pénalités ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de VITROLLES était fondée à réclamer à son cocontractant la somme de 740.636 F au titre des pénalités de retard prévues par le marché ;
Sur la réparation du préjudice consécutif aux perturbations apportées au fonctionnement des systèmes informatiques de la commune :
Considérant que si la commune soutient que les perturbations apportées au fonctionnement des systèmes informatiques de ses services ont impliqué le travail à temps plein de cinq agents pendant deux ans, occasionnant des frais s'élevant à 1.200.000 F, elle ne justifie pas l'étendue de ses prétentions, qui est contestée par la société NCR FRANCE ; que, par suite, la commune de VITROLLES ne pouvait mettre à la charge de la société ladite somme de 1.200.000 F ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de VITROLLES était en droit, par le titre exécutoire en date du 31 décembre 1993, de constituer la société NCR FRANCE débitrice de la seule somme de 740.636 F TTC correspondant aux pénalités de retard du marché ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société NCR FRANCE à payer à la commune de VITROLLES la somme de 5.000 F TTC au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et de rejeter les conclusions de la société NCR FRANCE relatives à l'application du même article ;
Article 1er : Le titre exécutoire en date du 31 décembre 1993 est rétabli à hauteur de la somme de 740.636 F TTC (sept cent quarante mille six cent-trente-six francs).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société NCR FRANCE est condamnée à payer à la commune de VITROLLES la somme de 5.000 F TTC (cinq mille francs ) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de VITROLLES, à la société NCR FRANCE et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96MA01887
Date de la décision : 02/02/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES - MAUVAISE EXECUTION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES - SOUS-TRAITANCE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - MISE EN REGIE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - PENALITES DE RETARD.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 92-1369 du 29 décembre 1992 art. 7


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BEDIER
Rapporteur public ?: M. BOCQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;1999-02-02;96ma01887 ?
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