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05/05/1998 | FRANCE | N°96MA00771

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, 05 mai 1998, 96MA00771


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour M. Claude Y... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 1er avril 1996, sous le n 96LY00771, présentée pour M. Claude Y..., demeurant ... par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
- 1 ) de réformer le jugement n 90.1002 en date du 21 décembre 1995 par lequel le Tribunal administrat

if de Nice a rejeté sa demande en décharge totale du complément d'impô...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour M. Claude Y... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 1er avril 1996, sous le n 96LY00771, présentée pour M. Claude Y..., demeurant ... par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
- 1 ) de réformer le jugement n 90.1002 en date du 21 décembre 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge totale du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1984 dans les rôles de la commune de Cannes ;
- 2 ) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités dont elle a été assortie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars
1998 :
- le rapport de Mme NAKACHE, conseiller ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué du 21 décembre 1995 a statué sur l'ensemble des moyens soulevés par M. Y... et notamment sur l'irrégularité alléguée de la demande de justifications qui lui a été envoyée le 29 juillet 1987 en application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ; que M. Y... n'est donc pas fondé à soutenir que ledit jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 alinéa du livre des procédures fiscales : "l'administration peut également ... demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ;
Considérant que M. Y... a fait l'objet d'une vérification de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986 à la suite de laquelle l'administration lui a adressé le 29 juillet 1987 une demande de justifications concernant ses revenus de l'année 1984 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, que M. Y... a déclaré pour l'année 1984 des revenus d'un montant de 123.437 F ; que la vérification a toutefois fait apparaître pour cette année sur les comptes bancaires du foyer des crédits s'élevant à 276.433 F, soit plus du double du montant des revenus déclarés et une balance des espèces largement excédentaire (pour un montant de 1.203.600 F) ;

Considérant en premier lieu que l'administration demeure en droit, après avoir procédé à une vérification de la situation fiscale d'un contribuable, de lui demander, au vu des renseignements qu'elle a obtenus à la suite de cette vérification ou dans l'exercice du droit de communication prévu par les textes fiscaux des justifications relatives à ses revenus d'origine inexpliquée ; que, tant la discordance constatée entre les montants créditeurs des comptes bancaires de M. et Mme Y... au cours de l'année 1984 et le montant des revenus déclarés du ménage que l'écart constaté entre les ressources connues et les disponibilités engagées par M. Y... notamment pour l'achat de pierres précieuses pour un montant de 1.190.000 F dont il n'est pas contesté qu'il ait été effectué en 1984, étaient suffisants pour permettre d'établir que le contribuable pouvait avoir des revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés ; que l'administration devait l'informer qu'une absence de réponse lui ferait encourir la taxation d'office, ce qui a été fait en l'espèce, mais n'était pas tenue, dès l'envoi de la demande de justification, de faire connaître au contribuable les motivations et les éléments sur lesquels elle comptait s'appuyer pour supposer qu'il a disposé de revenus plus importants ; que la lettre du 29 juillet 1987 était en l'espèce d'une précision suffisante ; que M. Y... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé que l'administration était à la date du 29 juillet 1987 en possession d'éléments constituant des indices de dissimulation de revenus suffisants pour engager la procédure prévue par l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article L.69 du livre des procédures fiscales : " ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16" ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que le 29 juillet 1987 l'administration a demandé à M. Y... de fournir dans un délai de deux mois des justifications sur les divers chèques et virements crédités aux comptes des époux Y..., dont le montant et la date d'encaissement étaient précisés et sur l'origine des espèces non identifiées ayant notamment servi à l'acquisition de pierres précieuses en 1984 ; qu'estimant les réponses peu satisfaisantes, elle lui a adressé le 30 octobre 1987 une mise en demeure de produire dans le délai d'un mois des justifications complémentaires ; que cette demande ne portait sur aucun élément nouveau par rapport à la première en date du 29 juillet 1987 ; que la demande concernant le solde créditeur de la balance des espèces a toutefois été ramenée à 1.190.000 F, montant de l'investissement en pierres précieuses, après admission des observations du contribuable quant à l'évaluation de ses dépenses de train de vie en espèces ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges M. Y... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne disposait pas d'un délai de réponse suffisant pour fournir les explications demandées, qui portaient exclusivement sur l'origine des crédits ou disponibilités inexpliquées, ou que le courrier du 30 octobre 1987 constituait une nouvelle demande de justifications qui devait être assortie d'un délai de deux mois et non d'un ;
Considérant en deuxième lieu que la circonstance que le Tribunal administratif ait admis que pour certains crédits bancaires (chèque de 20.000 F, de 57.500 F crédité le 27 janvier 1984, 2.934 F d'arrérages AFER et 25.657 F de produits de location d'une ferme), M. Y... avait fourni des explications assorties de débuts de justificatifs ou d'indications suffisantes pour permettre à l'administration de les vérifier et que cette circonstance faisait obstacle à ce que sa réponse soit assimilée en raison de son caractère vague et imprécis à un défaut de réponse permettant au service de recourir à la taxation d'office, ne saurait avoir pour effet de rendre irrégulière l'ensemble de la procédure de taxation d'office dès lors que, pour un montant des crédits bancaires de 49.165 F, M. Y... s'est borné à faire état de remise de chèques ou virement sur place sans en indiquer la nature et l'origine et qu'il n'a apporté aucun justificatif de réalisation de biens ou actions dégageant au début de l'année 1984 des disponibilités suffisantes pour assurer l'achat de pierres précieuses effectué au cours de cette année ; que pour ces chefs de redressement c'est à bon droit que le Tribunal administratif a estimé que l'insuffisance de ses réponses était équivalente à un défaut de réponse et a considéré comme régulière la taxation d'office conséquente ; que M. Y... n'est donc pas fondé à soutenir que le Tribunal administratif aurait dû prononcer la décharge de l'ensemble des redressements effectués au terme d'une procédure irrégulière et non limiter sa réduction des bases d'imposition à certains d'entre eux ;

Considérant toutefois que M. Y... avait également fourni un bordereau bancaire du C.C.F. de Lille justifiant du versement à son compte le 12 septembre 1984 de deux chèques identifiés pour un montant de 11.000 F ; que sur ce point sa réponse ne peut être assimilée à un défaut de réponse ; qu'il n'encourait donc pas de ce chef la taxation d'office ; qu'il est donc fondé à soutenir que la réduction de base d'imposition opérée par les premiers juges en raison de l'irrégularité de la procédure de taxation d'office doit être portée à la somme de 117.091 F ; Considérant, en troisième lieu, que M. Y... faisant à bon droit l'objet d'une procédure de taxation d'office ne peut utilement invoquer l'insuffisance de la réponse apportée le 15 février 1988 par l'administration à ses observations consécutives à la notification de redressement du 16 décembre 1987 au regard des dispositions relatives au déroulement de la procédure contradictoire définie aux articles L.57 et suivants du livre des procédures fiscales ; que l'article L.76 du livre des procédures fiscales applicable aux procédures d'office ne fait obligation à l'administration que de motiver la notification de redressement et d'informer le contribuable de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 16 décembre 1987 était d'une précision suffisante et qu'y figuraient toutes les mentions obligatoires ; que M. Y... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé qu'il n'avait pas été privé des garanties auxquelles il avait droit ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant en premier lieu que si M. Y... conteste l'évaluation de son train de vie en espèces par l'administration il ne fournit pas plus devant la Cour que devant le Tribunal administratif d'éléments chiffrés de nature à apporter la preuve, dont il a la charge en raison de la taxation d'office régulière dont il fait l'objet, de l'exagération des bases retenues par le service ; que d'ailleurs ainsi que l'ont relevé les premiers juges la somme de 16.400 F retenue par l'administration pour les dépenses courantes de train de vie du ménage n'apparaît pas excessive ;

Considérant en second lieu que M. Y... justifie avoir vendu en 1981 une ferme sise à HONDEZEELE pour un montant de 453.000 F et avoir fait procéder en 1983 par sa banque à des ventes de titres pour un montant de 698.831,13 F ; qu'il apporte devant la Cour des justificatifs complémentaires de la vente d'une ferme en 1980 et de l'encaissement en espèces auprès du C.C.F. de divers chèques entre décembre 1980 et juillet 1983 ; qu'en revanche, il n'apporte aucun élément de nature à établir que ces diverses ventes auraient été réglées ou qu'il en aurait converti le produit en espèces ni qu'il aurait conservé les espèces encaissées au cours des quatre années antérieures et n'en aurait disposé qu'en 1984 en vue de réaliser l'investissement en pierres précieuses litigieux, que celui-ci ait été réglé en une fois comme le soutient le requérant ou par versements échelonnés comme le soutient l'administration ; que M. Y... ne peut dès lors être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition relatives à ce chef de redressement ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a écarté l'ensemble de ses moyens relatifs au bien-fondé des impositions restant en litige et régulièrement établies par une voie de taxation d'office ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les impositions supplémentaires litigieuses n'ont été assorties que des intérêts de retard ; que les intérêts de retard sont dus en application des articles 1728, 1730 et 1734 du code général des impôts, de plein droit dès lors que l'insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d'imposition, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'ils n'impliquent ainsi aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable et n'ont pas, dès lors, le caractère d'une sanction ; qu'il s'ensuit que lorsque l'action de l'administration n'est pas atteinte par la prescription au moment où elle met en recouvrement les droits omis, les intérêts légalement applicables à ces droits ne peuvent être eux-mêmes atteints par la prescription ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 31 juillet 1988 et si les intérêts de retard n'ont été mentionnés et motivés que dans la réponse aux observations du contribuable adressée à M. Y... le 15 février 1988, la prescription concernant les droits en principal a été valablement interrompue, ainsi que l'on relevé les premiers juges, le 16 décembre 1987 par l'envoi de la notification de redressements ; qu'ainsi l'action de l'administration n'étant pas éteinte, le moyen tiré de ce que ces intérêts n'auraient été mentionnés qu'en février 1988 est inopérant ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a estimé que les intérêts de retard étaient légalement dus et a rejeté sa demande en décharge de ce chef ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu à porter la réduction de base d'imposition décidée par les premiers juges de la somme 106.091 F à 117.091 F et de dégrever le requérant de la part d'imposition correspondant à cette différence ; que, par contre, le surplus des conclusions de la requête ne peut qu'être rejeté ;
Article 1er : La réduction de la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de l'année 1984 de M. Y... est portée en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée de la somme de 106.091 F (cent six mille quatre vingt onze francs) à la somme de 117.091 F (cent dix sept mille quatre vingt onze francs).
Article 2 : Il est accordé à M. Y... décharge de l'imposition correspondant à la différence entre la cotisation supplémentaire mise à sa charge et celle résultant de l'application des bases définies à l'article 1, déduction faite des dégrèvements prononcés le 21 février 1996.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96MA00771
Date de la décision : 05/05/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES)


Références :

CGI 1728, 1730, 1734
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69, L57, L76


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme NAKACHE
Rapporteur public ?: M. DUCHON-DORIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;1998-05-05;96ma00771 ?
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