Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité, dans un certain délai en lui accordant dans l'attente un récépissé sans délai, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", ou à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2101149 du 12 avril 2022, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 août 2022, Mme A..., représentée par Me Gninafon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Allier, dans un délai trente jours à compter de la notification de l'arrêt, en lui accordant dans l'attente un récépissé sans délai, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", ou à défaut, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à son profit ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au profit de son conseil au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux ; elle est fondée à se prévaloir des énonciations de la circulaire du 26 mars 2002 ; ce refus est entaché d'une erreur sur la matérialité des faits et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ; il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 13 juin 2023, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... et le moyen susceptible d'être relevé d'office sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ne sont pas fondés.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme A... par une décision du 5 octobre 2022.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de base légale en tant qu'elle vise Mayotte, département français, qui ne saurait être regardé comme un pays à destination duquel un étranger pourrait être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une mesure d'éloignement, au sens de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de l'Union des Comores, née le 7 juin 2000 à Chouani-Hambou, titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 23 janvier 2020 au 22 janvier 2021 sur le territoire du département de Mayotte, est entrée régulièrement sur le territoire français métropolitain le 21 octobre 2021, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type dit " D " portant la mention " étudiant ", valable du 20 octobre 2020 au 20 octobre 2021 lui ayant été délivré le 16 octobre 2020. Mme A... a demandé un titre de séjour au préfet de l'Allier le 18 janvier 2021, qui, par un arrêté du 19 février 2021, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment compte tenu du sens de la demande de délivrance d'un titre de séjour formée par Mme A..., que le préfet de l'Allier n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressée avant de prendre le refus de titre de séjour contesté. Le moyen doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, si Mme A... soutient qu'elle serait fondée à se prévaloir des énonciations d'une circulaire du 26 mars 2002, qui préciserait que toute demande d'admission au séjour devrait être examinée au fond et de manière circonstanciée et que la situation particulière du demandeur devrait toujours être prise en compte, quelles que soient ses conditions d'entrée en France, en toute hypothèse, elle n'indique pas, de manière suffisamment circonstanciée, quelle serait la circulaire à laquelle elle entend faire référence, n'assortissant ainsi pas un tel moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...). "
5. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier adressé par Mme A... au préfet de l'Allier, que l'intéressée, après avoir exposé sa situation, a seulement demandé le bénéfice d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, invoquant également les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012. Dès lors, l'autorité préfectorale s'est prononcée, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs précisé au sein de l'acte contesté, eu égard à un tel fondement, vérifiant également le cas de l'intéressée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme A..., qui n'a pas demandé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-7, le préfet n'étant pas tenu, en particulier en vertu de ces dispositions, d'examiner d'office sa situation au regard de celles-ci, ne saurait utilement soutenir que le refus de titre de séjour en litige méconnaîtrait ces dispositions et serait entaché d'une erreur sur la matérialité des faits, faute d'avoir pris en compte sa situation particulière au regard de cet article. Les moyens ne sauraient donc être admis.
7. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...). "
8. Mme A... se prévaut de ce qu'elle justifie d'un motif exceptionnel à l'appui de sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent, dès lors qu'elle n'a pas été à même de rejoindre un établissement scolaire pour la rentrée scolaire 2020-2021, afin de finaliser son inscription, alors qu'elle y avait été admise, dans la mesure où elle a été victime d'un retard dans la délivrance de son visa pour se rendre sur le territoire métropolitain, et que nonobstant cet élément extérieur à sa volonté, elle a néanmoins entrepris des démarches afin de trouver une formation pour l'année scolaire 2021-2022. Toutefois, alors d'ailleurs que Mme A..., pour étayer de telles circonstances, se borne à produire un échange de messages électroniques laissant penser, au demeurant, qu'elle n'a pas fait parvenir son dossier d'inscription dans les temps auprès de l'établissement scolaire dans lequel elle souhaitait s'inscrire pour la rentrée scolaire 2020-2021, et un document non daté, dont le préfet de l'Allier indique en défense, sans être contesté, qu'il était postérieur à la décision en litige, selon lequel elle bénéficierait d'une proposition d'inscription dans un établissement scolaire au titre de l'année 2021-2022, sans apporter aucun élément relatif à une délivrance tardive de son visa, elle ne saurait, au regard de tels éléments, être regardée comme justifiant d'un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14. De plus, et en toute hypothèse, dès lors notamment que Mme A... ne se trouvait sur le territoire métropolitain que depuis environ quatre mois à la date du refus de titre de séjour en litige, elle ne peut davantage être regardée comme justifiant de considérations humanitaires. Par suite, le préfet de l'Allier n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen ne peut donc être retenu.
9. En cinquième lieu, Mme A... fait valoir qu'elle réside sur le territoire métropolitain avec sa sœur, son frère et sa nièce, avec lesquels elle vit et entretient des liens étroits, alors qu'elle envisage d'y poursuivre des études afin d'y mener à bien son projet professionnel. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A... ne se trouvait sur le territoire métropolitain que depuis environ quatre mois à la date de la décision contestée portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, alors qu'elle résidait auparavant depuis l'année 2011 à Mayotte, où demeurent ses parents ainsi que deux sœurs. De même, il n'apparaît pas, comme mentionné au point précédent, qu'elle aurait bénéficié d'une proposition d'inscription dans un établissement scolaire au titre de l'année 2021-2022, à la date de ces décisions, alors d'ailleurs que celles-ci, ne feraient pas obstacle, en tant que telles, à ce qu'elle poursuive une scolarité en métropole compte tenu notamment de la date à laquelle elles ont été édictées. Dans ces conditions, le préfet de l'Allier, en prenant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire en litige, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les moyens ne peuvent être retenus.
10. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, et que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Les moyens ne peuvent donc qu'être écartés.
11. En dernier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; / 2° Ou, en application d'un accord (...) de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / (...) ". Ni ces dispositions ni aucune autre du même code n'ouvrent au préfet la faculté d'éloigner un étranger, en cas d'exécution d'office d'une mesure d'éloignement, à destination d'une partie du territoire national. Il suit de là que la décision contestée fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de base légale en tant qu'elle vise Mayotte, département français. Cette décision doit donc être annulée dans cette mesure, ainsi que le jugement attaqué en ce qu'il rejette la demande d'annulation de Mme A... dirigée contre cette décision.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 19 février 2021 du préfet de l'Allier en ce qu'il a fixé le département de Mayotte comme pays de destination. Le surplus de ses conclusions dirigées contre ce jugement et cet arrêté doit donc être rejeté.
13. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent donc qu'être rejetées.
14. Il n'y a pas lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme au titre des frais exposés par Mme A.... Le bénéfice de l'aide juridictionnelle ayant été refusé à Mme A... par une décision du 5 octobre 2022, Me Gninafon, avocat de Mme A..., ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Ces conclusions doivent donc être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 avril 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A... dirigée contre l'arrêté du 19 février 2021 du préfet de l'Allier en ce qu'il a fixé le département de Mayotte comme pays de destination. Cet arrêté est annulé dans cette mesure.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
Ph. Seillet La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02471
al