Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1906177 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Storrar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités afférentes ;
3°) d'assujettir les résultats des exercices clos les 31 décembre 2011, 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 de la SCI Imhotep à l'impôt sur les sociétés ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les modules, posés sur des longrines et qui ne sont pas fixés au sol, étant des biens meubles par nature au sens de l'article 528 du code civil, la location de biens meubles corporels constitue une opération commerciale dont les résultats sont imposables non pas dans la catégorie des revenus fonciers mais dans celle des bénéfices industriels et commerciaux ; dès lors que ces produits de location excédent 10 % du total des loyers annuels perçus par la SCI Imhotep, celle-ci est passible de l'impôt sur les sociétés ;
- à titre subsidiaire, dans la mesure où le bail initialement conclu avec la société Akka Services incluait à titre principal la concession d'un droit de pose et d'installations d'éléments modulaires, constitutif d'un droit mobilier, et où la prestation de service de location de biens mobiliers relève des bénéfices industriels et commerciaux, les résultats générés par l'activité de la SCI Imhotep auraient dû relever dès 2011 du régime de l'impôt sur les sociétés ;
- la décision de refus du bénéfice de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales est insuffisamment motivée ;
- en lui refusant de droit de corriger son erreur quant au régime applicable, le vérificateur l'a privée d'une garantie édictée par la réglementation fiscale et par suite la procédure suivie est irrégulière.
Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Storrar, représentant M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Imhotep, société soumise au régime d'imposition de l'article 8 du code général des impôts ayant pour activité la location de locaux professionnels et dont M. A... B... détenait la moitié des parts, a fait l'objet d'une vérification sur place portant sur les années 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration a, d'une part, réintégré dans ses recettes des loyers omis déterminés à partir des encaissements constatés sur son compte bancaire et, d'autre part, refusé d'admettre en déduction des dépenses d'entretien, de réparation et d'amélioration comptabilisées. En conséquence du rehaussement des résultats de la SCI Imhotep, M. B... a été assujetti, à proportion des droits qu'il détenait dans la société, à des compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 2011, 2012 et 2013 et à des cotisations de contributions sociales. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé de l'imposition dans la catégorie des revenus fonciers :
2. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15 et de l'article 15 bis, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines, ainsi que les revenus : a De l'outillage des établissements industriels attaché au fonds à perpétuelle demeure, dans les conditions indiquées au premier paragraphe de l'article 525 du code civil ou reposant sur des fondations spéciales faisant corps avec l'immeuble ; b De toutes installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions ; (...) 2° Les revenus des propriétés non bâties de toute nature, y compris ceux des terrains occupés par les carrières, mines et tourbières, les étangs, les salines et marais salants. " Aux termes de l'article 29 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. / Dans les recettes brutes de la propriété sont comprises notamment celles qui proviennent de la location du droit d'affichage ou du droit de chasse, de la concession du droit d'exploitation des carrières, de redevances tréfoncières ou autres redevances analogues ayant leur origine dans le droit de propriété ou d'usufruit. ".
3. En vertu du 2 de l'article 206 du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions litigieuses, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés " si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Aux termes du I de l'article 35 de ce code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : (...) 5° Personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie (...) ". Ces dernières dispositions s'appliquent à l'activité de location d'un établissement commercial ou industriel dès lors que celui-ci est muni de l'essentiel du matériel nécessaire à l'exploitation.
4. Il résulte de l'instruction que la SCI Imhotep a acquis, le 29 novembre 2010, deux parcelles de terrain à bâtir à Pierrelatte (Drôme) qu'elle a aménagées en vue d'y accueillir des constructions de type modulaire destinées à un usage de bureaux. Le 24 février 2011, la SCI Imhotep a conclu avec la SAS Akka Services un bail commercial de neuf ans portant sur la location d'une parcelle de terrain à bâtir clôturée avec portail constituant le lot d'un lotissement, moyennant un loyer mensuel fixe et une provision pour charges. Ce contrat stipule que le terrain a été aménagé par le bailleur (terrassements, création d'une plateforme en remblai compacté permettant au preneur de réaliser les fondations de son bâtiment, d'une forme de pente, d'un parking de 3 800 m² et de réseaux), qu'un permis de construire à titre précaire a été délivré le jour même et que le preneur est autorisé à effectuer à ses frais les travaux de construction de bâtiments modulaires. Parallèlement, la SAS Akka Services a pris en location 56 bâtiments modulaires qu'elle a fait installer sur ce terrain. A la suite de la résiliation anticipée de ce bail, la SCI Imhotep a acquis, le 21 septembre 2012, les 56 éléments modulaires implantés sur son terrain et conclu un second bail commercial avec EDF portant sur le terrain à bâtir et un bâtiment modulaire type Algeco de 1 000 m² moyennant un loyer annuel fixe payable en quatre fois à compter du 1er mars 2013. Ce bail, d' une durée de neuf ans, a fait l'objet d'un avenant, prenant effet à compter du 1er septembre 2013, stipulant que les locaux donnés en location étaient modifiés par adjonction d'un niveau supplémentaire R + 1 de 270 m² de bâtiments modulaires dont la SCI Imhotep était locataire et qu'elle sous-louait à EDF. La SCI a déposé des déclarations de revenus fonciers au titre des années 2011, 2012 et 2013. Dans sa réponse aux observations du contribuable, l'administration a admis que les revenus tirés de la sous-location de locaux nus à EDF ne relevaient pas de la catégorie des revenus fonciers et devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
5. Il résulte de l'instruction que la SCI Imhotep a déposé un permis de construire le 24 février 2011 en vue de créer une plate-forme de bureaux constituée de bâtiments modulaires. Le contrat de bail commercial précise qu'elle a pris en charge la création de la plate-forme permettant au locataire de réaliser des fondations de type plots ou longrines. Le plan établi par la société Algeco indique que les bâtiments modulaires reposent sur des longrines elles-mêmes fixées sur une dalle en béton. Cet ensemble modulaire destiné à un usage de bureaux, est relié aux réseaux d'alimentation électrique, téléphonique, informatique, d'eau et d'assainissement et est constitué de plus d'une cinquantaine de modules en rez-de-chaussée occupant une surface au sol de 1 000 m² auxquels a été adjoint par la suite un étage de 15 modules d'une surface de 270 m². Il en résulte que, compte tenu de ces caractéristiques, ces éléments modulaires ne sont pas destinés à être déplacés même s'ils sont démontables. Par suite, ils constituent des installations assimilables à des constructions au sens du b du 1° de l'article 14 du code général des impôts sans que le requérant puisse utilement invoquer les dispositions de l'article 528 du code civil pour faire échec à cette qualification fiscale.
6. M. B... soutient, à titre subsidiaire, que le bail conclu entre la SCI Imhotep et la société Akka Services incluait à titre principal la concession d'un droit de pose et d'installations d'éléments modulaires constitutif de la location d'un droit mobilier et que la prestation de services en lien avec la location de biens mobiliers relevait dès 2011 du régime de l'impôt sur les sociétés.
7. Il résulte des termes du contrat de bail commercial conclu le 24 février 2011 entre la SCI Imhotep et la société Akka Services qu'il a pour objet de donner à bail une parcelle de terrain à bâtir sur lequel le preneur est autorisé à effectuer à ses frais des travaux de construction d'un bâtiment modulaire en rez-de-chaussée suivi ultérieurement d'un ou de deux étages, d'installation du bâtiment modulaire, de réalisation d'une dalle avec longrines et plots en béton. En contrepartie, le bailleur perçoit un loyer annuel de 73 200 euros hors taxe correspondant, selon les termes de l'article 13 du bail, " à la valeur locative " du terrain. Ainsi le bail conclu avec la SAS Akka Services ne porte pas sur la concession d'un droit de pose et d'installation..
8. Enfin, s'il résulte des termes du contrat conclu avec la SAS Akka Services que la SCI Imhotep a effectué sur le terrain donné en location des travaux, ces aménagements ne constituent pas l'essentiel de l'équipement nécessaire à l'exploitation de l'activité de la SAS Akka Services. Il en va de même du second contrat par lequel la SCI Imhotep a donné en location à EDF le terrain et les éléments modulaires. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la SCI Imhotep participe à la gestion ou au profit du preneur tiré de la location du terrain et des éléments modulaires.
9. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la SCI Imhotep était passible de l'impôt sur les sociétés à raison des revenus locatifs en litige.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
10. Aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Au cours d'une vérification de comptabilité et pour les impôts sur lesquels porte cette vérification, le contribuable peut régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais, moyennant le paiement d'un intérêt de retard égal à 70 % de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. / Cette procédure de régularisation spontanée ne peut être appliquée que si : 1° Le contribuable en fait la demande avant toute proposition de rectification ; 2° La régularisation ne concerne pas une infraction exclusive de bonne foi ; /3° Le contribuable dépose une déclaration complémentaire dans les trente jours de sa demande et acquitte l'intégralité des suppléments de droits simples et des intérêts de retard au moment du dépôt de la déclaration, ou à la date limite de paiement portée sur l'avis d'imposition en cas de mise en recouvrement par voie de rôle. " Ces dispositions sont destinées à permettre au contribuable de régulariser spontanément une déclaration qui comporterait des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances, ainsi que le mentionne l'article précité, sans lui permettre cependant de pallier le défaut de souscription d'une déclaration. Sous réserve des conditions fixées par l'article L. 62 et notamment que l'infraction ne soit pas exclusive de bonne foi, les associés d'une société civile immobilière qui ont déposé une déclaration d'impôt sur le revenu peuvent régulariser cette déclaration sur le fondement des dispositions précitées.
11. Il est constant que la SCI Imhotep a demandé verbalement le bénéfice des dispositions de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, le lendemain de la réunion de synthèse du contrôle et la veille de la remise en main propre de la proposition de rectification. Dans sa réponse aux observations de la SCI Imhotep, l'administration a indiqué que la procédure de régularisation n'était pas applicable dans la mesure où elle ne pouvait porter que sur des impôts visés par l'avis de vérification et où elle devait concerner des erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances constatées dans des déclarations souscrites dans les délais.
12. Si M. B... soutient que l'administration l'a privé d'une garantie en lui refusant le bénéfice de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales, ces dispositions ne permettent au contribuable que d'obtenir une réduction des intérêts de retard et sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que le refus du bénéfice de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales est insuffisamment motivée et l'a privé d'une garantie de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04069