Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SELARL Pharmacie du Parc a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016. Le directeur départemental des finances publiques du Puy-de-Dôme a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au tribunal administratif sa réclamation tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2017.
Par un jugement nos 1800762 - 2000892 du 28 avril 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juillet 2021 et 12 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre ces impositions à la charge de la SELARL Pharmacie du Parc.
Il soutient que :
- il résulte de la chronologie des faits que la SELARL Pharmacie A..., créée en 2015, a repris l'activité de la pharmacie Bartassot non dans le but de pérenniser cette entreprise, mais afin de permettre la fusion-absorption projetée avec la pharmacie B..., qui a mis fin à la pharmacie Bartasssot, dont la fermeture était déjà planifiée à sa reprise en 2015 ; cette circonstance fait obstacle au maintien de l'exonération prévue à l'article 44 quindecies du code général des impôts dont a bénéficié la SELARL Pharmacie A... au titre de cette reprise ;
- en application du III de l'article 44 quindecies, la fusion de deux sociétés déjà implantées en zone de revitalisation rurale ne permet pas d'ouvrir droit au bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés ;
- l'opération réalisée a permis l'absorption puis la dissolution de la SELARL Pharmacie B..., qui réalisait un chiffre d'affaires bien supérieur à celui de la SELARL Pharmacie A... sans bénéficier du régime de faveur et dont l'activité n'était aucunement compromise ;
- l'opération de regroupement a permis à la SELARL Pharmacie A... de supprimer toute concurrence économique proche, ce qui ne saurait correspondre à une volonté de maintenir la pérennité de l'entreprise reprise, à savoir la pharmacie B..., ni à la volonté du législateur de maintenir une activité économique dans des zones rurales déficientes en la matière.
Par des mémoires, enregistrés les 28 octobre 2021 et 2 août 2022, la SELARL Pharmacie du Parc, représentée par Me Martin, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la clause anti-abus prévue au III de l'article 44 quindecies du code général des impôts ne trouve pas à s'appliquer lorsque l'activité reprise ou transférée dans le cadre de l'opération de restructuration bénéficiait déjà, au jour de la reprise, d'une exonération, laquelle continue de s'appliquer pour la durée restant à courir ;
- tel est également le cas si l'activité reprise ou transférée dans le cadre de l'opération de restructuration n'a jamais bénéficié du régime de faveur applicable en zone de revitalisation rural ou d'un autre régime de faveur ;
- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe 160 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-20, qui conforte cette analyse ;
- la reprise de la pharmacie Bartassot en 2015 s'est bien traduite par la pérennité de l'emploi, des investissements et de l'activité sur la commune, conformément à l'objectif du législateur, qui n'impose pas un maintien à l'identique et ne fait pas obstacle au transfert des moyens matériels dans de nouveaux locaux.
Par ordonnance du 11 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SELARL Pharmacie A..., constituée le 16 février 2015 en vue de la reprise d'une officine de pharmacie située à Donjon (Allier) en zone de revitalisation rurale, la pharmacie Bartassot, dont elle a acquis, le 1er mars 2015, le fonds de commerce, a bénéficié du régime d'exonération d'impôt sur les bénéfices prévu à l'article 44 quindecies du code général des impôts. En application d'une convention conclue le 29 avril 2016, elle a absorbé, le 6 juillet 2016, la SELARL Pharmacie B..., laquelle exploitait également une officine à Donjon. La SELARL Pharmacie A..., devenue SELARL Pharmacie du Parc, dont le capital, à l'issue de cette opération, était détenu par M. A... et Mme B..., cogérants et propriétaires chacun de la moitié des parts, s'est acquittée des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2016 et 2017, l'administration lui ayant indiqué par un courrier du 11 août 2016, en réponse à une demande de rescrit, que l'opération de fusion-absorption lui ferait perdre le bénéfice du régime de faveur de l'article 44 quindecies du code général des impôts. Par un jugement du 28 avril 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la SELARL Pharmacie du Parc la décharge de ces impositions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.
Sur l'appel du ministre :
2. Aux termes de l'article 44 quindecies du code général des impôts : " I. Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciales, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...) / II. Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes : / a) Le siège social de l'entreprise ainsi que l'ensemble de son activité et de ses moyens d'exploitation sont implantés dans les zones mentionnées au I (...) / b) L'entreprise emploie moins de onze salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée d'au moins six mois à la date de clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d'application du présent article (...) / c) L'entreprise n'exerce pas une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles, de pêche maritime ; / d) Le capital de l'entreprise créée ou reprise n'est pas détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés ; / e) L'entreprise n'est pas créée dans le cadre d'une extension d'activités préexistantes. L'existence d'un contrat, quelle qu'en soit la dénomination, ayant pour objet d'organiser un partenariat caractérise l'extension d'une activité préexistante lorsque l'entreprise créée ou reprenant l'activité bénéficie de l'assistance de ce partenaire, notamment en matière d'utilisation d'une enseigne, d'un nom commercial, d'une marque ou d'un savoir-faire, de conditions d'approvisionnement, de modalités de gestion administrative, contentieuse, commerciale ou technique, dans des conditions telles que cette entreprise est placée dans une situation de dépendance. / III. (...) / L'exonération ne s'applique pas aux créations et aux reprises d'activités dans les zones de revitalisation rurale mentionnées au I consécutives au transfert, à la concentration ou à la restructuration d'activités précédemment exercées dans ces zones, sauf pour la durée restant à courir si l'activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié de l'exonération prévue au présent article (...) ".
3. D'une part, en application du I de l'article 44 quindecies du code général des impôts, au sein de zones de revitalisation rurale dont, en application de l'article 1465 A du même code dans sa rédaction alors en vigueur, le périmètre est défini par décret, les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 bénéficient, sous certaines conditions et dans certaines limites, à raison des bénéfices qu'elles réalisent pendant les quatre-vingt-quinze premiers mois suivant celui de leur création ou de leur reprise, d'une exonération totale puis partielle d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de l'article 129 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 dont elles sont issues, que la reprise d'entreprise ouvrant droit à l'exonération qu'elles instaurent s'entend de toute opération au terme de laquelle est reprise la direction effective d'une entreprise existante avec la volonté non équivoque de maintenir la pérennité de cette entreprise.
4. D'autre part, il résulte des travaux préparatoires à l'adoption de l'article 45 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, dont est issu le III de l'article 44 quindecies du code général des impôts, que le législateur a souhaité introduire un dispositif " anti-abus " afin d'éviter que des entreprises ne délocalisent leurs activités dans une autre commune à l'occasion de changements de la carte des zones de revitalisation rurale.
5. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, qu'en vertu d'une convention de fusion-absorption conclue le 29 avril 2016, la SELARL Pharmacie A..., constituée le 16 février 2015 en vue de la reprise d'une officine préexistante, la pharmacie Bartassot, dont elle acquis, le 1er mars 2015, le fonds de commerce, situé à Donjon (Allier), commune classée en zone de revitalisation rurale, a absorbé, le 6 juillet 2016, avec effet au 1er janvier 2016, la SELARL Pharmacie B..., qui exploitait une officine à Donjon.
6. Le ministre relève que Mme B..., associé unique et gérante de la SELARL Pharmacie B... et M. A..., associé unique et gérant de la SELARL Pharmacie A..., avaient, dès le 18 février 2015, créé la SCI du Parc, propriétaire de l'immeuble loué ensuite à l'officine regroupée et que les statuts de la SCI du Parc font référence à plusieurs reprises à une société Pharmacie du Parc, qui ne sera constituée qu'à compter du 1er janvier 2016. Il en déduit que Mme B... et M. A... se sont concertés en vue de regrouper les deux officines de pharmacie de la commune avant même la reprise, en 2015, par la SELARL Pharmacie A..., de la pharmacie Bartassot, au titre de laquelle elle a bénéficié du régime d'exonération prévu au I de l'article 44 quindecies du code général des impôts. Toutefois, il ne résulte pas de cette seule circonstance que cette reprise n'avait pas pour objet d'assurer la pérennité de la pharmacie Bartassot, laquelle, d'une part, a exercé son activité sous la nouvelle dénomination de SELARL Pharmacie A... en 2015, et, d'autre part, n'a pas été supprimée du seul fait de la fusion intervenue avec la SELARL Pharmacie B..., qui a entrainé l'absorption de cette dernière avec transmission universelle de son patrimoine à effet du 1er janvier 2016. Par ailleurs, si le ministre fait valoir que l'opération en litige a eu pour effet de limiter la concurrence sur la commune de Donjon, l'article 44 quindecies n'exclut pas du dispositif d'exonération qu'il prévoit les opérations de restructurations d'entreprises, mais fait seulement obstacle aux reprises n'ayant pas pour objet d'assurer la pérennité d'entreprises existantes, laquelle n'est pas remise en cause lorsque, comme en l'espèce, deux sociétés fusionnent entre elles en regroupant leurs activités respectives. Il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le maintien du dispositif d'exonération au profit de la SELARL Pharmacie du Parc serait contraire à l'objectif de pérennité des activités économiques poursuivi par l'article 44 quindecies du code général des impôts.
7. Enfin, les dispositions, énoncées au point 2 du III de l'article 44 quindecies du code général des impôts, qui visent à faire obstacle au contournement des modifications de la carte des zones de revitalisation rurale, ont seulement pour objet de limiter, en cas de création et de reprise d'activités dans les zones de revitalisation rurale consécutives au transfert, à la concentration ou à la restructuration d'activités précédemment exercées dans ces zones, le bénéfice du régime d'exonération pour la durée restant à courir, lorsque l'activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié de l'exonération prévue au I de cet article. Elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle au maintien, dans les mêmes conditions de durée, du dispositif d'exonération dont bénéficiait une entreprise antérieurement à une opération de restructuration, y compris lorsque cette opération consiste à absorber une autre entreprise qui n'en bénéficiait pas, peu important, à cet égard, le volume respectif des chiffres d'affaires des sociétés concernées. Il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'en application du III de l'article 44 quindecies du code général des impôts, la SELARL Pharmacie du Parc ne peut prétendre à l'exonération d'impôt sur les bénéfices prévue au I du même article au titre des exercices clos en 2016 et 2017.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déchargé la SELARL Pharmacie du Parc des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SELARL Pharmacie du Parc en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SELARL Pharmacie du Parc une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie du Parc et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY02290