Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Le Magistral a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet du Rhône a prononcé la fermeture administrative de l'établissement qu'elle exploite pour une durée de deux mois.
Par jugement n° 2006959 du 26 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2021, la société Le Magistral, représentée par Me Bouboutou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges se sont fondés sur des pièces produites par le préfet postérieurement à la clôture de l'instruction et que leur production n'était pas de nature à justifier une réouverture de l'instruction ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges se sont fondés sur un motif, tiré des troubles de voisinage et du stationnement gênant, qui ne figure pas dans la décision attaquée ;
- la décision attaquée méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense, dès lors que le courrier qui lui a été adressé avant l'adoption de l'arrêté ne comporte aucune indication des date, horaire, nombre et localisation des troubles qui lui sont reprochés ;
- le risque d'atteinte à l'ordre public n'est pas démontré dès lors qu'il n'est pas établi que la fusillade survenue le 27 août 2020 serait en relation avec la fréquentation de l'établissement ni que ces faits seraient susceptibles de se reproduire ;
- les faits de tapage nocturne et de stationnement gênant ne lui sont pas imputables.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouboutou pour la société Le Magistral.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 juin 2023, présentée par Me Bouboutou pour la société Le Magistral.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Magistral exploite depuis 2014 un fonds de commerce de bar, restauration et de débit de tabac à l'enseigne " Le Magistral ", au 88 rue du 4 août 1789 à Villeurbanne (Rhône). Par un arrêté du 25 septembre 2020, le préfet du Rhône a prononcé la fermeture administrative de l'établissement qu'elle exploite pour une durée de deux mois. La société Le Magistral relève appel du jugement du 26 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le tribunal a informé les parties, par une ordonnance du 25 janvier 2021, que la clôture d'instruction interviendrait le 15 février 2021 à 16h30, puis a adressé au préfet du Rhône, le 1er mars 2021, une demande de pièces pour compléter l'instruction. Cette mesure, prise sur le fondement de l'article L. 613-1-1 du code de justice administrative, a eu pour effet de rouvrir l'instruction en ce qui concerne les éléments contenus dans les pièces produites par le préfet en réponse à cette demande, ce qu'indiquait au demeurant expressément le courrier du 24 mars 2021 par lequel le tribunal les a communiquées à la société Le Magistral. Enfin, ce courrier informait expressément la société qu'elle disposait d'un délai de sept jours pour faire valoir ses observations sur les éléments contenus dans ces pièces. Par suite, en se fondant sur ces éléments, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du contradictoire.
3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans son mémoire en défense présenté devant le tribunal, le préfet du Rhône a expressément indiqué que sa décision se fondait, notamment, sur le tapage que génèrent les conversations et les déplacements des clients ainsi que le stationnement gênant de ces derniers. Par suite, et alors même que le stationnement gênant n'était pas expressément invoqué dans la décision attaquée, les premiers juges, en se fondant sur ce motif, n'ont, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas procédé d'office à une substitution de motifs ni méconnu le principe du contradictoire.
Sur la fond du litige :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 211-2 de ce code : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Ces dispositions impliquent que la personne intéressée ait été avertie de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde et qu'elle bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.
5. Il ressort des pièces du dossier que MM. Nassem et Laghouati, en leur qualité de cogérants de la société Le Magistral, ont été rendus destinataires, le 4 septembre 2020, d'un courrier du préfet du Rhône indiquant que des tirs en direction de la façade de l'établissement et ayant atteint trois clients avaient été opérés le 27 août 2020 à 1h12, que des plaintes étaient parvenues en mairie pour tapage et stationnement gênant, que ces faits étaient constitutifs d'une atteinte à l'ordre public, qu'ils étaient de nature à justifier une fermeture administrative de l'établissement sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, et, enfin, que la société avait la possibilité de faire parvenir ses observations écrites ou orales sur la décision susceptible d'intervenir dans un délai de quinze jours. Dans de telles conditions, et alors même que ce courrier ne mentionne pas les dates, horaires et circonstances exactes des faits de tapage et de stationnement gênant, la société Le Magistral, qui a été informée des motifs sur lesquels l'autorité administrative entendait fonder sa décision, a été mise à même de présenter de manière utile ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par un courrier du 18 septembre 2020. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ne peut, par suite, qu'être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " (...) 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois (...) 4. (...) les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 (...) doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation ". La mesure de fermeture d'un débit de boissons prévue par ces dispositions a pour objet, non d'infliger une sanction mais de prévenir des désordres liés au fonctionnement de l'établissement.
7. Pour justifier la décision de fermeture temporaire de l'établissement pendant une durée deux mois sur le fondement du 2. de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, le préfet du Rhône a relevé que trois clients de l'établissement, stationnant devant ce dernier qui était encore ouvert, le 27 août 2020, à 1h12 alors que l'établissement devait être fermé à 1h00, avaient été victimes de tirs par armes à feu, que ces clients avaient d'importants antécédents judiciaires, que les tirs avaient été effectués en direction de l'établissement et que ces faits graves et de nature criminelle étaient en lien avec le fonctionnement de ce dernier. Il a également relevé que le fonctionnement de l'établissement était à l'origine de tapage et de troubles à l'ordre public en lien avec le stationnement irrégulier de véhicules.
8. Il ressort des pièces du dossier que les tirs en cause, effectués depuis un véhicule circulant sur la voie publique, se sont produits à l'extérieur de l'établissement. Aucun élément du dossier ne permet de démontrer que les auteurs de ces faits sont amenés à le fréquenter. Ainsi, la seule circonstance que les faits sont survenus alors que l'établissement était encore ouvert, que les tirs ont atteint la façade et que les personnes visées présentent des antécédents judiciaires ne sauraient, à elles seules, établir qu'ils sont en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. Par suite, ce motif ne pouvait légalement justifier la fermeture du débit de boissons.
9. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et, notamment, des tableaux produits par le préfet du Rhône répertoriant les interventions des services de la police municipale et de la police nationale sur les lieux ainsi que les réclamations de riverains reçues par la commune de Villeurbanne, lesquels indiquent, dans chaque cas, la date, l'horaire et le motif du déplacement, lié en majorité au stationnement gênant de véhicules et aux nuisances sonores liées aux attroupements devant l'établissement, que ce dernier est à l'origine de nuisances sonores et de troubles à l'ordre public. La société requérante ne peut utilement soutenir que le stationnement irrégulier de véhicules, qu'elle ne conteste au demeurant pas, présenterait un caractère généralisé sur le territoire de Villeurbanne et résulterait uniquement d'un déficit d'emplacements. En outre, il ressort des pièces du dossier que les faits de tapage et de stationnement gênant, constatés avant la fermeture administrative d'un mois prononcée par le maire de Villeurbanne, le 25 mai 2020, se sont interrompus durant la période de fermeture de l'établissement avant de reprendre à compter de sa réouverture, le 25 juin 2020. Dans ces conditions, le préfet du Rhône, en relevant les atteintes à l'ordre public liées au tapage et au stationnement gênant imputables à l'exploitation de l'établissement, ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts. Les comportements des clients ainsi relevés justifiaient, compte tenu de leur ampleur et de leur persistance, une mesure de fermeture temporaire. Enfin, eu égard au caractère récurrent des faits reprochés et à l'absence de mesure prise à la suite de la première fermeture administrative pour atténuer la gêne occasionnée par le fonctionnement de l'établissement, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée de la fermeture à deux mois. Par suite, et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les faits de tapage et de stationnement gênant, le préfet du Rhône a pu légalement prononcer la fermeture de l'établissement exploité par la société Le Magistral pour une durée de deux mois.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Le Magistral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Le Magistral la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Le Magistral est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Magistral et à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
M-A. Boizot
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02118