Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 4 octobre 2022 par lesquels le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence dans le département du Rhône pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2207502 du 13 octobre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois prononcée à l'encontre de M. A... et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 4 octobre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué, le premier juge n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance du droit d'être entendu en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux et du défaut d'examen sérieux et réel de sa situation ;
Sur les moyens communs aux décisions :
- le préfet a méconnu son droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux et n'a pas procédé à un examen sérieux et réel de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur de droit ;
Sur les moyens relatifs à l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de fait ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur les moyens relatifs à la décision refusant un délai de départ volontaire :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle est entachée d'erreur de droit ;
- le préfet a méconnu les articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les moyens relatifs à la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur les moyens relatifs à l'assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est disproportionnée au regard du but poursuivi.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées le 4 mai 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français, le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 octobre 2022 ayant annulé cette décision.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- et les observations de Me Sabatier, représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né le 7 septembre 1995, est entré en France pour la dernière fois le 7 juillet 2019. Le 31 mai 2015, il a sollicité le bénéfice de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 23 juin 2015. Le 2 février 2016, il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile qui a été rejeté comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 9 février 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mai 2016. Par un arrêté du 24 avril 2017, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite de son interpellation le 4 octobre 2022, le préfet du Rhône a, le même jour, obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence dans le département du Rhône pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, après avoir annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois prononcée à son encontre, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français :
2. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, M. A... n'a pas intérêt à demander l'annulation de cette décision. Il en résulte que les conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... établit l'existence d'une communauté de vie avec une compatriote bénéficiaire de la protection subsidiaire et que de cette union est né un enfant le 3 août 2022. Il en résulte que M. A... doit être regardé comme participant à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Eu égard à l'impossibilité d'une reconstitution de la cellule familiale en Albanie en raison de la protection subsidiaire dont bénéficie sa compagne et à la séparation avec son enfant qu'induirait un retour de M. A... dans ce pays, le requérant est fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Rhône a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. L'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraine, par voie de conséquence, l'illégalité des décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles (...) L. 731-1 (...), et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
8. L'annulation, par le présent arrêt, de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... implique seulement que sa situation soit réexaminée et que, dans l'attente, l'autorisation provisoire de séjour prévue par ces dispositions lui soit délivrée. Par suite, il y a lieu, et sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2207502 du tribunal administratif de Lyon du 13 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : Les décisions obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence contenues dans l'arrêté du préfet du Rhône du 4 octobre 2022 sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de se prononcer, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la situation de M. A... et de le munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la préfète du Rhône et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, président de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
La rapporteure,
R. Caraës
La présidente,
A. CourbonLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03242