Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1406790 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure initiale devant la Cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mai 2017, le 20 octobre 2017 et le 7 novembre 2018, M. et Mme A... demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, à hauteur de la somme de 19 795 777 euros, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé, au regard du droit interne, qu'ils étaient fiscalement domiciliés en France jusqu'au 31 mars 2008, au motif qu'ils avaient en France le centre de leurs intérêts économiques, dès lors que le centre de leurs intérêts vitaux, qui constitue le critère pertinent, a été fixé en Suisse dès le 21 décembre 2007 ;
- au regard du droit interne suisse, ils avaient la qualité de résidents fiscaux suisses, dès lors qu'ils ont séjourné en Suisse plus de quatre-vingt-dix jours sans y exercer une activité lucrative et qu'ils y étaient assujettis à une imposition illimitée ;
- ils doivent être regardés, pour l'application du paragraphe 2 de l'article 4 de la convention fiscale franco-suisse, applicable dès lors qu'il existe un conflit de résidence fiscale, comme résidents de Suisse, dans la mesure où ils y disposent d'un foyer d'habitation permanent, qui correspond au centre de leurs intérêts vitaux ;
- la qualité de résidents fiscaux suisses ne peut leur être déniée sur le fondement du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention, dès lors qu'ils ne sont pas imposés en Suisse sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de leur résidence et qu'ils peuvent se prévaloir de la tolérance prévue par l'instruction du 10 décembre 1972 publiée sous la référence DB 14 B-2211 ;
- les attestations des autorités suisses, qui sont conformes aux exigences du paragraphe 2 de l'article 31 de la convention, démontrent qu'ils sont imposés de manière illimitée en Suisse, qu'ils remplissent ainsi les conditions pour pouvoir prétendre à l'application de la doctrine et qu'ils doivent être considérés comme résidents de Suisse pour l'application de la convention ;
- dès lors qu'ils ont produit ces attestations, qui ont le même contenu que celles recueillies par l'administration fiscale dans le cadre de l'assistance administrative internationale, ils ne peuvent être regardés comme étant tenus d'apporter d'autres éléments ; au demeurant, la décision de taxation de 2008 et ses annexes démontrent qu'ils remplissent les conditions pour pouvoir prétendre à l'application de la doctrine ;
- dès lors qu'ils étaient fiscalement domiciliés en Suisse au titre de l'année 2008, la plus-value qu'ils ont réalisée le 31 mars 2008 n'était imposable que dans cet Etat, en application du paragraphe 5 de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse.
Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par un arrêt n° 17LY01945 du 4 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017.
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision n° 427182 du 23 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme A..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 décembre 2018 et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État
Par des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2020, le 25 février 2021, le 28 mai 2021 et le 19 octobre 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Gateau, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent en outre que :
- ils peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 10 décembre 1972 publiée sous la référence DB 14 B-2211, laquelle ne subordonne pas le bénéfice de la qualité de résident suisse à la production de l'attestation prévue par l'article 31 de la convention fiscale franco-suisse, dès lors que la base d'imposition fédérale, cantonale et communale suisse est supérieure à cinq fois la valeur locative de leur habitation, et que cette base est supérieure à une fois et demie le prix de pension ;
- l'administration fiscale suisse, qui les a assujettis à l'impôt en Suisse, a nécessairement considéré qu'ils étaient résidents fiscaux suisses.
Par des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2021 et le 30 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 97-1164 du 30 décembre 1997 ;
- la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 ;
- la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gateau, représentant M. et Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... A... ont quitté la France pour aller s'installer en Suisse à la fin de l'année 2007 et ont cédé, le 31 mars 2008, pour un montant total de 55 743 910 euros, les titres de la SA Codymo, société dont M. A... avait été le dirigeant jusqu'au 28 septembre 2007. A la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, l'administration fiscale, ayant estimé que M. et Mme A... étaient restés imposables en France au moins jusqu'au 31 mars 2008, a réintégré le gain retiré de la cession des titres de la SA Codymo dans leur base imposable à l'impôt sur le revenu de l'année 2008. En conséquence de l'imposition de ce gain et de l'imposition des pensions de retraite perçues au cours du premier trimestre de l'année 2008 que les intéressés avaient fait figurer dans la déclaration de revenus qu'ils avaient souscrite auprès du centre des impôts des non-résidents, M. et Mme A... ont été assujettis, au titre de l'année 2008, à une cotisation d'impôt sur le revenu et aux contributions sociales. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes. Par un arrêt n° 17LY01945 du 4 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement. Par une décision n° 427182 du 23 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme A..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 décembre 2018 et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur le principe de l'imposition en France :
2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
S'agissant de l'application de la loi fiscale française :
3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ".
4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., qui détenaient 98,75 % du capital de la SA Codymo, dans laquelle ils ont conservé des fonctions d'administrateurs jusqu'au 31 mars 2008, et 80 % du capital des sociétés Aménagement Nord Isère rénovation (ANIR) et Tignieu Dauphiné Aménagement (TDA), et qui disposaient en France de comptes bancaires ouverts auprès des établissements Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes et Cie Financière Rothschild, régulièrement utilisés, sur lesquels ils percevaient leurs pensions, avaient en France le centre de leurs intérêts économiques au cours de l'année 2008. Ils doivent ainsi être regardés comme ayant eu, au titre de cette année, leur domicile fiscal en France au sens de la loi française.
S'agissant de l'application de la convention fiscale franco-suisse :
5. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " Pour l'application de la convention par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a le sens que lui attribue le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente. Le sens attribué à un terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévaut (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. (...). 6. N'est pas considérée comme résident d'un Etat contractant au sens du présent article : (...) b) Une personne physique qui n'est imposable dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de la ou des résidences qu'elle possède sur le territoire de cet Etat ". La notion de foyer d'habitation permanent retenue par les stipulations du c) du paragraphe 2 de l'article 4 de la convention doit être définie en fonction principalement d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable.
6. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des attestations des autorités fiscales suisses établies le 6 mars 2008, le 7 avril 2011 et le 1er mai 2012, que M. et Mme A... ont été assujettis de manière illimitée, tant pour les revenus que pour la fortune, aux impôts fédéraux, cantonaux, et communaux suisses à compter du 1er janvier 2008 en raison de leur résidence en Suisse. Dans ces conditions, les requérants doivent être regardés, pour l'application du paragraphe 1 de l'article 4 de la convention, comme résidents de la Suisse au titre de l'année 2008.
7. Il résulte des stipulations précitées du b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention que ne sont pas considérées comme des résidents d'un des deux Etats contractants, alors même qu'elles satisferaient aux conditions posées par le 1. de cet article, les personnes qui ne sont imposables dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée en tenant compte de la valeur locative de la ou des résidences qu'elles possèdent sur le territoire de cet Etat.
8. Il est constant que M. et Mme A... ont été soumis, au titre de l'année en litige, à l'impôt sur le revenu en Suisse selon le régime d'imposition d'après la dépense, applicable aux personnes qui s'installent en Suisse sans avoir la nationalité de ce pays et sans y exercer d'activité lucrative, tel que défini par l'article 14 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct et par l'article 6 de la loi fédérale d'harmonisation des impôts directs. Il ressort de ces dispositions de droit suisse, dans leur version applicable au litige, que si la base d'imposition est déterminée à partir des dépenses annuelles du contribuable et des personnes dont il a la charge, exposées durant la période de calcul en Suisse et à l'étranger, pour assurer leur train de vie, le bénéfice de ce régime est subordonné à la condition que la base d'imposition retenue soit supérieure, notamment, à cinq fois le loyer ou la valeur locative de l'habitation pour les chefs de famille et à deux fois ce montant pour les autres contribuables. Les contribuables imposés selon ce régime doivent, par suite, être regardés comme entrant dans le champ de l'exclusion prévue au b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention. M. et Mme A..., qui ont été imposés selon ce régime, ne peuvent, ainsi, être regardés comme résidents de Suisse par application de la convention.
9. Toutefois, les requérants se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation du b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention donnée par l'administration fiscale au paragraphe n° 7 de la documentation de base 14 B-2211 du 10 décembre 1972 qui fait suite à un accord intervenu, sur le fondement de l'article 27 de la convention et sous forme d'échange de lettres entre les administrations fiscales française et suisse, en vue d'interpréter ces stipulations 4 et qui a donné lieu, pour ce qui concerne la Suisse, à la publication le 29 février 1968 d'une circulaire de l'administration fédérale suisse des contributions : " Se trouvent (...) exclues du bénéfice de la convention (...) du côté suisse, les personnes qui se trouvent soumises à l'impôt sur une base forfaitaire déterminée à partir du montant du loyer ou de la valeur locative de leur appartement ou du prix de pension (art. 18 bis de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 et dispositions semblables du droit cantonal). Toutefois, pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de considérer qu'une personne assujettie à l'impôt à forfait en Suisse (art. 18 bis AIN et les dispositions semblables du droit cantonal) a néanmoins la qualité de résident de Suisse au sens de l'article 4 de la convention : a - si la base d'imposition fédérale, cantonale et communale, est supérieure à cinq fois la valeur locative de l'habitation du contribuable ou à une fois et demie le prix de pension qu'il paie, et - b si la base d'imposition cantonale et communale ne s'écarte pas notablement de celle qui est déterminante pour 1'IDN (impôt fédéral pour la défense nationale), ladite base cantonale et communale devant, en tout état de cause, être égale ou supérieure aux éléments du revenu du contribuable qui proviennent de Suisse et de France, pour les revenus de source française, lorsqu'ils sont privilégiés par la convention, notamment dividendes, intérêts, redevances de licences (voir circulaire de l'administration fédérale suisse des contributions du 29 février 1968 annexe n° 13) ". Cette dernière circulaire fait état du ralliement, " par souci de conciliation ", des autorités françaises à la position des autorités suisses selon lesquelles les stipulations du b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention " ne visent que les personnes imposées sur un multiple de la valeur locative de leur habitation ou d'un prix de pension, à l'exclusion de toute personne taxée sur une base supérieure, que celle-ci corresponde au train de vie du contribuable ou à la somme des différents éléments du revenu mentionnés à l'article 18 bis AIN ".
10. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la base d'imposition fédérale, cantonale et communale de M. et Mme A... résultant, pour l'année 2008, de l'application du régime d'imposition d'après la dépense, d'un montant de 210 000 francs suisses, est supérieure à cinq fois la valeur locative de leur habitation au titre de cette année, à savoir celle de l'appartement situé à Kandersteg (Suisse) dont les contribuables étaient locataires au titre du mois de janvier 2008, soit 1 800 francs suisses, ajoutée à celle de l'immeuble qu'ils ont acquis à Saint-Légier-La Chiésaz en 2007 et qu'ils ont occupé à compter du 1er février 2008, soit 25 940 francs suisses.
11. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté, que cette base d'imposition est supérieure à la somme des revenus de source suisse de M. et Mme A..., d'un montant de 35 125 francs suisses, et des revenus de source française ayant la nature de " revenus privilégiés ", au nombre desquels ne figure pas la plus-value de cession de valeurs mobilières en litige dont il est constant qu'elle présente un caractère patrimonial, et qui sont ainsi nuls au titre de l'année 2008.
12. Par suite, M. et Mme A... doivent être regardés comme des résidents de Suisse, au sens des stipulations combinées des 1 et b) du paragraphe 6 de l'article 4 de la convention, dans l'interprétation qu'en donnait, pour l'année en litige, l'administration fiscale française dans sa doctrine.
13. Au regard des éléments rappelés précédemment, M. et Mme A... doivent par ailleurs être regardés comme résidents de France au titre de cette même année. Par suite, il y a lieu de faire application des critères subsidiaires énoncés au paragraphe 2 de l'article 4 et de déterminer l'Etat où ils avaient le " centre des intérêts vitaux ".
14. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., qui ont mis en vente, le 26 octobre 2007, leur résidence principale en France de Saint-Hilaire-de-Brens (Haute-Savoie), se sont vus délivrer un permis de séjour en Suisse à compter du 10 septembre 2007, ont résidé dans ce pays, à compter de cette date, d'abord dans un appartement pris en location à Kandersteg puis, à compter du 1er février 2008, dans l'immeuble de Saint-Légier-La Chiésaz qu'ils ont acquis le 10 octobre 2007 et dans lequel ils ont transféré leur mobilier le 19 décembre 2007 et entrepris d'importants travaux. En outre, les requérants ont souscrit un contrat d'assurance pour la couverture du risque maladie en Suisse auprès de la société Mutuel assurance à compter du 1er janvier 2008. Ils soutiennent par ailleurs, sans être contredits, qu'ils se sont inscrits sur les listes électorales suisses, que leur consommation d'eau et d'électricité démontre un séjour effectif, qu'ils ont retrouvé en Suisse le frère de M. A..., qui a acquis la nationalité suisse et y réside depuis plusieurs années, qu'ils ont adhéré à plusieurs associations locales et qu'ils ont ainsi tissé d'importants liens personnels et familiaux dans ce pays. Dans ces conditions, et alors même qu'ils n'ont exercé aucune activité professionnelle en Suisse, que leur fils réside en France, qu'ils ont conservé la propriété d'un chalet en France à La Clusaz (Haute-Savoie) dans lequel il n'est pas soutenu qu'ils auraient séjourné à titre principal, qu'ils ont perçu, en 2008, des revenus de capitaux mobiliers et des pensions de retraite de source française et qu'ils détenaient des comptes bancaires en France, régulièrement utilisés, les requérants, qui ont entretenu, au titre de l'année considérée, des liens personnels plus étroits avec la Suisse qu'avec la France, doivent être regardés comme ayant eu en Suisse leur foyer d'habitation permanent au sens du paragraphe 2 de l'article 4 de la convention franco-suisse.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir qu'ils avaient la qualité de résidents de Suisse pour l'application de cette convention.
16. Aux termes de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis à l'al. 1er du paragraphe 2 de l'article 6, sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. 2. Les gains provenant de l'aliénation d'actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou une institution comparable, dont l'actif ou le patrimoine est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens immobiliers définis au paragraphe 2 de l'article 6 et situés dans un Etat contractant ou de droits portant sur de tels biens sont imposables dans cet Etat. 3. Les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers faisant partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant, ou de biens mobiliers constitutifs d'une base fixe dont dispose un résident d'un Etat contractant dans l'autre Etat contractant pour l'exercice d'une profession libérale, y compris de tels gains provenant de l'aliénation globale de cet établissement stable (seul ou avec l'ensemble de l'entreprise), ou de cette base fixe, sont imposables dans cet autre Etat. Toutefois, les gains provenant de l'aliénation des biens mobiliers visés au par. 3 de l'art. 24 ne sont imposables que dans l'Etat contractant où les biens en question eux-mêmes sont imposables en vertu dudit article. 4. Les gains provenant de l'aliénation des biens mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3, tels qu'ils sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les plus-values, sont calculés dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou l'autre Etat contractant. (...) 5. Les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux par. 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l'Etat dont le cédant est un résident ".
17. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que le patrimoine de la SA Codymo, qui exerce l'activité de holding, serait constitué, directement ou indirectement, de biens immobiliers. Dans ces conditions, les gains provenant de la cession, le 31 mars 2008, des titres de cette société n'étaient imposables, en application du paragraphe 5. de l'article 15 de la convention, qu'en Suisse, dont M. et Mme A... ont la qualité de résidents. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la plus-value en litige ne pouvait être assujettie à l'impôt sur le revenu en France au titre de l'année 2008.
En ce qui concerne les prélèvements sociaux :
18. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 2 de la convention fiscale franco-suisse : " Sont considérés comme impôts sur le revenu et sur la fortune les impôts ordinaires et extraordinaires perçus sur le revenu total, sur la fortune totale, ou sur les éléments de revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers ou immobiliers, ainsi que les impôts sur les plus-values. (...) ". Aux termes du paragraphe 3 du même article : " 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : (...) A. En France, les impôts visés au paragraphe 2, et notamment : / a) L'impôt sur le revenu ; / b) L'impôt sur les sociétés ; / c) La taxe sur les salaires, régie par les dispositions de la convention applicables, suivant les cas, aux bénéfices des entreprises ou aux revenus des professions indépendantes ; / d) L'impôt de solidarité sur la fortune ". Aux termes du paragraphe 4 du même article : " La Convention s'appliquera aussi aux impôts futurs de nature identique ou analogue qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. Les autorités compétentes des Etats se communiqueront, à la fin de chaque année, les modifications apportées à leurs législations fiscales respectives ".
19. Il découle de ces stipulations, telles qu'elles ont été modifiées par l'avenant du 22 juillet 1997, que, s'agissant de la plus-value en litige, imposée au titre de l'année 2008, la contribution sociale généralisée, au taux de 8,20 % et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, au taux de 0,50 %, prévues aux articles 1600-0 C et G du code général des impôts, étaient, eu égard à leur assiette et à leur nature au regard des dispositions constitutionnelles et législatives nationales, au nombre des impositions françaises dites " actuelles " auxquelles la convention s'applique, alors même qu'elles n'avaient pas été expressément mentionnées dans la liste indicative du paragraphe 3 de l'article 2 de la convention. Sont, par ailleurs, couverts par la convention, au titre du paragraphe 4 de l'article 2, tous les impôts d'une nature identique ou analogue qui ont été institués depuis lors, tels en particulier, pour la période litigieuse, le prélèvement social de 2 % prévu, depuis la loi du 30 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998, par l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, la contribution additionnelle au prélèvement social au taux de 0,30 %, instituée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et prévue, pour la période litigieuse, par l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, et le prélèvement de 1,10 %, institué par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion lequel s'applique, en vertu de l'article 28 de cette loi, aux revenus des années 2008 et suivantes, et prévu au III de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles.
20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont également fondés à soutenir que le paragraphe 5. de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse fait obstacle à ce que la plus-value en litige soit assujettie aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2008.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les intérêts moratoires :
22. En cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal, les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont, conformément aux dispositions de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ".
23. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable sur ce point, les conclusions de M. et Mme A... tendant au versement d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1406790 du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017 est annulé.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des majorations correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2022.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
L. Francius
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY03456