Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble dans les instances n° 187223 et n° 187225, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans les quinze jours à compter de la notification du jugement, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui fixer un rendez-vous en préfecture pour qu'il puisse enregistrer sa demande de titre de séjour, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours suivant la notification du jugement, et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; d'autre part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 187223, 187225 du 19 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 13 novembre 2018 en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A... C... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 187223, 187225 du 19 novembre 2018 du tribunal de Grenoble en ce qu'il annule l'interdiction de retour ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. C... ;
Il soutient que :
- en annulant la mesure d'interdiction de retour, pour erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur en interprétant de manière cumulative les quatre critères de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et alors qu'il avait bien examiné la situation de l'intéressé au regard des quatre critères imposés par les textes, notamment sa situation personnelle et familiale, retenant ainsi pour fonder sa décision la durée de séjour et la nature des liens de M. C... avec la France ;
- la circonstance que l'intéressé ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement est sans effet, puisque les critères de l'article précédemment cité ne sont pas cumulatifs ;
- ayant fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence le 13 novembre 2018, M. C... n'a plus pointé à l'hôtel de police après le 15 novembre 2018, ce qui démontre sa volonté de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2020 le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 10 avril 1984 à Constantine, est entré en France le 1er mai 2018 muni d'un visa touristique, selon ses déclarations. Le 13 novembre 2018, lors d'une opération de police judicaire aux fins de contrôle d'identité et de contrôle des conditions de travail, M. C... s'est trouvé dans l'impossibilité de présenter un titre lui permettant de séjourner régulièrement en France. Après avoir relevé que l'intéressé n'avait entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation, s'était maintenu de façon irrégulière en France depuis plus de trois mois, ne justifiait pas de ressources propres et a déclaré travailler dans un salon de coiffure sans autorisation, le préfet de l'Isère, a le 13 novembre 2018, d'une part, pris à son encontre un arrêté - n° 2018-PC-128-A - portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, un arrêté - n° 128-PC-128-B - l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. M. C... a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Grenoble. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement n° 187223, 187225 du 19 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il annule son arrêté n° 2018-PC-128-A du 13 novembre 2018 en ce qu'il prononce à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
2. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
3. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
5. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les motifs de nature à justifier le prononcé à l'encontre d'un étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile tant dans son principe que dans sa durée.
6. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, M. C... faisait valoir les graves atteintes à sa situation qui résulteraient de cette décision, compte tenu de ses attaches familiales en France.
7. Pour annuler cette décision, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a retenu qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la circonstance que M. C... ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne représente pas à ce jour une menace pour l'ordre public.
8. Il ressort des motifs de la décision attaquée que le préfet de l'Isère s'est fondé sur les déclarations de l'intéressé lors de son interpellation. Le préfet a ainsi pris en compte la durée et les conditions de son séjour en France, l'existence de liens familiaux forts en Algérie où résident ses parents, son fils de six ans, ses trois soeurs et ses deux frères, alors qu'il n'établit pas l'intensité des liens avec les membres de sa famille présents en France, et le fait qu'il a été interpellé par les services de police pour des faits de travail dissimulé.
9. Le préfet de l'Isère justifie ainsi avoir examiné la situation de M. C... au regard des critères définis par les dispositions précitées du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment en ce qui concerne ses liens avec la France et ses attaches familiales. Il n'a ce faisant commis aucune erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de retour pour une durée d'un an.
10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le premier juge a estimé que l'appréciation portée par le préfet était erronée et a annulé pour ce motif la décision attaquée en faisant en outre inexactement usage d'un contrôle restreint de l'erreur manifeste d'appréciation.
11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. C... à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devant le tribunal administratif de Grenoble, M. C... n'ayant pas présenté de mémoire devant la cour.
12. En invoquant le moyen tiré de l'exception d'illégalité, M. C... doit être regardé comme excipant de l'illégalité de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français.
13. Ce moyen doit être écarté, en l'absence d'arguments nouveaux, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté n° 2018-PC-128-A du 13 novembre 2018 en tant qu'il prononçait à l'encontre de M. C... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 187223-187225 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 19 novembre 2018 est annulé en tant qu'il a annulé la décision, contenue dans l'arrêté n° 2018-PC-128-A du préfet de l'Isère du 13 novembre 2018, prononçant à l'encontre de M. C... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble et tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté n° 2018-PC-128-A du préfet de l'Isère du 13 novembre 2018, prononçant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. B..., président de chambre,
M. Gayrard, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020
N° 18LY04611 2