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04/07/2013 | FRANCE | N°12LY01417

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 04 juillet 2013, 12LY01417


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100544 du 15 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il l'a condamné à verser une indemnité de 18 817,15 euros à Mme E... A... à la suite du décès de son époux, M.F..., au centre hospitalier Robert Morlevat de Semur-en-Auxois ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...;

3°) de mettre à la charge de Mme A...les

dépens de l'instance ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100544 du 15 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il l'a condamné à verser une indemnité de 18 817,15 euros à Mme E... A... à la suite du décès de son époux, M.F..., au centre hospitalier Robert Morlevat de Semur-en-Auxois ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...;

3°) de mettre à la charge de Mme A...les dépens de l'instance ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la perforation colique subie par M. F... lors d'une coloscopie pratiquée le 23 juillet 2007 avait contribué à hauteur de 25 % au décès de ce patient, alors qu'il ressort du rapport d'expertise que ce décès est en lien direct et exclusif avec la pathologie cancéreuse de l'intéressé, qui est décédé des suites d'une défaillance hépatique ayant pour origine une tumeur et la tentative d'exérèse de celle-ci, et alors que, même en l'absence de perforation, le patient aurait dû subir une intervention destinée à l'exérèse de la tumeur et, compte tenu de son état de santé, être transféré en réanimation à la suite de l'intervention d'exérèse ; il n'existe pas de lien direct et exclusif entre la perforation et le décès, au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- il ressort du rapport d'expertise que, contrairement à ce qu'ont considéré les premières juges, le décès de M. F...n'était pas anormal au regard de son état de santé et de l'évolution prévisible de celui-ci ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant que M.F..., alors âgé de 63 ans, a subi au centre hospitalier de Semur-en-Auxois, suite à une altération de son état général, marquée par une anémie, une asthénie et des rectorragies répétées, le 16 juillet 2007, une rectosigmoïdoscopie, qui a mis en évidence une lésion qui n'a pu faire l'objet d'une biopsie, compte tenu d'un traitement anticoagulant ; que le 19 juillet, après l'arrêt du traitement anti-coagulant, a été pratiquée une coloscopie, qui a confirmé la présence d'une lésion tumorale, sur laquelle ont alors été effectuées des biopsies qui ont montré la présence d'un adénocarcinome moyennement différencié ; qu'en l'absence, lors de ladite coloscopie, d'exploration complète, du fait de la persistance de saignements liée à une interruption trop récente du traitement anti-coagulant, le patient a subi, de nouveau, le 23 juillet 2007, une coloscopie, qui a permis une exploration complète du côlon et la résection de plusieurs polypes ; qu'au cours de cet examen, et à l'occasion de l'ablation de polypes, une perforation colique s'est produite et a été immédiatement décelée ; qu'une intervention chirurgicale a été pratiquée le 24 juillet 2007, au cours de laquelle il a été procédé à une hémicolectomie gauche, sans rétablissement de la continuité, emportant à la fois le siège de la perforation et la tumeur de la jonction recto-sigmoïdienne ; que l'état hépatique de M. F..., placé en réanimation, a connu rapidement une dégradation progressive, en raison de la présence de métastases hépatiques multiples, révélée lors de la réalisation d'un scanner, pratiqué le 10 août 2007 ; que M. F...est décédé, le 15 août 2007, dans cet établissement hospitalier ; que malgré un avis du 7 juillet 2008, rendu après le dépôt d'un rapport par l'expert qu'elle avait désigné, de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Bourgogne, selon lequel il appartenait à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de faire une offre d'indemnisation à Mme A..., veuve de la victime, dans la limite de 25 % de ses préjudices, l'ONIAM n'a pas accepté de lui présenter une telle offre ; que l'ONIAM fait appel du jugement du 15 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il l'a condamné à verser une indemnité de 18 817,15 euros à Mme A... ;

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport déposé le 28 mai 2008 par l'expert désigné par la CRCI de Bourgogne, que l'évolution péjorative de l'état de santé de M. F..., postérieure à la perforation survenue le 23 juillet 2007 et qui est à l'origine de son décès, dès le 15 août 2007, est " en grande partie liée à l'évolution de la maladie néoplasique causale comportant des métastases hépatiques multiples et diffuses, responsables d'une défaillance hépatique terminale " ; que si ledit expert a fait apparaître, dans la " fiche récapitulative de conclusions " jointe à ce rapport, au titre de la rubrique relative à l'existence d'un lien de causalité direct de l'atteinte à la santé de la victime avec un " soin ", la mention " perforation colique survenue lors d'une polypectomie endoscopique 1/2 colectomie gauche sans rétablissement de continuité réanimation décès ", il résulte également dudit rapport que si la défaillance hépatique subie par M. F...a été accélérée par la perforation, le choc opératoire et l'affaiblissement en réanimation, le patient aurait subi, même en l'absence de la perforation colique, une intervention d'exérèse chirurgicale de la tumeur, de la nature de celle qui a été pratiquée le 24 juillet 2007, que le praticien ayant procédé à la coloscopie avait envisagée avant même la survenance de ladite perforation, lorsqu'il a volontairement laissé en place un polype sigmoïdien situé " dans la zone ultérieure d'exérèse " ; que, dès lors, le décès de M.F..., au terme d'une évolution péjorative de son état de santé liée à l'évolution de sa maladie néoplasique, n'est pas directement imputable à l'accident médical résultant de la perforation survenue le 23 juillet 2007, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait eu pour effet de soumettre plus rapidement le patient à une intervention qu'il devait, en tout état de cause, subir, et qui a conduit à une dégradation de son état de santé ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte également du rapport d'expertise et de la " fiche récapitulative de conclusions " mentionnés au point 2 que le décès de M. F...n'est pas sans rapport avec son état de santé antérieur, ledit expert mentionnant que ce décès était lié en grande partie à l'aggravation de l'insuffisance hépatique par métastases multiples et diffuses, et chiffrant à 75 % la " participation causale de cet état antérieur à la réalisation du dommage " ; qu'il en résulte que ce décès s'inscrivait dans une évolution qui était, initialement, prévisible, la défaillance hépatique ayant été seulement accélérée et majorée par la perforation, le choc opératoire et l'affaiblissement en réanimation, la part du dommage pouvant être considérée comme prévisible ayant été fixée par l'expert à 25 %, alors qu'ainsi qu'il a été également dit au point 2, M. F...devait subir une intervention chirurgicale d'exérèse tumorale de la nature de celle pratiquée le 24 juillet 2007, au cours de laquelle il a été aussi procédé au traitement de la perforation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour mettre à la charge de l'ONIAM une indemnité de 18 817,15 euros en réparation des préjudices de Mme A... à la suite du décès de son époux, M.F..., au centre hospitalier Robert Morlevat de Semur-en-Auxois, sur le motif tiré de ce que ce décès constituait un dommage anormal au regard de l'état de santé qu'il présentait alors comme de l'évolution prévisible de celui-ci, pour l'application des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'absence d'autre moyen susceptible d'être examiné par la Cour au titre de l'effet dévolutif de l'appel, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à indemniser Mme A...des préjudices résultant du décès de M.F... ; que, dans les circonstances de l'espèce, les dépens, comprenant la contribution pour l'aide juridique acquittée par l'ONIAM, doivent être mis à la charge de Mme A... ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1100544 du 15 mars 2012 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A...tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité sont rejetées.

Article 3 : Les dépens, comprenant la contribution pour l'aide juridique acquittée par l'ONIAM, sont mis à la charge de MmeA....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme E...A...et au centre hospitalier Robert Morlevat de Semur-en-Auxois.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. B...et M. Seillet, présidents-assesseurs,

M. C...et M.D..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2013.

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N° 12LY01417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 12LY01417
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : ASSOCIATION VATIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-04;12ly01417 ?
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