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27/06/2013 | FRANCE | N°13LY00516

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 13LY00516


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 12 février 2013 et régularisée le 26 février 2013, présentée pour Mme D...C..., néeB..., domiciliée ...;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204625, du 16 octobre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 30 mars 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle ser

ait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 12 février 2013 et régularisée le 26 février 2013, présentée pour Mme D...C..., néeB..., domiciliée ...;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204625, du 16 octobre 2012, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 30 mars 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que le préfet de l'Ain a commis une erreur de fait quant à la possibilité de voyager sans risque vers le Kosovo et que cette erreur a eu une influence sur le sens de la décision de refus de délivrance de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que le refus de séjour est entaché d'un défaut de motivation sur ce point ; que le préfet de l'Ain, en estimant qu'elle peut recevoir dans son pays d'origine les soins que requiert son état de santé, a commis une erreur d'appréciation ; que les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays de destination ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et de sa vie privée et familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Ain qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu le courrier présenté par le préfet de l'Ain, enregistré à la Cour le 12 juin 2013, soit postérieurement à la clôture d'instruction de l'affaire ;

Vu la décision du 20 décembre 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à MmeC... ;

Vu la note en délibéré présentée pour MmeC..., reçue à la Cour le 13 juin 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Esquerre, avocat de MmeC... ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ;

2. Considérant que MmeC..., de nationalité kosovare, a sollicité, le 28 février 2012, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Ain, après avoir consulté le médecin de l'agence régionale de santé, a refusé, le 30 mars 2012, de délivrer à la requérante le titre de séjour qu'elle sollicitait, aux motifs que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existait dans son pays d'origine, vers lequel elle pouvait voyager sans risque ; que si, dans son avis du 13 mars 2012, le médecin inspecteur de santé publique auprès de la délégation territoriale du département de l'Ain de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existait dans son pays d'origine, vers lequel elle ne pouvait pas voyager sans risque, il a indiqué, dans un courrier adressé au préfet le 28 septembre 2012, que la mention relative à l'impossibilité de voyager sans risque vers le Kosovo était erronée et qu'il avait en réalité estimé que Mme C...pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ; qu'il s'ensuit que le préfet de l'Ain n'a commis aucune erreur de fait quant à la possibilité de la patiente de voyager sans risque vers son pays d'origine ;

3. Considérant que la décision en litige fait état de la demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont Mme C...avait saisi le préfet de l'Ain, cite les dispositions du 11° de l'article L. 313-11, mentionne l'avis du médecin inspecteur de santé publique émis le 13 mars 2012 et indique les raisons, rappelées dans le considérant 2, pour lesquelles elle n'est pas admise au séjour en qualité d'étrangère malade ; qu'il résulte de ce qui précède que la décision de refus de séjour du 30 mars 2012 en litige énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, régulièrement motivée au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;

4. Considérant que MmeC..., qui produit plusieurs pièces médicales indiquant qu'elle souffre d'un état dépressif justifiant un traitement médicamenteux à base de psychotropes et d'anxiolytiques, soutient qu'elle ne peut pas avoir accès dans son pays d'origine à des soins adaptés à son état de santé et verse, à l'appui de cette allégation, des extraits d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés concernant l'état des soins de santé au Kosovo, mis à jour le 1er septembre 2010, selon lequel le système de santé mentale peine à répondre à l'importante demande de la population ; que, toutefois, ce dernier document ne réfute pas l'existence d'un réseau de prise en charge des troubles psychologiques dans ce pays et le préfet de l'Ain produit un courrier de l'ambassade de France au Kosovo, du 22 août 2010, confirmant que l'Etat du Kosovo prend totalement en charge ses ressortissants souffrant de pathologies psychiatriques, et que les structures de soins sont opérationnelles ; que, si la requérante conteste le rapport produit par l'Etat en soutenant que les informations y figurant ne sont pas objectives, elle ne démontre pas sérieusement l'absence d'objectivité de telles données ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier qu'il existe des structures médicales et des médicaments susceptibles de traiter la pathologie de Mme C...dans son pays d'origine ; qu'il n'est pas établi que les évènements traumatisants qu'elle allègue avoir vécus au Kosovo soient tels qu'aucun traitement approprié ne pourrait y être sérieusement envisagé ; qu'en conséquence, et alors que Mme C... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle, la décision du 30 mars 2012 par laquelle le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., née le 17 juin 1974, ne réside en France que depuis le 16 juin 2010, en qualité de demandeur d'asile, et a passé l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine ; que son époux, A..., est également en situation irrégulière au regard du droit au séjour ; que la requérante a déclaré, lors du dépôt de sa demande d'asile, que ses parents et ses six frères et soeurs vivaient au Kosovo et qu'elle n'établit pas, par les pièces produites au dossier, que le retour dans son pays d'origine l'exposerait, ainsi que son époux, à des risques rendant impossible une vie privée et familiale et une scolarisation de leurs enfants ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment du caractère récent de son arrivée en France, vingt-et-un mois avant la décision attaquée, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que compte tenu de ce qui précède, le préfet de l'Ain n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour contestée sur l'état de santé et la vie privée et familiale de Mme C...;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du préfet de l'Ain, du 30 mars 2012 ; qu'ainsi, à la date de la décision d'éloignement contestée, du même jour, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à propos des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à propos des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C..., née B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Rabaté, président assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2013,

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N° 13LY00516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00516
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BERNARDI ESQUERRE MONTEIRO PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-27;13ly00516 ?
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