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27/06/2013 | FRANCE | N°13LY00428

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 13LY00428


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 15 février 2013 et régularisée le 18 février 2013, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206751, du 15 janvier 2013, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 18 septembre 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait

reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 15 février 2013 et régularisée le 18 février 2013, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206751, du 15 janvier 2013, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 18 septembre 2012, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre est entachée d'un vice de procédure ; qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; qu'elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des précédentes décisions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la décision du 6 mars 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Bescou, avocat de MmeB... ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, modifié par le décret n° 2011-1049 du 6 septembre 2011 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ;

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en réservant le cas d'une circonstance humanitaire exceptionnelle, le législateur a souhaité que puissent être prises en compte les situations individuelles qui justifient, nonobstant l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine, le maintien sur le territoire français de l'intéressé ; qu'ainsi, lorsque le demandeur porte à la connaissance de l'autorité administrative des éléments particuliers relatifs à sa situation personnelle, il appartient à cette autorité d'apprécier, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, lui-même éclairé par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, si ces éléments peuvent être qualifiés de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...ait porté à la connaissance du préfet du Rhône, préalablement à la décision litigieuse du 18 septembre 2012, des éléments relatifs à sa situation personnelle susceptibles d'être qualifiés de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si elle fait valoir qu'elle a fait état de circonstances exceptionnelles dans les recours présentés devant la juridiction administrative, elle ne s'en est cependant pas prévalu devant le préfet du Rhône ; qu'ainsi, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour en litige est irrégulière, faute d'avoir été précédée de la consultation du directeur général de l'agence régionale de santé sur ce point ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 18 septembre 2012 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté la demande présentée par Mme B...sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise au vu d'un avis médical du 10 août 2012, par lequel le médecin inspecteur de santé publique a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme B...pouvait toutefois bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et pouvait voyager sans risque avec un traitement ; que MmeB..., qui produit plusieurs pièces médicales indiquant qu'elle souffre d'une spondylarthrite ankylosante, soutient qu'elle ne peut pas avoir accès dans son pays d'origine à des soins adaptés à son état de santé en raison du caractère aléatoire de l'approvisionnement des pharmacies en Turquie et du coût trop élevé du traitement ; que, toutefois, les attestations médicales qu'elle verse à l'appui de ses allégations, ne font pas état de l'impossibilité pour l'intéressée de bénéficier d'un traitement approprié en Turquie, son pays d'origine ; qu'elle ne fait pas état de circonstances exceptionnelles qui l'empêcheraient d'en bénéficier effectivement dans ses courriers adressés au préfet du Rhône, le 19 janvier 2010 et le 30 mai 2012 ; que l'attestation d'une pharmacie en Turquie qui indique que " l'Enbrel n'est pas disponible en Turquie " n'est pas suffisante dès lors qu'il ressort de l'attestation médicale du médecin agréé, du 16 mai 2012, que " le traitement suivi est possible dans le pays d'origine " de Mme B...et que " l'état sanitaire du pays d'origine permettrait un traitement médical identique " ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier l'absence d'un traitement approprié pour soigner la pathologie de Mme B...en Turquie ; qu'en conséquence, la décision du 18 septembre 2012 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que si Mme B...fait valoir qu'elle est entrée en France en décembre 2007 et souffre de problèmes de santé pour lesquels elle est suivie en France, elle n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre son traitement en Turquie ; que, par ailleurs, si elle fait valoir que quatre de ses enfants résident en France, ainsi qu'un frère, une soeur et son ex-mari, elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où réside notamment une de ses filles ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour en France de MmeB..., la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., de nationalité turque, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 18 septembre 2012 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 18 septembre 2012, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'examen ci-avant de la légalité du refus de titre de séjour du 18 septembre 2012, que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français du même jour ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision du 18 septembre 2012 désignant le pays de renvoi, de l'illégalité des décisions du même jour refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Rabaté, président assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2013,

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N° 13LY00428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00428
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-27;13ly00428 ?
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