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16/05/2013 | FRANCE | N°12LY00370

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 mai 2013, 12LY00370


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2012, présentée pour Mme D...B..., domiciliée ...;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002899 du 1er décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Nièvre du 15 novembre 2010 autorisant la société Trap's à la licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 76

1-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la décision en litige a été pr...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2012, présentée pour Mme D...B..., domiciliée ...;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002899 du 1er décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Nièvre du 15 novembre 2010 autorisant la société Trap's à la licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la décision en litige a été prise par une autorité territorialement incompétente ;

- qu'elle ne mentionne pas la qualité de son auteur, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- qu'elle a été édictée en méconnaissance du principe du contradictoire puisqu'elle n'a pas été invitée à faire connaître ses observations sur la mesure envisagée par l'administration ;

- qu'elle comporte des mentions inexactes concernant sa qualité de déléguée syndicale, alors qu'elle n'a jamais détenu un tel mandat ;

- qu'elle est fondée sur des motifs étrangers à son activité professionnelle ainsi que sur le contexte social de l'entreprise sans que cette circonstance soit explicitée ni démontrée ;

- qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 avril 2012, présenté pour la société Trap's qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient :

- que la requête est irrecevable dès lors que la requérante, d'une part, ne justifie pas avoir acquitté le timbre fiscal de 35 euros comme l'exigent les dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts et, d'autre part, n'a pas contesté la décision du 12 mai 2011 par laquelle le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique qu'elle a formé contre la décision de l'inspecteur du travail ;

- que le moyen tiré de ce que la qualité du signataire ne serait pas mentionnée dans la décision en litige manque en fait ;

- que le signataire de la décision en litige était bien compétent territorialement pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Trap's ;

- que contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B...a bien été en mesure de faire valoir ses observations au cours de l'enquête conduite par l'inspecteur du travail qu'elle a rencontré deux fois ;

- que la requérante ne peut pas contester qu'elle a été désignée en qualité de délégué syndical par lettre du 20 mai 2010 du syndicat CGT ;

- qu'il est établi que, au moyen de fausses factures, plusieurs chèques émis au préjudice du comité d'entreprise ont personnellement bénéficié à Mme B...;

- que Mme B...ne peut pas sérieusement contester qu'en raison des fraudes qu'elle a commises au préjudice du comité d'entreprise, son maintien dans l'entreprise était de nature à créer des troubles dans l'entreprise ; qu'elle ne peut, en conséquence, contester le bien-fondé de la décision en litige ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 mai 2012 au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure en date du 10 mai 2012 ;

Vu l'ordonnance du 7 août 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 31 août 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Trap's a sollicité l'autorisation de licencier pour faute Mme B..., membre de la délégation unique du personnel et déléguée syndicale, et exerçant les fonctions d'opératrice de production ; que le 15 novembre 2010, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée ; que Mme B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-3 du même code : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8122-3 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " La direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle comprend des sections d'inspection du travail. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8122-8 de ce code : " La section d'inspection du travail est l'échelon territorial d'intervention dans l'entreprise. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par décision du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Nièvre du 30 décembre 2009, publiée au recueil spécial n° 1 du 5 janvier 2010 des actes administratifs de la préfecture de la Nièvre, Mme A...C..., inspecteur du travail en résidence administrative à Nevers, a été chargée de la section 58-2 de la Nièvre, laquelle comprend notamment, s'agissant de la commune de Nevers, la zone industrielle de Nevers Saint-Éloi dans laquelle se trouve la société Trap's, employeur de MmeB... ; que, par suite, Mme C... était compétente pour autoriser, comme elle l'a fait par la décision en litige du 15 novembre 2010, le licenciement de MmeB... ; que celle-ci ne peut utilement se prévaloir de son propre lieu de résidence ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.. " ; que la décision en litige débute par la mention : " L'inspecteur du travail de la deuxième section d'inspection du travail de la Nièvre soussigné " et qu'après l'exposé des motifs figurent la signature ainsi que les nom et prénom de son auteur, à savoir Mme A...C...; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier du recours hiérarchique formé par Mme B...qu'elle a rencontré, dans le cadre de la procédure relative à son licenciement, l'inspecteur du travail le 8 novembre 2010 et qu'au cours de cet entretien ont été évoqués les faits qui lui sont reprochés ; que, par suite, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été méconnu ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été désignée déléguée syndicale CGT en remplacement de MmeE..., par courrier de l'union départementale des syndicats CGT de la Nièvre en date du 20 mai 2010 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'inexactitude en tant qu'elle mentionne que Mme B...détient le mandat de déléguée syndicale manque en fait ;

7. Considérant, enfin, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle des comptes du comité d'entreprise effectué à son initiative, il est apparu que les comptes fournis par la trésorière comportaient plusieurs fausses factures relatives à l'achat de tickets de cinéma et que les sommes figurant sur plusieurs de ces factures correspondaient à des chèques tirés sur le compte bancaire du comité d'entreprise et émis au bénéfice de Mme B...; que si cette dernière soutient que les sommes en cause correspondaient à des avances qu'elle avait consenties pour l'acquisition de tickets de cinéma pour le compte du comité d'entreprise, elle n'en justifie pas en produisant l'attestation établie en sa faveur par la trésorière du comité, qui a elle-même produit des fausses factures relatives à l'achat de tickets de cinéma ; que, dès lors, bien que les faits ainsi reprochés à Mme B...n'aient pas été commis à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail, l'inspecteur du travail pouvait en tenir compte pour accorder l'autorisation en litige dès lors que ces faits, eu égard à leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, étaient de nature à rendre impossible son maintien au sein de celle-ci ; que, par suite, compte tenu de la gravité des agissements frauduleux en cause et eu égard aux tensions existant au sein du comité entreprise entre Mme B...et d'autres membres de cette instance, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant son licenciement ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées à la requête par la société Trap's, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Trap's.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mai 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00370
Date de la décision : 16/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL ALCIAT JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-05-16;12ly00370 ?
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