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18/04/2013 | FRANCE | N°12LY01725

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 12LY01725


Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000355 du 24 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne et, subsidiairement de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 953 720 euros ainsi qu'une somme annuelle de 96 000 euros depuis le 20 novembr

e 2006, en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'int...

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000355 du 24 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne et, subsidiairement de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 953 720 euros ainsi qu'une somme annuelle de 96 000 euros depuis le 20 novembre 2006, en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention réalisée le 13 juin 2005 ;

2°) de prononcer la condamnation demandée et d'ordonner une expertise portant sur l'aménagement de son domicile ;

Elle soutient que :

- en attendant l'extraction de la prothèse endotrachéale sous anesthésie générale, le médecin a fait le choix d'une amélioration momentanée par réduction du bouchon ;

- l'intervention a conduit à une obstruction totale de la prothèse, à une détresse respiratoire aigüe et à un arrêt cardiaque ;

- elle a finalement pu être intubée, la prothèse a été retirée et les premiers signes d'éveil sont apparus fin juillet 2005 ;

- s'agissant de la faute de l'hôpital, il n'y avait, d'abord, aucune situation d'urgence lorsqu'a été prise la décision de procéder à l'entretien de la prothèse et découvert le bouchon, celui-ci s'étant créé secondairement, le médecin ayant cherché à désobstruer la prothèse par simple lavage alors, qu'à ce stade, le retrait de la prothèse sous anesthésie générale était nécessaire ;

- il n'y avait aucune urgence à pratiquer le lavage ;

- il n'existait pas d'environnement médical adapté en cas d'aggravation, alors que le risque était maximal ;

- la non information de l'équipe de réanimation pendant près de 15 mn a aggravé la situation ;

- le médecin a, ensuite, manqué à son devoir d'information en ne l'informant pas des risques d'une intervention de désobstruction immédiate ou différée, alors qu'il n'existait pas de situation d'urgence caractérisée ;

- elle a perdu toute chance d'échapper au dommage qui s'est réalisé ;

- la mise en oeuvre de la solidarité nationale s'impose, le dommage n'étant pas le résultat inéluctable de son état ;

- elle a conservé d'importantes séquelles l'exposant à des préjudices d'ordre patrimonial et personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les courriers en date du 18 octobre 2012 mettant en demeure le CHU de Saint-Etienne et l'ONIAM, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, de présenter des observations ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2012, présenté pour l'ONIAM, qui conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre lui ;

Il soutient que :

- aucune indemnisation au titre de la solidarité nationale ne serait justifiée dans le cas où la responsabilité du centre hospitalier serait engagée ;

- les conditions d'indemnisation à ce titre ne sont pas réunies, en l'absence notamment de conséquences anormales, l'évolution de l'état de l'intéressée vers des problèmes d'ordre respiratoire étant inévitable en présence d'une obstruction de prothèse ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2012, présenté pour le CHU de Saint-Etienne qui conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées contre lui ;

Il soutient que :

- aucune faute n'est imputable à l'hôpital ;

- le geste endoscopique était parfaitement justifié et absolument indispensable ;

- ce geste a été pratiqué, non dans le cabinet du médecin, mais en salle d'endoscopie ;

- le centre hospitalier n'a pas commis de faute dans la prise en charge de l'intéressée lors des difficultés rencontrées pendant l'endoscopie ;

- il n'y a pas eu de retard de prise en charge de l'arrêt cardiorespiratoire ;

- rien ne permet de dire que l'équipe de réanimation n'aurait pas disposé des informations utiles à la prise en charge de l'intéressée ;

- en l'espèce, l'obstruction à 95 % de la prothèse n'a été constatée qu'au cours de l'endoscopie et, compte tenu des circonstances et de l'ampleur de l'obstruction, il n'était pas possible d'informer la patiente d'un risque totalement imprévisible ;

Vu l'ordonnance en date du 4 janvier 2013, prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, qui fixe au 23 janvier 2013 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de Mme Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Duval, avocat de MlleB... ;

1. Considérant que les souffrances respiratoires affectant Mme B..., née en 1970, qui présente en particulier une neuromyopathie et une cyphoscoliose, ont justifié l'implantation en 1997 d'une prothèse endotrachéale dont l'obstruction récurrente, consécutive à un fréquent encombrement bronchique, a rendu nécessaire le remplacement régulier ; qu'à la suite de difficultés respiratoires, elle a subi le 13 juin 2005 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne une endoscopie qui a mis en évidence l'obstruction à 95 % de la prothèse par un volumineux bouchon purulent, dont la réduction a été tentée, en vain, par un lavage, cette initiative ayant abouti à l'occlusion totale de la prothèse et entraîné pour Mme B...une détresse respiratoire aigüe prise en charge en urgence par l'équipe de réanimation ; que l'intéressée a conservé de cette intervention d'importantes séquelles ; qu'elle a obtenu du juge des référés du Tribunal administratif de Lyon la désignation d'un expert qui a remis son rapport le 27 mars 2007 ; que par un jugement du 24 avril 2012, le Tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de ses préjudices qu'elle avait présentée contre le CHU de Saint-Etienne et contre l'ONIAM ;

Sur la responsabilité pour faute de l'hôpital :

En ce qui concerne les actes médicaux :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que Mme B...fait valoir que les services hospitaliers auraient commis une faute en tentant d'enlever le bouchon obstruant sa prothèse alors que, compte tenu de son importance et en l'absence d'environnement médical adapté, l'intervention était périlleuse et que seul un retrait de la prothèse par un acte chirurgical sous anesthésie était praticable ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et en particulier des conclusions, non sérieusement contestées, de l'expertise, que le geste endoscopique pratiqué par les services du CHU de Saint-Etienne était absolument indispensable et que si la patiente n'était pas cyanosée et était capable aussi bien de parler que de subir une radiographie pulmonaire, l'expert relève que l'intéressée était condamnée à une anoxie mortelle très rapide compte tenu du calibre du circuit bronchique inférieur à 1 mm, la sévérité d'un tel obstacle et ses conséquences étant totalement imprévisibles ; qu'il s'ensuit qu'aucune faute ne saurait de ce chef être retenue à... ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce soutient la requérante, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le geste endoscopique a été pratiqué dans des locaux de l'hôpital, équipés d'un matériel moderne normalement utilisé dans les salles d'endoscopie ;

5. Considérant, enfin, que Mme B...soutient que sa prise en charge dans les suites de l'accident endoscopique aurait été défaillante ; qu'il résulte cependant des conclusions de l'expert que, au contraire, aucun retard n'est survenu dans la prise en charge de l'arrêt cardiorespiratoire dont elle a été victime ; qu'il apparaît notamment que, une fois constatée l'impossibilité de déplacer le bouchon muqueux, le médecin responsable de l'endoscopie, après avoir allongé l'intéressée par terre, a appelé en urgence les services de réanimation qui, bien que situés six étages plus bas, sont parvenus moins de 5 minutes plus tard en salle d'endoscopie où, compte tenu de l'impossibilité de réaliser une extraction de la prothèse en urgence, ils ont accompli, dans le respect des règles de l'art, les gestes de réanimation requis, alors même qu'ils étaient rendus techniquement très difficiles par le bouchon situé à l'intérieur de la prothèse ; qu'à cet égard, rien au dossier ne permet d'affirmer que le médecin chargé de l'endoscopie n'aurait pas correctement informé les services de réanimation sur l'état de la patiente alors que, comme l'a rappelé l'expert, le délai d'environ 15 minutes qui s'est écoulé avant le rétablissement de la respiration s'explique par la sévérité de l'obstacle endobronchique et les difficultés techniques rencontrées pour son retrait ; que, dès lors, aucune faute n'est, à cet égard, imputable au centre hospitalier ;

En ce qui concerne l'obligation d'information :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser (...) " ;

7. Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être niée l'existence d'une perte de chance ;

8. Considérant que le centre hospitalier n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que Mme B...a été informée, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, des risques auxquels l'exposait la tentative d'aspiration du bouchon obstruant sa trachée ; que toutefois, compte tenu de la gravité de cette sténose, qui mettait en danger son pronostic vital, l'opération subie par l'intéressée était impérieusement requise ; que, dès lors, la faute commise par le CHU de Saint-Etienne à n'avoir pas préalablement informé Mme B...du risque d'obstruction de sa trachée n'a pu la priver de la possibilité raisonnable de refuser l'intervention qu'elle a subie ; que, par suite, la responsabilité du service public hospitalier n'est pas engagée à ce titre ;

Sur la mise en oeuvre de la solidarité nationale :

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'en l'absence d'intervention, la sévérité de la sténose dont souffrait Mme B...l'exposait à une insuffisance respiratoire aigüe mortelle ; que par suite, si l'endoscopie subie au CHU de Saint-Etienne a entraîné l'obstruction totale de la prothèse, les importantes séquelles qui en sont résultées pour elle n'ont pas, compte tenu de son état initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci, présenté de caractère anormal au sens des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que Mme B...n'est donc pas fondée à demander réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2013.

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N° 12LY01725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01725
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CABINET DEVERS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-04-18;12ly01725 ?
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